Jorge Bergoglio (1936 - )

Les combats d'un futur pape

À voir la popularité dont jouit le pape François depuis son élection au trône de Saint Pierre, le 13 mars 2013, on a du mal à croire que ce même homme était, la veille, un « proscrit » dans son propre pays, en Argentine.

Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires (photo : Enrique Cangas, pour Herodote.net)

Jésuite et archevêque

Le pape François, de son vrai nom Jorge Mario Bergoglio, est né à Buenos Aires, le 17 décembre 1936, dans une famille d’immigrés piémontais dont le père était cheminot. Il entre au séminaire de la Compagnie de Jésus à 21 ans et est ordonné prêtre le 13 décembre 1969, douze ans plus tard.

En juin 1973, il est nommé provincial de la Compagnie de Jésus en Argentine, charge qu’il exercera pendant six ans. En 1992, il revient à Buenos Aires comme évêque auxiliaire et devient le bras droit de l’archevêque Antonio Quarracino, que beaucoup ont surnommé « le premier électeur de Bergoglio ». Il le remplace à sa mort en 1998.

Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires (photo : Enrique Cangas, pour Herodote.net)Jorge Mario Bergoglio ne tarde pas à apparaître alors, presque malgré lui, comme un candidat crédible au pontificat.

Il se fait en effet remarquer par ses collègues du monde entier à deux reprises, par son travail, son aptitude au dialogue, sa capacité de synthèse et ses idées sur ce que doit être le renouveau de l’Église :

La première fois quand, après avoir reçu la barrette cardinalice des mains de Jean-Paul II en février 2001, il est désigné en septembre de la même année rapporteur du synode des évêques, en remplacement de l’archevêque de New York, le cardinal Edward Egan, contraint de regagner son pays après les attentats du 11/9.

La deuxième fois, en 2007, à Aparecida (Brésil), où il est chargé de la rédaction du document final – un vrai programme - de la Ve Conférence des évêques Latino-américains.

L'archevêque dénonce le couple présidentiel

Mais nul n’est prophète en son pays, et Jorge Mario Bergoglio n’a pas failli à la règle ! La froideur à peine dissimulée du message de félicitations de la présidente argentine Cristina Kirchner au nouveau pape latino-américain rappelle leur longue mésentente et leur inimitié réciproque.

Pendant la crise sociale et économique qui secoue l'Argentine en 2001, Néstor Kirchner - président de 2003 à 2007 - et sa femme et successeur Cristina Fernández en font l'un des responsables de la crise. La vérité est qu'ils lui en veulent de dénoncer en chaire leur style de gouvernement et leur exercice du pouvoir brutal et cassant.

Au sein de l'Église aussi

Parallèlement aux heurts avec le pouvoir politique, Jorge Bergoglio dût faire face aussi à des adversaires au sein même de l'Église, regroupés autour du nonce apostolique Adriano Bernardini (l'ambassadeur du Saint Siège à Buenos Aires), aujourd’hui en poste à la nonciature à Rome.

De 2003 a 2011, le diplomate ne cessa de promouvoir des nominations d’évêques contre l’avis de Jorge Bergoglio. Puis, lorsque celui-ci présenta à Benoît XVI sa démission d'archevêque en raison de son âge (75 ans), Adriano Bernardini fit campagne pour que son voeu soit sans délai exaucé !

« La prétention de détruire le plan de Dieu »

Les échanges d'amabilités n'ont jamais cessé entre archevêque et couple présidentiel. Lorsqu’en 2006, le porte-parole de l’archevêché accuse le président d’inciter à la haine, Kirchner répond : « Dieu appartient à tous, mais attention : le diable aussi s'en prend à tout le monde, à ceux d’entre nous qui portons des pantalons mais aussi à ceux qui enfilent une soutane ».

Cristina Fernández de Kirchner, présidente de l'Argentine (19 février 1953, Ringuelet, La Plata), DRAprès l’apparence d’une trêve avec Cristina Kirchner, qui succède à son mari à la présidence en 2007, voilà qu'un conflit de plusieurs semaines éclate entre le gouvernement et les agriculteurs à propos d’une augmentation des taxes à l’exportation. Bergoglio demande à la présidente « un geste de grandeur » pour mettre fin au conflit. « Le défi est de rester unis en tant que peuple », lui dit-il. Pas de réponse.

La tension culmine en 2010 lorsque le gouvernement envoie au Parlement le projet de légalisation du mariage homosexuel, une initiative que l’archevêque de Buenos Aires critique vivement : « Il ne s’agit pas tout simplement d’une lutte politique : c’est la prétention de détruire le plan de Dieu. Il ne s’agit pas d’un simple projet législatif, mais d’un dessein du (démon) ».

Happy end

Après le débat sur le mariage gay, personne en Argentine ne croit plus aux chances de l'archevêque de Buenos Aires d’être élu pape et son nom est même barré de la liste des « papabiles »

Le cardinal lui-même, ayant eu 75 ans en 2011, réserve une chambre dans une maison de retraite des Jésuites en attendant que Benoît XVI accepte sa démission de l’archevêché de Buenos Aires.

Son élection par le conclave prend de court le gouvernement argentin. Passé l'effet de (mauvaise) surprise, la présidente Cristina Kirchner tourne la page. Bénéficiant de l’indulgence de son compatriote, elle est le premier chef d’État reçu par le nouveau souverain pontife, lequel se garde de toute tentation revancharde. Rien de son passé de combat ne transparaît dans le pontificat actuel.


Publié ou mis à jour le : 2019-05-14 16:29:30

Voir les 6 commentaires sur cet article

mimine44 (20-03-2014 22:26:11)

Cet article est intéressant, mais s’appesantit sur la question du mariage homosexuel, qui est tout à fait marginale dans le parcours courageux et libre du Pape François. Dans toutes les circonsta... Lire la suite

gerard planterose (14-03-2014 12:13:54)

J'aurais aimé que soient mieux précisés le rôle de M. Bergoglio avec la théologie de la libération, si hypocritement à la fois encouragée par Jean Paul II et Ratzinger et condamnée. Oui, déf... Lire la suite

Monique Bourlon (13-03-2014 17:28:42)

C'est un excellent article

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