Le « Siècle des Saints »

Les Missions Étrangères de Paris à l'assaut du monde

La France, au XVIIe siècle, baigne dans un climat de grande dévotion influencé par l’action de saint François de Sales, saint Vincent de Paul, de Port-Royal, des récollets, des capucins et de bien d’autres, ce qui vaut à ce siècle d’être qualifié « Siècle des Saints ». De là découle un enthousiasme pour les missions de la part du clergé séculier français, celles-ci étant jusque-là réservées aux congrégations religieuses.

Le Départ, pieuse représentation de l'élan missionnaire au XIXe siècle (Charles Louis de Fredy de Coubertin, 1868)

Paris enlève au Portugal et à l'Espagne le monopole des missions

Au milieu du XVIIe siècle, si on excepte l’archevêché de Goa avec trois évêchés aux Inde, il n’y a en Extrême Orient que deux évêchés, ceux de Malacca et de Macao. Ces sièges appartiennent aux Portugais, et le clergé qui en dépend est composé également de prêtres portugais ou métis, car la direction des missions catholiques a été cédée aux rois du Portugal et d’Espagne lors des grandes explorations maritimes du XVe siècle

Né à Avignon en 1591, le missionnaire jésuite Alexandre de Rhodes découvre l'immense potentiel de conversions que constitue l'Asie et s'émeut des médiocres résultats obtenus par les Portugais. Lui-même obtient des résultats significatifs au Vietnam où il est encore honoré de nos jours pour son oeuvre éducative.

Mais lorsqu'il revient en France au début des années 1650 pour plaider l’envoi d’évêques en Asie, le Portugal proteste énergiquement et retarde pour un temps l’accomplissement de son projet.

Quelques années plus tard, il revient à la charge et trouve enfin à Paris les volontaires et les ressources nécessaires.  Comme de son côté, le Portugal ne remplit plus les conditions du contrat, le Saint-Siège souhaite lui enlever le monopole des missions. Le pape Alexandre VII écoute donc d'une oreille favorable les demandes d'Alexandre de Rhodes etlui accorde les autorisations nécessaires.

En 1658, le pape nomme quatre vicaires apostoliques c’est-à-dire sans diocèse mais qui dépendent directement du Saint-Siège : François Laval de Montmorency, Pierre Lambert de la Motte, Ignace Cotolendi et François Pallu. Ces derniers partent entre 1660 et 1662, respectivement au Canada, en Cochinchine, en Chine et au Tonkin, accompagnés de prêtres et de laïcs. Ils peuvent être ainsi considérés comme les véritables fondateurs de la Société des Missions Étrangères.

Les instructions du pape données en 1659 aux missionnaires qui s’apprêtent à partir sont importantes pour comprendre l’esprit de la Société : « Ne mettez aucun zèle, ordonne-t-il, n’avancez aucun argument pour convaincre ces peuples de changer leurs rites, leurs coutumes et leurs mœurs, à moins qu’elles ne soient évidemment contraires à la religion et à la morale. Quoi de plus absurde que de transporter chez les Chinois la France, l’Espagne, l’Italie ou quelque autre pays d’Europe. N’introduisez pas chez eux nos pays, mais la foi, cette foi qui ne repousse ni ne blesse les rites ni les usages d’aucun peuple, pourvu qu’ils ne soient pas détestables, mais bien au contraire, veut qu’on les garde et les protège… Ne mettez donc jamais en parallèle les usages de ces peuples avec ceux de l’Europe ; bien au contraire, empressez-vous de vous y habituer. »

Les Missions étrangères de la rue du Bac aujourd'hui (Paris VIIe)

Louis XIV installe les Missions dans la rue du Bac, à Paris

En 1663, la nouvelle Société des Missions Étrangères reçoit l’autorisation d’ouvrir un séminaire rue du Bac à Paris pour la formation des futurs missionnaires et obtient du roi Louis XIV l’octroi des lettres patentes, accordant la reconnaissance légale du séminaire.

Prêtres et séminaristes au Japon en 1881Dès lors, tout au long du XVIIIe siècle, ledit séminaire va envoyer des missionnaires en Asie, dans des pays où la religion catholique est rarement autorisée et le plus souvent interdite. Parfois tolérés et souvent persécutés, les missionnaires font face à tous les dangers pour tenter de développer ou préserver la foi catholique dans les coins les plus reculés.

Au XIXe siècle, les vocations seront encore plus nombreuses. Elles permettront au Saint-Siège d’agrandir le champ d’action de la Société, lui confiant les nouvelles missions de Corée, du Japon, de Mandchourie, de Malaisie, de Birmanie, du Tibet et de l’Assam.

Les prêtres morts en martyrs sont de plus en plus nombreux, et certaines de leurs reliques sont conservées encore aujourd’hui dans la « salle des martyrs » des Missions Étrangères de Paris. À côté de ces châsses parfois monumentales, plusieurs objets tels que des couteaux, poignards, chaînes et cordes témoignent des supplices des persécutés.

Missionnaire de la Société des missions africaines, vers 1930 au Dahomey, Missionnaire des missions africaines au Dahomey vers 1930, Société des missions africaines de LyonAu XXe siècle, le clergé autochtone se développe et la société évangélise dans dix pays d’Asie plus de cent diocèses qui sont désormais dirigés par des évêques également autochtones. Aujourd’hui, elle compte 180 prêtres dispersés dans treize pays, aidés chaque année dans leur mission par l’envoi de 150 volontaires laïcs. Les MEP, contrairement aux Jésuites, n’envoient que des missionnaires français et normalement ad vitam, qui se concentrent sur l’évangélisation « par le bas » en œuvrant principalement dans les hôpitaux et dans les écoles.

Au total, depuis 1658, la société des MEP s’est déployée en Asie, dans quinze pays s’étendant de l’Inde au Japon, et compte à ce jour plus de 200 prêtres décédés de mort violentes dont 23 ont été canonisés par l’Église.

Funérailles d'un missionnaire des Missions étrangères de Paris à Osaka, collection Japon, iconothèque, IRFA.


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Le Grand Siècle
Publié ou mis à jour le : 2024-10-04 16:30:22
AMA (11-06-2023 15:23:10)

sur la peinture en haut de cette page, je remarque deux "prêtres" devant l'autel qui s'embrassent sur la bouche; y a t il une explication? merci.Herodote.net répond :Ce que nous voyons pour notre p... Lire la suite

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