Pierre Birnbaum (Seuil, 262 pages, 20 €, 2016)
À l'occasion des 80 ans de la victoire en France du Front Populaire, il était opportun d'évoquer la figure de son chef, le socialiste Léon Blum. C'est à quoi s'est attelé l'historien Pierre Birnbaum, auteur de nombreux ouvrages sur l'antisémitisme français.
Curieuse biographie que celle-ci. Elle nous dit finalement assez peu de choses sur les combats politiques qui ont mené Léon Blum à la tête du premier gouvernement ouvertement social de la IIIe République. Des 63 années qui ont précédé ce moment de gloire, l'auteur retient surtout les contradictions d'un jeune homme de bonne famille qui joue le dandy sans jamais oublier son identité juive.
Imprégné de culture littéraire, l'élève brillant de Normale Sup s'inscrit dans la filiation de Stendhal, son écrivain préféré. Mais c'est en pensant à La physiologie du mariage de Bazac qu'il publie à 35 ans Du Mariage (1907). Dans ce petit essai, il encourage les jeunes filles à jeter leur gourme comme les garçons avant de se caser sagement ! De quoi scandaliser les dames de la bonne société qu'il rencontre dans les salons parisiens.
Dans ces mêmes salons, il peut lui arriver de côtoyer son alter ego Marcel Proust. Les deux hommes ont le même âge, les mêmes origines sociales, le même goût pour les lettres et une curieuse ressemblance vestimentaire et physique (il n'est que de voir la couverture de ce livre).
Mais tandis que Marcel n'est qu'à moitié juif, Léon l'est pleinement. Pleinement n'est pas peu dire... Ainsi, il va se marier trois fois mais à chaque fois avec des femmes d'origine juive comme lui. Cette endogamie exceptionnelle accrédite l'impression que la population juive sous la IIIe République était encore assez peu intégrée à la société française... Notons encore avec un clin d'oeil que Blum a épousé des femmes sages et « de bonne éducation » qui n'ont sans doute pas mis en pratique ses recommandations d'écrivain !
Les destins de Proust et Blum divergent quand le premier, atteint par la maladie, se replie dans sa chambre, à la recherche du temps perdu, tandis que le second rencontre Jean Jaurès, à l'initiative de Lucien Herr, bibliothécaire de l'École normale supérieure.
Tout paraît opposer le jeune dandy efféminé au professeur toulousain, petit barbu replet de dix ans plus âgé, à l'accent caillouteux du Languedoc, aux moeurs conformistes, aussi à l'aise au milieu des mineurs et des ouvriers que des intellectuels bourgeois de Paris. Blum va néanmoins être séduit par le tribun socialiste et mettre sa plume à son service et collaborer en 1904 à la fondation du quotidien L'Humanité...
Voir : Dandy et socialiste
Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47
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