Jean-Claude Guillebaud (L'Iconoclaste, 400 pages, 20 euros, 2016)
Écrit début 2015, cet essai prémonitoire répond à la question que chacun se pose : « Comment se peut-il que des jeunes gens nés dans nos sociétés d'opulence aillent tuer ou se faire tuer en Syrie ou au Bataclan ? ».
Né en 1944, essayiste brillant, l'auteur nous propose de réfléchir sur la guerre et les moyens de la contenir. Il appartient à la génération soixante-huitarde qui a cru de bonne foi à l'avènement d'un monde sans guerre. Mais en tant que fils et petit-fils d'officiers, lui-même grand reporter de guerre, il a aussi découvert « cette fascination pour la guerre qui peut, à tout moment, nous envahir » (page 42). Il l'a lui-même observée sur tous les théâtres d'opération qu'il a couverts pendant vingt-cinq ans en qualité de grand reporter et y réfléchit à partir de son aventure familiale et professionnelle. Il en tire un enseignement pour l'époque actuelle : « À quoi bon échafauder des théories farfelues sur la "radicalité" et la "déradicalisation" si l'on refuse de réfléchir au caractère distrayant de la guerre évoqué par des centaines d'écrivains ? » (page 47). Il répond à la question que chacun se pose aujourd'hui : « Comment se peut-il que des jeunes gens nés dans nos sociétés d'opulence aillent tuer ou se faire tuer en Syrie ou au Bataclan ? ».
L'auteur ne veut pas croire malgré tout à l'inéluctabilité de la violence. Il en appelle aux mânes d'Henri Dunant, qui conçut la Croix Rouge après avoir foulé le champ de bataille de Solferino, et de Léon Tolstoï, qui découvrit la non-violence en visitant Borodino un demi-siècle après le carnage. Tolstoï eut entre autres disciples un jeune avocat indien, Gandhi... Il n'empêche que ces personnalités exceptionnelles n'ont pas elles-mêmes réussi à faire reculer la violence, tout au plus ont-elles tenté d'en soulager les effets. Et Jean-Claude Guillebaud de confesser dans son entretien avec Herodote.net son intérêt pour la doctrine de la « guerre juste » inspirée de saint Augustin : face aux forces du Mal, d'où qu'elles viennent, il faut s'obliger à prendre les armes, si pénible que cela puisse être.
Pétri d'humanité et adossé à une solide érudition, Le tourment de la guerre est écrit d'une plume alerte, propre à captiver tous les lecteurs curieux de comprendre leur époque.
Avant la sortie du livre, Jean-Claude Guillebaud a bien voulu confier de vive voix ses réflexions à André Larané et aux lecteurs d'Herodote.net (cliquer ci-dessous).
Voir : JC Guillebaud : Le tourment de la guerre
Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47
Vos réactions à cet article
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jr(13-1-2016) (13-01-2016 11:46:27)
excellent,analyse pertinente et d'une grande clarté.
armelle (11-01-2016 17:04:26)
Très intéressant, je vais lire le livre. Les garçons, dès leur plus jeune âge aiment "jouer" à la guerre. Les parents leurs offrent les (fausses)armes nécessaires ; à défaut ils les fabriquen... Lire la suite
fargier (10-01-2016 20:05:23)
Bravo , je suis parfaitement d'accord. C'est cyclique et dans la nature de l'homme hélas. Merci