Le Japon ancien n'a longtemps été connu que des aventuriers et des missionnaires.
Tandis que l'Europe refaisait le monde aux Temps modernes (XVIIe-XVIIIe siècles), l'Empire du Soleil levant, à l'abri de toute influence extérieure, cultivait le raffinement d'une société aristocratique et féodale stable et relativement prospère. Il affichait déjà un niveau d'éducation plus élevé que partout ailleurs (la moitié des adultes sachant lire et écrire au XVIIIe siècle) et un taux d'urbanisation très important.
Mais au milieu du XIXe siècle, les élites s'inquiètent de la présence de plus en plus prégnante des Occidentaux. Elles craignent de se voir imposer des traités humiliants comme la Chine. Dans un sursaut de la dernière chance, elles renversent le gouvernement shogunal et confient au jeune empereur Mutsuhito (15 ans) le soin de conduire la rénovation du pays.
Celle-ci ayant été menée à bien, le Japon, nostalgique de la période d'Edo (1603-1868), semble en ce début du XXIe siècle tenté par le repli.
En 1867, l'empereur Mutsuhito choisit de désigner son règne sous le nom de Meiji, ce qui signifie « gouvernement éclairé ». Les seigneurs qui ont permis la restauration de son autorité lui remettent leur fiefs et deviennent ses ministres.
Un décret impérial proclame bientôt l'abolition de tous les fiefs et du système féodal. Les anciens daimyo deviennent des gouverneurs locaux, tandis que la filiation entre l'empereur et la déesse du soleil est réaffirmée. Le culte shinto devient la religion officielle.
Les guerriers samouraïs doivent renoncer à leurs privilèges. L'abolition en 1876 de leur « caste » entraîne un affrontement entre l'armée de l'empereur et les samouraïs, qui se solde par la défaite de ces derniers à Shiroyama.
Une élite intellectuelle très ouverte aux influences occidentales entreprend des réformes de grande ampleur. Des officiers français et britanniques sont engagés pour moderniser l'armée japonaise et le service militaire devient obligatoire, de même que l'enseignement primaire. En 1889, une Constitution introduit un système bicaméral comprenant une Chambre des pairs et une Chambre basse élue au suffrage censitaire.
Le régime Meiji se donne pour objectif de développer l'industrie et le système bancaire. Cette modernisation ne va pas sans heurts. Jusqu'aux années 1930, des révoltes paysannes et ouvrières secouent sporadiquement le pays.
La modernisation du Japon, encore très relative, s'accompagne d'une politique extérieure agressive, traduite par le slogan : « Pays riche, armée puissante ». Dès 1894, le Japon entre en guerre contre la Chine. Par le traité de Shimonoseki, il met la main sur la Corée et Taiwan. Dix ans plus tard, il vainc la Russie tsariste.
Le 30 juillet 1912, Yoshi-Hito succède à son père sur le trône avec le nom de règne Taishô (la « Grande Rectitude »). Il entraîne son pays dans la Première Guerre mondiale du côté des Alliés, en vue de s'emparer des possessions allemandes dans le nord-est de la Chine et dans le Pacifique. Ce à quoi il réussit sans perdre un seul soldat ou presque.
Dans le même temps, le 18 janvier 1915, Tokyo va encore plus loin dans la voie impérialiste en présentant à la Chine les « Vingt et Une conditions », qui tendent à une mise sous tutelle de l'Empire du Milieu et renforcent la présence nippone en Mandchourie et en Mongolie Intérieure.
Le pays poursuit sa croissance économique après la Première Guerre mondiale et se remet même assez vite du brutal séisme qui détruitTokyo en 1923. En 1925, sous l'influence des libéraux, le nombre de citoyens disposant du droit de vote est multiplié par trois (les indigents et les moins de 30 ans, sans même parler des femmes, en sont cependant exclus).
Le 25 décembre 1926, Hirohito, petit-fils de l'empereur Meiji, monte sur le trône sous le nom de règne Shôwa, (la « Paix brillante »). À 25 ans, c'est déjà un gouvernant expérimenté car il a dû assurer la régence dans les années précédentes du fait de la maladie de son père.
La production industrielle poursuit sa forte croissance en dépit de la crise économique mondiale des années 1930. Le marché intérieur se révèle insuffisant pour lui assurer des débouchés suffisants bien que la population japonaise ait presque doublé depuis 1868, de 34 millions d'habitants à près de 60.
Les militaires, de plus en plus influents auprès de l'empereur, veulent trouver de nouveaux marchés en soumettant à leur volonté le monde chinois. Par des assassinats ciblés, ils écartent les libéraux du pouvoir.
Leur première cible est la Mandchourie, province extérieure de la Chine. Le 18 septembre 1931, ils prennent prétexte d'un sabotage sur le chemin de fer sudmanchourien pour occuper Moukden, capitale de la province. Avant que cet « incident de Moukden » soit condamné par la SDN, les Japonais complètent l'occupation de la Mandchourie. Ils la transforment en mars 1932 en un État fantoche, le Mandchoukouo, avec à sa tête le dernier empereur chinois de la dynastie mandchoue, P'ou Yi.
À la suite de ce « succès », le Japon se retire de la Société des Nations (SDN) et les militaires resserrent leur emprise sur le gouvernement, dont ils excluent tous les civils. L'opposition est réprimée. Cette orientation autoritaire est confirmée par le rapprochement avec l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste qui aboutit à la signature en 1936 du Pacte antikomintern.
En 1937 éclate une nouvelle guerre avec la Chine. Le Japon organise un blocus des côtes chinoises, bombarde massivement la population et mène une politique de terreur (massacre de Nankin). Il occupe presque toute la « Chine utile » mais ne parvient pas à venir à bout de la guérilla du Guomintang et du Parti Communiste chinois.
En 1940-1941, le Japon envahit la colonie française du Tonkin puis les îles de la Sonde hollandaises, enfin la Malaisie britannique, Hongkong, les Philippines et la Thaïlande. Le 7 décembre 1941, il attaque sans avertissement la flotte américaine basée à Pearl Harbor, dans le Pacifique. À l'exception de l'URSS, avec laquelle il a signé un pacte de neutralité, toutes les puissances alliées lui déclarent la guerre.
Le Japon pille les ressources des territoires occupés, pompeusement qualifiés par la propagande de « sphère de coprospérité de la grande Asie orientale ».
Mais son expansion est stoppée en 1942 par la bataille de la mer de Corail puis la bataille de Midway. Le Japon ne peut résister à la contre-offensive américaine.
À partir de novembre 1944, l'archipel est bombardé et les usines et les voies de communication détruites. Les villes ne sont pas épargnées par les bombardiers américains. La capitale Tokyo est elle-même détruite dans l'un des pires bombardements de l'Histoire le 10 mars 1945, avec un total de près de 100.000 morts.
À Potsdam, les Alliés exigent une reddition sans condition du Japon, sans résultat. Mais l'armée japonaise s'entête dans une résistance sans issue. Les kamikazes jettent leurs avions sur les navires américains et chaque combat, comme à Okinawa, coûte des milliers de vies. Pour précipiter la fin de la guerre, les Américains larguent deux bombes atomiques sur le Japon, le 6 août et le 9 août 1945. Elles tuent respectivement 70.000 et 40.000 personnes sur le coup. Au même moment, l'URSS déclare la guerre au Japon et entre en Mandchourie et dans le Nord de la Corée. L'empereur Hirohito intervient pour mettre fin au conflit et présenter la reddition du Japon.
Commence l'occupation américaines sous le commandement suprême du général Douglas MacArthur. Comme à Nüremberg, en Allemagne, un tribunal juge les principaux responsables du conflit (à l'exception notable de l'empereur Shôwa).
Une nouvelle Constitution établit une monarchie parlementaire cependant que l'empereur renonce formellement à son statut divin et dément son ascendance divine. Le système éducatif est profondément remodelé et le shintoïsme d'État démantelé. La reconstruction économique prend du temps, car en 1945 la quasi-totalité des infrastructures sont à terre.
La période d'occupation prend fin avec l'entrée en vigueur du traité de San Francisco, le 28 avril 1952. Le Japon peut enfin recouvrer son indépendance politique et se libérer de la tutelle américaine. La reconstruction étant à peu près achevée, le pays entre dès lors dans une phase d'expansion accélérée qui va le hisser parmi les plus riches pays de la planète.
Les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964 et l'Exposition Universelle d'Osaka en 1970 consacrent l'irruption du Japon dans le cercle encore étroit des pays riches.
Dès 1970, son PIB (produit intérieur brut) dépasse celui de la Grande-Bretagne, alors plongée dans une crise de langueur. Dans les années 1980, il dépasse celui de l'Allemagne.
Les industriels japonais triomphent dans la plupart des secteurs et se révèlent des innovateurs de premier plan, notamment en électronique grand public et en robotique. Ils achètent des tours de Manhattan, des studios d'Hollywood et les tournesols de Van Gogh.
D'aucuns imaginent déjà le moment où l'ancien vaincu de 1945 surpassera son vainqueur, les États-Unis...
En 1989, suite à une crise boursière, l'Empire du Soleil levant est frappé par une brutale crise de langueur dont il ne va jamais sortir jusqu'à ce jour.
En dépit de la stagnation économique, de la déflation et de la progression de l'emploi précaire, la cohésion sociale et politique du pays n'est pourtant aucunement affectée. Bien au contraire, elle semble se renforcer par le repli sur soi.
L'économie vit en bonne partie sur les ressources nationales. La dette de l'État, si importante qu'elle soit, est concentrée entre les mains des citoyens japonais. Les importations se limitent pour l'essentiel aux indispensables matières premières et sources d'énergie, ainsi qu'à des produits de luxe. Le Japon persiste même à se nourrir avec ses produits agricoles en dépit de la rareté des terres disponibles.
Le système de santé demeure excellent et la population japonaise peut se flatter de l'espérance de vie la plus élevée du monde. Le niveau d'éducation est également, comme au début du XIXe siècle, parmi les meilleurs du monde.
Les jeunes étudiants, qui jouissent d'excellentes écoles sur l'archipel, dédaignent les facultés américaines et se dispensent même d'apprendre les langues étrangères, y compris l'anglais international.
La vogue des mangas (bandes dessinées) et les innovations domotiques montrent que la capacité d'innovation des Japonais n'est pas entamée par le vieillissement de la population et son inéluctable diminution (c'est ce qui les distingue des Allemands qui ont fondé leur prospérité sur la seule industrie automobile).
Bien que la fécondité des Japonaises ait chuté aux environs de 1,2 enfant par femme, le gouvernement continue de limiter très sévèrement l'immigration.
Ce bonheur de l'entre-soi, que même les « Abenomics » du Premier ministre Shinzo Abe ne semblent pas entamer, évoque irrésistiblement la « période d'Edo » (XVIIe-XIXe siècles), qui alliait harmonie sociale, stabilité politique, fermeture des frontières, épanouissement culturel et relative prospérité.
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