Jean Cocteau (1889 - 1963)

Le « Funambule de tous les Arts »

Écrivain et poète (roman, théâtre, critique), peintre, dessinateur, décorateur, graphiste et céramiste, chorégraphe et cinéaste, Jean Cocteau  est né à Maisons-Laffitte le 5 juillet 1889 dans une famille de la grande bourgeoisie parisienne. Dès l'enfance, il est inspiré par les réceptions musicales de son grand-père et les lectures de contes par sa gouvernante Joséphine.

Affecté par le suicide de son père, alors qu'il n'a que 9 ans, il exorcise cette tragédie en découvrant le monde du cirque, de l'illusion et du trompe l'oeil, l'âme créatrice de l'imagination et du rêve. Pour l'anecdote, il oubliera même de se présenter à l'épreuve du baccalauréat au lycée Condorcet puis abandonnera ses études.

Jean Cocteau (1889 - 1963), doc INA

Anticonformiste mondain

Le jeune Cocteau fréquente dès l'âge de seize ans les cercles artistiques parisiens (Marcel Proust, les Daudet, les Rostand, la comtesse de Noailles) et européens (Édith Wharton, la princesse Bibesco, Ezra Pound).

Jean Cocteau (1889-1963) par Federico de Madrazo de Ocha, vers 1910-1912. Agrandissement : Jean Cocteau en 1923, Agence Meurisse, Paris, BnF.Édouard de Max, tragédien fasciné par l'écriture du jeune homme, organise une matinée théâtrale pour présenter ses oeuvres oniriques (théâtre Fémina, 1908). Avec Maurice Rostand et François Bernouard, Jean Cocteau fonde alors la revue poétique Shéhérazade et publie un recueil de poèmes, La lampe d'Aladin (1909).

Sa rencontre avec Serge de Diaghilev, directeur des Ballets russes, à l'occasion de la création du Sacre du Printemps (Stravinski, 1913) est une révélation.

Le jeune dandy rallie alors l'avant-garde artistique de Montparnasse et travaille avec ses nombreux amis, Picasso, Modigliani, Max Jacob, Apollinaire, Erik Satie, Blaise Cendrars, Aragon, Tzara ou encore André Gide (dit « Androgyde » !), dans toutes les formes d'expressions artistiques.

Réformé pour cause de constitution fragile, il est engagé comme ambulancier pendant la guerre. De retour à la vie civile, il convainc Diaghilev de monter un nouveau ballet dont il écrira le scénario. Erik Satie en écrit la musique... et Picasso peint le rideau de scène. Ce sera Parade, monté le 18 mai 1917 au théâtre du Châtelet, l'acte de naissance du surréalisme.

Après la guerre, il se met à écrire des romans (Le Gendarme incompris, 1921) avec les encouragements de son compagnon Raymond Radiguet, lequel restera dans la postérité avec Le Diable au corps (1923). À la suite de sa mort brutale, Cocteau tombe en dépression. Il commence à s'adonner à l'opium et suit une série de cures de désintoxication.

Pendant l'Occupation, honni en raison de son homosexualité par les sbires de Vichy (note), il se lie néanmoins d'amitié avec Arno Breker, sculpteur fétiche d'Adolf Hitler (Salut à Breker dans la revue Comoedia, 23 mai 1942). Il fréquente aussi Karl Hepting, directeur de l'Institut allemand et l'écrivain Ernst Jünger. Parallèlement, il témoigne en faveur de Jean Genet en Cour d'assises (1942).

Jean Cocteau, Le fauconnier, 1956. Dessin inspiré des ?uvres créées pour la chapelle Saint-Pierre de Villefranche-sur-Mer qu'il achève en 1957 et plus particulièrement des vitraux. Un chevalier arborant un bouclier décoré d'un faucon est d'ailleurs représenté à l'intérieur de l'édifice. Inquiété à la Libération, il est défendu par Genet, Éluard et Aragon et n'aura guère à souffrir de ses amitiés douteuses. À toutes les étapes de sa vie, son entregent et ses talents multiples lui assurent l'indulgence du public éclairé.

Élu successivement à l'Académie royale de Belgique et à l'Académie française (3 mars 1955 au fauteuil n°31 de Jérôme Tharaud par 17 voix contre 11 à Jérôme Carcopino), il dessine lui-même son épée et fait traduire son discours en argot des prisons avant d'être reçu le 20 octobre 1955 par André Maurois.

C'est dans sa retraite de la Maison du Bailli à Milly-la-Forêt que Jean Cocteau apprend la mort quelques heures plus tôt de sa grande amie Édith Piaf qu'il avait fait débuter au théâtre dans sa pièce «Le Bel Indifférent» (1940).

Peu de personnes savent en réalité que, déjà victime de deux crises cardiaques et trop ému, il vient de déclarer à son proche entourage : « C'est le bateau qui achève de couler. C'est ma dernière journée sur cette terre. » Quelques heures après, sous le coup de l'émotion, il s'éteint à son tour. Il repose dans la chapelle Saint-Blaise-des-Simples de Milly-la-Forêt, décorée par ses soins.

Un itinéraire protéiforme

Au final, en sus d'une oeuvre précieuse et prolifique, intrigante et parfois irritante, cet esthète touche à tout, détesté par André Breton, jalousé par André Gide, créateur doué et narcissique, à la palette variée des talents, laisse une oeuvre protéiforme, complétée par un journal intime : le Passé défini (1951-1963).

On peut citer, entre autres, La Lampe d'Aladin (1909) ; Le Prince frivole (1910) ; La Danse de Sophocle(1912), Le Cap de Bonne Espérance (1919), Potomak (1919, poésie de roman) ; Les Mariés de la tour Eiffel (1921, poésies de théâtre) ; Vocabulaire (1922) ; Antigone (1922 puis 1927) ; Le Secret professionnel (1922) ; Le Grand Écart(1923, poésie de roman), Thomas l'imposteur (1923, porté à l'écran par Georges Franju, 1965) ; Plain-Chant (1923, recueil de poésie) ; Roméo et Juliette (1924) ; Orphée (1926 porté à l'écran par Cocteau, 1950) ; Lettre à Jacques Maritain (1926, au lendemain de sa conversion) ; Opéra (1927, recueil de poésie) ; Le Livre Blanc (1928) ; Oedipe roi (1928 puis 1937) ; Les Enfants Terribles (1929, porté à l'écran par Jean-Pierre Melville, 1949) ; La Voix humaine (1930) ; Opium (1930, écrit pendant une de ses cures de désintoxication), Journal d'une désintoxication (1930) ; Le Sang d'un Poète (1930, porté à l'écran par Cocteau, 1932) ; La Machine infernale (1934, mythe d'Odipe revisité par la psychanalyse) ; Les Chevaliers de la Table ronde (1937) ; Les Parents terribles (1938, pièce de théâtre interdite sous l'Occupation portée à l'écran par Cocteau, 1949) ; Le Bel indifférent (1940, pour Édith Piaf) ; Les Monstres sacrés (1940) ; La Machine à écrire (1941); L'Éternel Retour (1943, scénario et dialogues avec Jean Delannoy) ; Renaud et Armide (1943, tragédie en vers) ; La Belle et la Bête (Prix Louis Delluc, 29 octobre 1946, NB, 96 min. avec Jean Marais et Josette Day) ; L'Aigle à deux têtes (1946, pièce de théâtre et mélodrame historique porté à l'écran par Cocteau, 1948) ; La Difficulté d'être (1947) ; Jean Marais (1951) ; Bacchus (1952) ; Journal d'un inconnu (1953) ; Clair-Obscur (1954, recueil de poésie) ; Le Testament d'Orphée (1960, film poétique) ; décoration de fresques : Villefranche-sur-Mer (1957, chapelle Saint-Pierre : «Mon sarcophage, mon masque d'or») ; Menton (1957, salle des mariages de l'Hôtel de Ville), Saint-Jean-Cap-Ferrat (1950, villa Santo-Sospir de Mme Alec Weisweiller ; 1962, Hôtel de Ville) ; Requiem (1961, recueil de poésie) ; Le Cordon ombilical (1962).

Pierre Le Blavec de Crac'h, 2003
Publié ou mis à jour le : 2024-10-07 15:50:17

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