L'idée d'accorder aux vieux travailleurs une « retraite », autrement dit une pension proportionnée à leurs revenus durant leur vie active, est récente. Mais elle puise ses racines dans une pratique de l'Ancien Régime.
Sa généralisation a coïncidé en France et dans le monde développé avec l'extension à grande échelle du salariat et de l'emploi à vie, à la fin du XIXe siècle et plus sûrement après la Seconde Guerre mondiale. Elle a été à la racine d'immenses avancées accomplies dans le domaine social (note).
Aujourd'hui, les débats autour de cette revendication sociale se concentrent sur son mode de financement (capitalisation ou répartition) et sur ses modalités (nombre d'années de travail et âge minimum pour y avoir droit)...
L'État employeur
Comme beaucoup d'autres innovations, la retraite a été amenée par la guerre et l'armée (rien à voir avec la Bérézina). On pense aux vieux légionnaires romains installés comme colons dans les territoires conquis ou aux soldats invalides de Louis XIV, pensionnés en vertu de leurs mérites.
Le Roi-Soleil, soucieux de s'attacher ses soldats et ses marins, instaure en 1673 une première caisse de retraite au bénéfice des équipages de la marine royale. Un siècle plus tard, une nouvelle caisse est créée, au bénéfice cette fois des employés de la Ferme générale, autrement dit du service des impôts. Cette réforme, qui sert une corporation nantie de privilèges, survient au moment où ce service est des plus impopulaires.
Au XVIIIe siècle, faut-il le préciser, la retraite ne saurait concerner d'autres catégories sociales que les serviteurs de l'État car ils sont les seuls à bénéficier d'un emploi salarié réglementé. Sans surprise, en 1790, les députés de l'Assemblée constituante élargissent par décret le droit à une pension de retraite à l'ensemble des serviteurs de l'État.
Sous le Second Empire, la loi du 9 juin 1853 organise la retraite des fonctionnaires de l'État et des militaires. L'âge de départ est fixé à 60 ans (55 ans pour les travaux pénibles). Les pensions sont prélevées directement sur le budget de l'État sans qu'il soit question de cotisations salariales.
Révolution industrielle, révolution de l'emploi
Avec la révolution industrielle et les premières usines naissent les associations d'entraide ouvrière. Sans en référer à quiconque, les travailleurs français mettent en place dès 1804 les premières sociétés de secours mutuel, héritières des corporations de l'Ancien Régime. Elles sont reconnues par les pouvoirs publics en 1835 mais sont pauvrement dotées et demeurent marginales : en 1890, seuls 3,5% des vieux ouvriers jouissent d'une pension.
Encore une fois, le financement des pensions ne dépend que du bon vouloir des employeurs, en l'occurrence les patrons du secteur privé. Quelques grands patrons « paternalistes » et clairvoyants participent ainsi au financement des pensions de retraite. Ils offrent à leurs ouvriers usés par le travail l'espoir de mourir en paix dans leur foyer, aux alentours de la soixantaine.
L'idée d'une retraite pour l'ensemble des salariés n'émerge qu'à la fin du XIXe siècle, en premier lieu dans l'Allemagne de Bismarck.
L'autoritaire chancelier a compris la nécessité de composer avec les syndicats ouvriers, dont l'influence croissait avec le développement de l'industrie et des grandes usines manufacturières.
Il met en place de 1883 à 1889 une législation sociale plus avancée que dans aucun autre pays européen. Elle établit des caisses d'assurance contre les accidents et la maladie et des caisses de retraite, financées par un système d'assurance obligatoire et gérées paritairement par les syndicats et les patrons. Les pensions ne dépendent donc plus de la générosité des employeurs mais reposent sur un principe d'assurance.
Le système d'assurance bismarckien procède de la répartition : les cotisations des actifs sont redistribuées à leurs aînés et réparties entre ceux-ci au prorata de ce qu'ils ont eux-mêmes cotisé.
Le droit à la retraite se généralise lentement à l'ensemble du salariat ouest-européen, à l'initiative des États. En France, les travailleurs des mines en bénéficient en 1894, par le biais d'une Caisse de retraite des mineurs. En 1909, c'est le tour des cheminots du réseau ferré de l'État.
L'année suivante, par la loi du 4 avril 1910, le ministre radical Léon Bourgeois organise les Retraites ouvrières et paysannes (ROP) pour tous les salariés de l'industrie et de l'agriculture mais sur une base volontaire. Les employeurs gardent la liberté d'y souscrire.
Il fonctionne par capitalisation : les cotisations sont placées à la Bourse et les dividendes redistribués sous forme de pensions. Confiant dans le rendement futur des actions des entreprises françaises (on est en 1910, à l'avant-veille de la Grande Guerre !), le gouvernement fait le pari d'assurer aux cotisants une pension stable, égale à 40% de leur ancien revenu à 65 ans.
Non sans une certaine lucidité en un temps où moins d'un ouvrier sur dix atteint cet âge, le syndicat CGT (Confédération Générale du Travail) s'y oppose : « C'est la donner à des morts ! », plaide-t-il. Qui plus est, les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles, qui représentent encore au début du XXe siècle la majorité de la population active, en demeurent exclus.
Le gouvernement Tardieu institue enfin un régime d'assurance vieillesse obligatoire pour tous les salariés modestes par la loi du 30 avril 1930. Puis, par la loi du 11 mars 1932, il crée les Assurances sociales, ancêtre de la Sécurité Sociale. Elle prévoit des allocations pour les travailleurs chargés de famille, financées par les cotisations patronales.
Pendant l'Occupation enfin, le maréchal Pétain se flatte de reprendre une vieille revendication de la gauche en mettant en place une Allocation aux vieux travailleurs salariés qui ne bénéficient pas de la pension de retraite instituée en 1930. « Je tiens les promesses, même celles des autres lorsque ces promesses sont fondées sur la justice », annonce-t-il à la radio le 15 mars 1941 en présentant la réforme.
La réforme est mise en place par le ministre du Travail René Belin, un ancien dirigeant de la CGT rallié au gouvernement de Vichy. Il remplace l'ancien système de capitalisation par un système de répartition, sur le modèle bismarckien.
Cela dit, qu'il s'agisse de capitalisation ou de répartition, le volume global disponible année après année pour le paiement des pensions dépend exclusivement de l'activité économique du moment. Il n'y a pas de tirelire dans laquelle chacun conserverait ses cotisations dans l'attente de ses vieux jours. Supposons - cas extrême - que l'activité économique du pays s'effondre : les pensions s'effondreront également, que ces pensions soient adossées aux cotisations des actifs (répartition) ou aux revenus du capital (capitalisation).
Capitalisation, répartition et « retraite par points »
La plupart des systèmes de retraite, à l'exclusion notable du système bismarckien, fonctionnaient à leur début par capitalisation. Ce terme barbare signifie que les gestionnaires des caisses de retraite placent à la banque les cotisations collectées auprès des salariés en activité.
Une fois que lesdits salariés arrivent à la retraite, ils reçoivent une pension constituée : 1) des dividendes de ce capital placé à la Bourse, 2) d'une rente viagère calculée sur la base de ce capital et de leur espérance de vie.
• Cette redistribution peut être lissée par les caisses de retraite selon le modèle en vigueur en Grande-Bretagne, c'est-à-dire que les retraités sont plus ou moins assurés dès le départ de recevoir une pension stable.
• Elle peut aussi suivre les fluctuations de la Bourse selon le modèle étasunien et dans ce cas, les retraités voient leur pension fluctuer au gré de Wall Street ; il peut s'ensuivre de violentes déconvenues en cas de mauvais placements comme cela est déjà arrivé à des retraités de General Motors (note).
Les deux guerres mondiales, les crises économiques et les périodes inflationnistes du début du XXe siècle ont mis à rude épreuve ce régime de capitalisation. Elles ont encouragé le passage à un régime, plus stable, celui de la répartition, par lequel les retraités se partagent les cotisations des actifs au prorata de leurs cotisations passées.
Par une simulation très simplifiée, voici comment fonctionne normalement la répartition des pensions en 2020 :
• Cette année-là, les salariés actifs, au nombre de vingt millions, cotisent pour un total de 180 milliards d'euros, soit en moyenne 9000 euros ou 30% du revenu brut des cotisants (30000 euros en moyenne),
• La même année, les dix millions de retraités survivants se partagent donc les 180 milliards cotisés par les actifs (18000 euros en moyenne par pensionné).
Reste à répartir les cotisations entre tous les pensionnés. La manière la plus objective est la « retraite par points », appliquée en particulier en Scandinavie. Elle revient à répartir les cotisations de l'année entre les retraités au prorata de ce que ceux-ci ont cotisé au cours de leur vie active :
• Dans les décennies précédentes, les dix millions de retraités survivants et autant de retraités décédés ont cotisé année après année en moyenne 160 milliards d'euros, ce qui fait 8000 euros en moyenne par an, soit 320000 euros en 40 années d'activité.
• Chaque cotisant se voit attribuer un « point retraite » pour mille euros cotisés. Certains retraités auront ainsi engrangé mille points au cours de leur vie active (pour des cotisations d'un total d'un million d'euros) et d'autres seulement cent, la moyenne étant de 320 points par retraité. On arrive à un total de 3,2 milliards de points environ pour les dix millions de retraités de 2020.
• Les 180 milliards destinés à être répartis entre ces retraités sont divisés en 3,2 milliards de points : chaque point rapporte ainsi 56,2 euros. Le retraité qui a cotisé pour un total de mille points recevra de la sorte une pension égale à 56200 euros et celui qui a cotisé pour cent points, 5620 euros.
Afin de « lisser » le montant des pensions et garantir aux nouveaux retraités une pension stable année après année, les caisses de retraite recourent à des spécialistes appelés « actuaires » : ils évaluent statistiquement de façon très savante l'espérance de vie moyenne des retraités et en déduisent de manière approchée le montant de leurs pensions.
Dans le cas des retraités qui ont eu une vie active hachée et ont très peu cotisée, l'État intervient avec un « complément vieillesse » financé par la solidarité nationale, autrement dit l'impôt.
Vers un système universel d'assurance sociale
Après la Libération, le gouvernement provisoire, sous l'égide du général de Gaulle, mit en oeuvre un ambitieux programme de réformes sociales en profitant de ce que les instances patronales, quelque peu compromises dans la Collaboration, n'étaient guère en état de le contester.
Il reprit à son compte le programme ébauché par le Conseil National de la Résistance le 15 mars 1944. Pour sa mise en oeuvre, il s'inspira du système bismarckien fondé sur une logique d'assurance et financé par des cotisations salariales et patronales proportionné aux ressources de chacun.
En cela, la France se distingue de l'« État providence » qui sera mis en place au Royaume-Uni dans le droit fil du rapport de Lord Beveridge, ministre du gouvernement Churchill, qui préconisait dès 1942 un système universel de protection sociale, du berceau à la tombe, appuyé sur l'État et financé par l'impôt. Elle emprunte toutefois aux Britanniques le principe de l'universalité et du caractère obligatoire de l'assurance.
C'est ainsi que le gouvernement provisoire institue la Sécurité sociale par l'ordonnance du 4 octobre 1945, complétée par celle du 19 octobre 1945, selon les préconisations de Pierre Laroque, un haut fonctionnaire qui va bénéficier du soutien actif d'Ambroise Croizat, député communiste devenu ministre du Travail en novembre 1945.
À partir de cette date, la Sécurité sociale est financée par les cotisations patronales et salariales, cogérée par les instances syndicales et patronales, avec une distribution des allocations et pensions par répartition.
Les retraités sont ainsi assurés d'une pension de 40% de leur ancien revenu à partir de 65 ans. C'est le régime général ou régime de base, qui est aujourd'hui complété par une assurance complémentaire obligatoire, également par répartition, l'une pour les salariés, l'autre pour les cadres.
Sont maintenus toutefois les régimes spéciaux (au nombre d'une quarantaine) apparus sous la IIIe République dans différentes professions, pour des raisons qui leur sont propres (militaires, fonctionnaires, cheminots, agriculteurs, avocats, etc.).
Trois ans plus tard, le 17 janvier 1948, les professions non salariées se voient accorder à leur tour le droit de créer et gérer des caisses autonomes d'assurance vieillesse.
Ces dispositifs se développèrent avec succès sous les « trente Glorieuses », tandis que le salariat se généralisait dans les sociétés occidentales, sous la forme d'emplois stables et souvent à vie. Mais ils ne profitèrent guère aux personnes âgées car celles-ci, avant la Libération, n'avaient pas eu la faculté de beaucoup cotiser pour leur retraite. Elles furent les laissées pour compte des « trente Glorieuses ».
Il en alla autrement à partir des années 1970 quand arrivèrent à l'âge de la retraite les générations creuses de l'entre-deux-guerres triplement chanceuses : elles étaient peu nombreuses ; elles avaient pu cotiser toute leur vie ou presque ; elles bénéficièrent enfin de la forte croissance économique des années 1950 et 1960 (jusqu'à 6% par an).
En 1980, le rapport Robert Lion préconisa avec une remarquable lucidité de renoncer à un âge imposé de départ à la retraite. Il suggéra pour tous les salariés un nombre minimum d'années de cotisations pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Ainsi un ouvrier qui travaille tôt et dur pourrait-il partir à la retraite beaucoup plus tôt qu'un cadre ou un enseignant.
Mais au lieu de cela, en 1983, en France, le gouvernement socialiste de Pierre Mauroy, sous la présidence de François Mitterrand, abaissa de 65 à 60 ans l'âge minimum donnant droit à la pension de retraite, avec en moyenne 50% du revenu d'activité pour 37,5 années de cotisation.
« De la sorte, par une double injustice sociale, un ouvrier devait travailler plus longtemps qu'un cadre ou un enseignant tout en ayant une espérance de vie bien plus courte, » déplore le démographe Alain Parant, qui participa au rapport Robert Lion. « En plus, il était amené à cotiser pour ces derniers, sans profit pour lui-même ! »
Il s'ensuivit que les revenus moyens des retraités rejoignirent les salaires des jeunes salariés. Ce fut la fin de la grande misère des vieux, un phénomène qui faisait encore la Une des journaux dans les décennies d'après-guerre. De la sorte, à la fin du XXe siècle, pour les plus chanceux, la retraite ne fut plus le viatique consolateur avant le Grand départ mais le commencement d'une nouvelle tranche de vie, un automne doré libéré de la servitude des horaires, du travail à la chaîne et des aboiements du chef de service.
En France, la belle logique qui sous-tendait à la Libération le système par répartition a été au fil des décennies altérée par les interventions politiques et électoralistes. C'est ainsi qu'aujourd'hui, le calcul des pensions se fait pour les salariés du privé sur les 25 meilleures années de carrière et pour les fonctionnaires sur les six derniers mois seulement ! Par ailleurs, les pensions sont réévaluées année après année de façon à toujours progresser au rythme de l'inflation ou au-delà.
Plus gravement, quand les employeurs du privé cotisent à raison de 28% du salaire brut pour la retraite de leurs salariés, l'État verse environ 74% du salaire brut (hors primes) pour celle de ses fonctionnaires. Il s'ensuit que la pension perçue par chaque retraité n'a plus qu'un lointain rapport avec les cotisations versées au cours de sa vie active. Les caisses de retraite étant confrontées à un déficit structurel, on en est arrivé en 2023 à ce que les pensions, d'un total d'environ 350 milliards d'euros, sont financées à 65% par les cotisations et à 35% par l'impôt !
Cette confusion est source d'iniquités. Mais elle pourrait être corrigée en intégrant les fonctionnaires au régime commun, avec des cotisations plus élevées, tout en augmentant leurs salaires bruts de façon qu'ils conservent le même salaire net. Par la grâce de cette opération à somme nulle, sans dépense supplémentaire pour quiconque, les citoyens et le gouvernement n'auraient plus à s'écharper sur le régime des retraites. Ils laisseraient s'appliquer la logique ci-dessus de la « retraite par points ».
Impasses démographiques
La forte croissance économique des « Trente Glorieuses » ainsi que les emplois stables et à vie ne sont plus qu'un lointain souvenir. Les jeunes Occidentaux qui entrent aujourd'hui dans la vie active ont pour perspective une alternance de périodes d'activité et de non-activité, avec des changements fréquents d'entreprise, voire de profession et de spécialité. Ces actifs cotisants tendent à être moins nombreux d'année en année car ils sont nés après 1974, quand la natalité a commencé de décliner.
Dans le même temps, les générations nombreuses du « baby-boom » de l'après-guerre (en moyenne 2,5 enfants par femme) arrivent à leur tour à l'âge de la retraite, avec la perspective de deux ou trois décennies de vie, grâce en soit rendue aux progrès de l'hygiène, de la médecine et des conditions de vie. Il s'ensuit que, jusqu'en 2039 au moins, quand les derniers-nés du « baby-boom » arriveront à 65 ans, le poids relatif des retraités par rapport aux actifs ne va cesser de s'accroître, ainsi que le nombre de personnes très âgées et dépendantes, au-delà de 85 ans. Les jeunes actifs risquent de ce fait d'être écrasés par la charge financière et humaine des retraités et des personnes du grand âge.
Effrayés par cette perspective et, à court terme, par le déficit des caisses de retraite, le gouvernement, les pouvoirs publics et les partenaires sociaux multiplient les concertations en vue de résoudre une équation à trois variables (nombre de cotisants, nombre de retraités et âge de départ à la retraite) et une inconnue (montant des pensions). D'aucuns plaident aussi en France pour le développement des caisses de retraite complémentaires par capitalisation comme il en existe dans plusieurs pays d'Europe, avec le risque que le régime général par répartition en vienne à se réduire comme peau de chagrin... Pas sûr que ces calculs comptables soient à la hauteur du défi.
L'immigration ne remédiera en rien au déficit des systèmes de retraite, contrairement à une croyance bien enracinée selon laquelle « les immigrés financent nos futures retraites ». L'erreur est aisée à comprendre.
Il est un fait que les cotisations des immigrés salariés, si modestes qu'elles soient, accroissent les montants encaissés par les caisses de retraite. Mais ces montants-là ne financent pas les futurs retraités. Ils sont dans l'instant redistribués aux retraités actuels. C'est pour eux un supplément de pension bienvenu mais il n'a rien d'un miracle... Il vient simplement de ce que les cotisations des immigrés ne profitent pas à leurs vieux parents restés au pays.
Soit dit en passant, c'est une iniquité qui devrait nous choquer car, de la même façon que nous versons une pension à nos aînés pour l'assistance et l'éducation qu'ils nous ont apportées, il serait juste que les immigrés fassent de même à l'égard de leurs parents et qu'ils puissent leur reverser leurs cotisations retraite (ou les récupérer dans l'éventualité de leur retour au pays natal)...
Quoi qu'il en soit, comme les autres salariés, les travailleurs immigrés vont à leur tour vieillir et revendiquer une pension en vertu des droits acquis.
Si le renouvellement des générations n'est pas mieux assuré, le rapport entre actifs et retraités continuera de se dégrader d'année en année et le manque à gagner des caisses de retraite devra en théorie être compensé par l'accueil en nombre croissant, année après année, d'immigrés en situation de reprendre au pied levé les postes vacants, du bas de l'échelle aux qualifications les plus élevées.
C'est une éventualité absurde, de l'avis de Joseph Grimblat qui a publié au début des années 2000 pour le compte de l'ONU le rapport : Les migrations de remplacement : s'agit-il d'une solution au vieillissement ou au déclin des populatins ? Ce rapport a évalué le nombre d'immigrants dont aurait besoin d'ici 2050 à 2100 chaque pays industrialisé pour maintenir constant le rapport actifs/retraités, à supposer que l'âge de départ à la retraite et la natalité demeurent ce qu'ils sont. Il a ainsi montré que la Corée (50 millions d'habitants) aurait besoin de plusieurs centaines de millions d'immigrants, supposément aussi qualifiés que les Coréens qu'ils viendraient remplacer...
Confrontés aux besoins de financement des caisses de retraite, les dirigeants français et européens s'en tiennent à des réglages de curseur : âge minimum de départ à la retraite, durée minimale de cotisation pour une retraite à taux plein. Ils veulent contraindre les salariés à travailler le plus longtemps possible au lieu de les y encourager.
Ces calculs comptables ignorent les bouleversements que vit le monde du travail avec la fin des grandes entreprises paternalistes et la multiplication des emplois précaires. Ils ne prennent pas en compte la diversité des situations, laquelle exige un maximum de souplesse. Il n'y a rien de commun entre :
• D'un côté des salariés soumis à de dures contraintes physiques ou mentales (pression de la hiérarchie, menace de licenciement...), qui aspirent à quitter au plus vite le monde du travail,
• De l'autre, des professionnels libéraux, des chercheurs, des communicants, journalistes, élus politiques, dirigeants d'entreprise, etc., qui appréhendent avec angoisse le moment où ils devront renoncer à leur activité.
Réformer les retraites impliquerait plus largement de repenser la place du travail salarié et non-salarié tout au long de la vie :
• En finir avec la « gestion par le stress », qui conduit les salariés à prendre leur travail et leur entreprise en horreur, tant dans le secteur public que dans le secteur privé,
• Faciliter la mobilité sociale et les changements de profession,
• Offrir le droit à un temps partiel aux salarié(e)s en charge de jeunes enfants (sous réserve que leur employeur dispose d'un préavis suffisant pour s'adapter),
• Offrir également le droit à un temps partiel et à une cessation progressive d'activité aux vieux salariés qui désirent conserver leur place dans la société, tout en allégeant leur charge de travail.
Les pays scandinaves développent la « retraite à la carte » ou « retraite à points ». C'est la faculté de quitter la vie active à l'âge de son choix, avec une pension de retraite ajustée à l'espérance de vie et aux cotisations antérieures. Chacun peut calculer à tout âge la pension à laquelle il aurait droit compte tenu de ses cotisations déjà versées et des années qui lui restent à vivre statistiquement d'après les tables de mortalité.
Les législateurs exigent seulement un minimum d'annuités et de cotisations pour limiter les abus. Cela étant, chacun peut garder la possibilité de reprendre un emploi, même à la retraite, les cotisations sur ce nouvel emploi ouvrant droit à un complément de pension à partir du moment où il l'interrompra.
Ce dispositif souple, adapté à chacun, peut se substituer à une législation absurde qui oblige les salariés à prendre leur retraite au même âge et après une durée d'activité minimale, qu'ils soient juristes, chercheurs ou maçons. Il est neutre en matière de financement, chacun étant pensionné au prorata de ses cotisations antérieures.





La retraite, une vieille idée








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Voir les 12 commentaires sur cet article
Jean MUNIER (18-01-2023 14:54:51)
Bismarck avait été ambassadeur de Prusse à Paris , il a observé la tentative de Napoléon III de faire une retraite sur la base du volontariat. Echec. Devenu Chancelier du Reich, il a amélioré l... Lire la suite
JM PAUMIER (16-12-2021 14:24:10)
Ayant consacré une bonne partie de ma carrière à la gestion des retraites des indépendants, je me permets de corriger une petite erreur : dans votre encadré répartition/capitalisation vous écri... Lire la suite
Jacques (02-12-2019 12:29:17)
Très bonne mise en perspective. Très bien de rappeler qu'il n'y a pas de tirelire; la capitalisation est un mirage.