L'invention de Paris

Il n'y a pas de pas perdus

Éric Hazan (Seuil Points Histoire, 462 pages,  2008)

L'invention de Paris

Ce livre remarquablement documenté sur Paris, paru en 2002, a été réédité en collection de poche en 2008 (Points, Seuil, 462 pages, 8 €). Son auteur Éric Hazan est un ancien chirurgien très engagé à gauche, devenu éditeur d'art (Hazan Éditions). Il a aussi fondé la maison d'édition La Fabrique.

L'invention de Paris commence par une passionnante étude géographique et historique de la croissance de Paris au dedans et au dehors de ses murailles successives, depuis celles de Philippe Auguste et Charles V jusqu'au mur des Fermiers Généraux et à la ligne des fortifications d'Adolphe Thiers.

Les amateurs de promenades parisiennes reconnaissent deci-delà, dans certains brusques dénivelés, les restes des enceintes et fossés successifs, par exemple, à côté de la rue de Beaujolais, sur la rive droite, ou vers la rue de la Contrescarpe, sur la rive gauche.

Le livre en donne la liste exhaustive, avec certains itinéraires moins connus, comme celui de la rue Amelot qui court en contrebas des boulevards du Temple, des Filles-du-Calvaire et Beaumarchais, ou le tracé des égoûts à ciel ouvert qui suivait l'ancien bras mort de la Seine, le long des actuelles rues de la Grange-Batelière, de Provence et de la Boëtie, pour rejoindre la Seine vers l'Alma.

L'expansion de Paris à l'intérieur ou par-dessus ses murailles est explicitée par un exposé limpide, fidèle à la chronologie, des quartiers médiévaux aux faubourgs qui se développèrent au-delà des barrières de l'octroi (Denfert-Rochereau, Nation, La Villette...), le long des voies d'accès aux villages entourant Paris, lesquels se trouvèrent absorbés dans la capitale lorsqu'en 1860, Napoléon III étendit celle-ci jusqu'aux «fortifs» de Thiers.

Cette visite en cercles concentriques est l'occasion de rappels savoureux comme celui des estaminets implantés au voisinage extérieur des barrières d'octroi et dont le plus célèbre donna son nom à la rue Ramponneau située au départ de la «descente de la Courtille» qui clôturait le carnaval annuel, ou celui de l'auberge du Mouton Blanc dans le village d'Auteuil, où Racine, Boileau, La Fontaine et Molière avaient l'habitude se retrouver au XVIIe siècle pour refaire le monde et la littérature.

«Paris rouge»

L'auteur ne manque pas de s'attarder sur le «Paris rouge». Il décrit les émeutes et les révolutions qui partaient des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel pour converger dans le dédale des rues autour de l'Hôtel de Ville, dont la prise marquait symboliquement le changement de pouvoir au XIXe siècle.

Il parvient à passionner le lecteur avec une relation longue et précise des émeutes de juin 1848, consécutives à la fermeture des ateliers nationaux. Le sujet est habituellement traité en quelques lignes dans les livres d'Histoire, qui insistent sur la cruauté des combats pour la reprise des barricades conduits par les généraux Cavaignac et Lamoricière pour mieux occulter la responsabilité du tout récent pouvoir républicain, celui de Lamartine et Ledru-Rollin, dans une répression dont Louis-Philippe en exil nota tristement «que la République pouvait se permettre des milliers de morts là où l'on n'en eût pas pardonné quelques dizaines à la monarchie».

Michel Psellos
Paris frémit toujours

Le rappel circonstancié par Éric Hazan de juin 1848 et de la rupture violente entre les classes populaires et la bourgeoisie républicaine résonne étrangement aujourd'hui.

On discerne sans trop de mal des points de comparaison entre la fin de la période louis-philipparde et notre époque : à nouveau une longue phase d'enrichissement de la bourgeoisie a laissé à l'écart un «lumpenprolétariat» (terme inventé par Karl Marx pour désigner les émeutiers de juin 1848) surtout composé de «jeunes» de banlieue que leur couleur de peau distingue assez bien des enfants de la bourgeoisie. Se pourrait-il que l'on voit à nouveau des émeutes du désespoir réprimées avec le soutien tacite d'une majorité silencieuse ?...


Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47

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