Doté d’un don qu’il décide de cultiver dès le collège, Bernard Buffet accède à la célébrité et à la richesse très jeune, dans les années d'après-guerre.
Adulé à la trentaine, il restera fidèle à un style qui lui vaudra, quelques années plus tard et jusqu’à sa mort, une mise à l’écart, voire un ostracisme flagrant de la part des milieux artistiques et intellectuels français. C’est à l’étranger, au Japon, où un musée lui est consacré, et en Russie, que son talent continuera d’être admiré. Deux expositions parisiennes, à Paris, en 2017, amorcent sa redécouverte...
La peinture, rien que la peinture !
Bernard Buffet prend très tôt son destin en main montrant une détermination et une volonté farouches. Au collège, seules deux matières intéressent notre futur artiste : les sciences naturelles, pour lesquelles il obtient le premier prix, et le dessin. En classe de quatrième, il prend une décision radicale : arrêter ses études pour suivre les cours de dessin de la ville de Paris.
En 1944, il est reçu au concours de l’École des beaux-arts. Du fait de son jeune âge – il a à peine 16 ans – il doit obtenir une dérogation pour intégrer la prestigieuse institution. Un an plus tard, il obtient le prix des travaux d’atelier mais là encore, il bifurque inopinément et délaisse l’école pour la visite des musées. Au Louvre, il est fasciné par le tableau du baron Gros montrant Bonaparte visitant les Pestiférés de Jaffa.
Ses premières peintures, des rues de Paris réalisées sur divers tissus, s’inspirent des paysages de Maurice Utrillo et Alphonse Quizet. Son style se dévoile et s’affirme avec son premier tableau La Déposition de croix qu’il peint dans l’atelier qu’il partage avec son ami Robert Mantienne, à Massy-Palaiseau. La même année, sa mère meurt. Ce décès, alors qu’il n’a que dix-sept ans, le marquera durablement.
Travaillant sans relâche, il se forge une devise à laquelle il restera fidèle toute sa vie : « Tout peindre, tout le temps pour se mettre à distance et en décalage. » Un an plus tard, il expose pour la première fois au Salon des moins de trente ans avec un autoportrait.
L’année suivante sera déterminante. Au Salon d’automne, son tableau L’homme accoudé est remarqué par la critique ; il réalise sa première exposition personnelle dans une librairie parisienne et fait une entrée discrète dans le cercle des peintres qui comptent : Raymond Cogniat achète Le Coq mort pour le compte de l’État.
Rencontres décisives
Il a vingt ans en 1948. Cette année marque un tournant dans sa carrière. Le docteur Maurice Girardin, collectionneur influent, lui achète plusieurs œuvres et Emmanuel David devient son marchand.
Sa notoriété grandissante pousse la galerie Drouant-David à lui consacrer une exposition personnelle qui sera renouvelée chaque année tandis que ses œuvres sur papier sont exposées à la galerie Visconti dirigée par Maurice Garnier, son indéfectible ami durant un demi- siècle.
Deux ans plus tard, il expose déjà dans des galeries à New York, Londres, Bâle, Copenhague et Genève.
Il rencontre aussi Pierre Bergé, alors marchand de livres rares, qui devient son compagnon jusqu’en 1958 et va gérer sa carrière.
« Je l'ai rencontré dans un café. Il m'a dit : " Vous savez jouer au 421 ? " Je lui ai dit "non". Et il m'a rétorqué : "Eh bien je vais vous apprendre". C'est parti comme ça » (Les jours s'en vont je demeure, Pierre Bergé, 2003, Gallimard).
En 1952, pour ses expositions annuelles, Bernard Buffet commence à peindre par thème. Le premier est La Passion du Christ. Il participe à la Biennale de Venise avec La Crucifixion.
En 1955, il franchit une nouvelle marche vers le succès : une enquête du magazine Connaissance des arts le désigne comme le peintre en tête de la jeune école contemporaine.
À vingt-huit ans, Paris-Match le montre vivant luxueusement dans sa demeure de Manine à Domont, près de Montmorency. Le reportage fera débat mais n’affectera pas sa carrière. Un an plus tard, il illustre La Voix humaine de Jean Cocteau.
La diversité de ses collaborations ne tient pourtant pas à la spontanéité : « Je ne crois pas à l’inspiration, je ne suis qu’un besogneux », dira Bernard Buffet.
Première rétrospective à 30 ans
Les années 50 voient son talent porté au pinacle. En 1957, l’exposition de ses peintures de paysages parisiens éblouit les écrivains et les jeunes talents qui gravitent dans son entourage. Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Boris Vian, Françoise Sagan... n'ont de cesse de faire l'éloge de ses tableaux.
Les propos de Cocteau sont sans équivoque : « L’exposition est de premier ordre. Un grand nombre d'images d'un Paris tout nu, écorché vif, lavé des hommes. La preuve qu'un peintre est un peintre, c’est lorsque tout se met à ressembler à sa peinture. Après notre visite chez David (le soir tombait) je voyais la ville avec l’œil de Bernard. »
L’année suivante, Bernard Buffet a trente ans : c’est la consécration ! La galerie Charpentier organise sa première rétrospective, il est membre du jury du festival de Cannes et il rencontre Annabel Schwob, l’une des égéries de Saint-Germain-des-Prés, qui devient son épouse en décembre 1958.
Le général de Gaulle, un revenant de la Seconde Guerre mondiale, accède au même moment au pouvoir suprême.
Mais lui n'en a cure tout comme ses amis de la jeunesse dorée qui animent les soirées parisiennes et font les beaux jours de Saint-Tropez.
Dans les années 60, son étoile parisienne pâlit, car l’intelligentsia artistique lui reproche de réaliser des tableaux en série et de se soumettre à la facilité. Bernard Buffet n’en a cure : « La haine dont je suis entouré est pour moi le plus merveilleux cadeau que l’on m’ait fait ». Il continue de peindre et collabore avec des magazines comme Stern pour qui il réalise le portrait de Mao Tsé-Toung (Mao Zedong).
En 1970, le voilà chevalier de la Légion d’honneur. Si la France le méprise, sa renommée atteint désormais même le Japon où le collectionneur Kiichiro Okano fonde en 1973 un musée Bernard Buffet.
Les honneurs officiels continuent par ailleurs de pleuvoir : en 1974, il est élu à l’Académie des Beaux-Arts et, en 1978, sollicité pour réaliser un timbre, L’Institut et le Pont des Arts.
L’artiste attend 1980 pour visiter enfin son musée au Japon. Le pays le captive aussitôt et deviendra une source d’inspiration.
C’est désormais à l’étranger qu’il est célébré au fil des années 90. Promu au grade d’officier de la Légion d’honneur en 1993, plusieurs expositions lui sont consacrées, au musée Pouchkine à Moscou et à l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, mais aussi à la Documenta-Halle de Kassel.
Cependant, au cœur de cette effervescence, il doit faire face à la maladie de Parkinson.
Ne supportant pas les atteintes irrémédiables qui le diminuent et la perspective de renoncer à ce qui constitue l’unique raison de son existence, il choisit de se donner la mort, le 4 octobre 1999, dans son atelier de Tourtour en Provence.
Une oeuvre, une époque
Vos réactions à cet article
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Marie (20-10-2019 11:41:27)
Je trouve que l'article sur Bernard Buffet donne de bons repères ; Il explique bien les réactions du milieu artistique (snob comme toujours) , l'atmosphère qui entourait B.B., et la détermination... Lire la suite
HARTEMANN (25-02-2017 10:42:15)
Dans la présentation de l'article sur Bernard Buffet il est écrit"... dans l'effervescence jeune et joyeuse des années 50". Je ne sais quel est l'âge de la personne ayant écrit ces mots mais à m... Lire la suite
Lyszyk P. (13-02-2017 20:29:21)
Je trouve un peu faiblard cet article sur B.Buffet..certainement insuffisamment documente et il y a in para doxe avec les dates....