François Quesnay (1694 - 1774)

L'apôtre de la physiocratie

François Quesnay, médecin et économiste, curieux touche-à-tout représentatif du siècle des Lumières, anime par son bagout et son audace conceptuelle un cercle d'érudits qui s'intéresse à une science nouvelle, l'économie politique. De leurs entretiens vont naître les idées qui, aujourd'hui encore, inspirent pour une bonne part les programmes économiques des gouvernements et des partis...

Camille Vignolle

La « secte des économistes »

François Quesnay naît près de Montfort-l'Amaury, dans une famille de paysans aisés. Devenu chirurgien, il s'acquiert un rapide succès et devient le médecin particulier de la marquise de Pompadour, ce qui lui vaut d'être anobli en 1752.

Comme il se pique de philosophie et de mathématiques, il publie en 1758 un célèbre Tableau économique. L'ouvrage propose une théorie économique libérale selon laquelle il existe un équilibre naturel entre la production et la consommation : « Tout ce qui est acheté est vendu, tout ce qui est vendu est acheté ». Cette théorie sera plus tard contestée ou amendée sans jamais complètement perdre sa pertinence.

Quesnay réfute aussi toute intervention dirigiste de l'État sur les activités d'échanges (douanes intérieures...). Pour lui, la politique « la plus sûre, la plus exacte, la plus profitable à la Nation et à l'État, consiste dans la pleine liberté de la concurrence », ce que l'on résume dans une formule : « Laissez faire, laissez passer ! »

Plusieurs disciples de Quesnay se regroupent autour du journal Les Éphémérides du citoyen. L'un d'eux, l'intendant du commerce Jacques du Gournay, fait publier en 1755 l'ouvrage de Richard Cantillon, mort en 1734 : Essay sur la nature du commerce en général. Il aura une influence considérable sur le petit cercle que leurs adversaires qualifie de « secte des économistes ».

Né en Irlande, Richard Cantillon est un pionnier de l'économie politique et aussi un aventurier qui a su faire fortune avec le système Law grâce à sa clairvoyance. On lui doit le concept d'entrepreneur mais aussi une perception fine de l'inflation, l'effet Cantillon. À rebours des conventions, Cantillon montre en effet que l'inflation ne se résume pas à une augmentation générale des prix. Les prix augmentent au point d'entrée de la monnaie et l'augmentation se diffuse plus ou moins largement. Certains produits peuvent ne pas être affectés. Il s'ensuit une distorsion des prix qui profite dans tous les cas aux agents qui sont au début du processus car ils bénéficient à plein de l'enchérissement de leurs ventes.   

Fils d'un horloger originaire de Nemours, Pierre Dupont (ou Du Pont) publie des extraits des Éphémérides du citoyen en 1767 dans un ouvrage intitulé Physiocratie (un néologisme qui vient du grec phusis, nature, et kratos, force)... D'où le nom de physiocrate que l'on donnera ensuite à ce cénacle d'économistes libéraux autant que progressistes.

En marge du groupe se tient un autre homme remarquable, Anne Robert Turgot. Jeune, il s'est formé à la réalité du terrain en accompagnant Gournay dans ses tournées d'inspection en province. Il se lie d'amitié avec Du Pont, lequel restera à ses côtés quand il deviendra contrôleur général des finances de Louis XVI (1774-1776).

Comme les physiocrates, Turgot pense que les règlements, même lorsqu’ils partent d’un bon sentiment, finissent par tuer l’initiative en devenant pléthoriques. Mais à leur différence, il ne croit pas que l’agriculture soit le seul fondement de la richesse des Nations. Les manufactures et le commerce lui paraissent des constituants tout aussi essentiels de la production.

Déclin

L'accession de l'abbé Terray au contrôle général des finances en décembre 1769 marque le déclin de la pensée physiocratique, trop restrictive et dogmatique. L'abbé de Mably lui reproche dans un écrit de 1768 de ne voir l'homme que « comme un animal qu'il faut repaître et qui n'est occupé que de sa nourriture »

François Quesnay meurt dans une relative disgrâce le 16 décembre 1774, tandis qu'Anne Robert Turgot tente d'introduire les idées nouvelles à la tête de l'État. Deux ans plus tard, en 1776, Adam Smith, un professeur écossais quelque peu inspiré par les physiocrates et Turgot, publie le livre-culte du libéralisme des Lumières : Recherches sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations.

Pendant la Révolution, Piere Du Pont de Nemours doit de son côté se cacher pour échapper à la guillotine. Il émigre en 1815 aux États-Unis. C'est là que son fils Euléthère fonde une poudrerie. Elle est à l'origine d'une grande société multinationale, Du Pont, aujourd'hui N°1 mondial de la chimie. 


Publié ou mis à jour le : 2020-01-21 13:00:50

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