Dans les années 1950 et 1960, quand les États d'Afrique noire s'émancipèrent après un demi-siècle de colonisation européenne, il ne fit pas de doute pour les commentateurs « éclairés » que cette vague d'indépendance allait ouvrir la voie à des progrès rapides.
Au moment de la décolonisation, l'Afrique subsaharienne (dico) présentait d'immenses atouts : elle avait une population jeune mais ne souffrait nulle part ou presque de surpopulation ; elle bénéficiait de terres bien arrosées et parmi les plus fertiles du monde ; son sous-sol promettait qui plus est de belles surprises en minerais et pétrole.
Le niveau de vie des populations, quoique très bas, était plutôt meilleur que celui des malheureux Coréens, lesquels souffraient alors de tous les maux de la terre, y compris de la surpopulation, de la guerre et de la famine. Mais les désillusions n'ont pas tardé en dépit (ou à cause) d'une aide occidentale qui n'a rien de négligeable : plus de 200 milliards de dollars par an selon la Banque mondiale, soit l’équivalent d'un plan Marshall par an !
En 1967, une première guerre civile affecta la province du Biafra, au Nigéria. Dans les années 1970, de nombreux pays sombrèrent sous la férule de redoutables prédateurs : Bokassa (Centrafrique), Idi Amin Dada (Ouganda), Mobutu (Congo), Mengistu (Éthiopie), Ratsiraka (Madagascar), etc. La famine frappa également le Sahel puis l'Éthiopie. C'est seulement à l'ultime fin du XXe siècle, après les horreurs du génocide rwandais et de la guerre du Kivu (plusieurs millions de morts) que le continent sembla se stabiliser et entamer son entrée dans la modernité. Fragile espoir doublé d'illusions statistiques...
Les statisticiens affichaient dans la première décennie du XXIe siècle des chiffres flatteurs et rassurants concernant la croissance économique en Afrique subsaharienne : 3 à 6% par an dans certains pays. L'Afrique allait-elle décoller à l'image de l'Asie ? Illusion fatale. Ces taux résultaient seulement de la hausse des prix des matières premières du sous-sol et de l'agriculture, seuls produits d'exportation du continent. Cette hausse, consécutive à la demande chinoise, ne bénéficiait qu'à l'oligarchie africaine et aux cadres étrangers qui exploitaient les mines, les champs pétrolifères et l'agriculture.
De fait, les taux de croissance africains ont lourdement chuté dans la deuxième décennie du XXIe siècle suite au ralentissement brutal de la demande chinoise en produits primaires. Aujourd'hui, rien n'accrédite un décollage économique du continent noir (sauf peut-être en Éthiopie et au Ghana, pays qui ont pris le relais de la Côte d'Ivoire d'Houphouët-Boigny comme modèle de progrès). Le continent ne dispose ni d'infrastructures ni surtout de services publics fiables. Plus grave que tout, l'absence d'État impartial place les entrepreneurs potentiels dans l'insécurité totale de sorte que les talents africains soit émigrent, soit accaparent le pouvoir et les prébendes qui s'y rattachent (note).
Mauvais départ
Dès 1962, un prophète de mauvais augure apporte une note discordante parmi les bonnes fées penchées sur le berceau des nouveaux États africains. C'est un agronome tiers-mondiste et socialiste qui deviendra plus tard le chef de file des écologistes français.
Il a nom René Dumont et publie un livre au titre tonitruant : L'Afrique noire est mal partie (Seuil, 1962). Il dénonce en premier lieu les effets délétères de la colonisation et regrette que l'aide occidentale à l'Afrique fasse fi des besoins de la population.
L'effort sur l'éducation est par exemple concentré sur l'enseignement supérieur. Il forme des juristes, des économistes, des intellectuels ou des médecins totalement inadaptés aux besoins de leur pays de sorte qu'ils n'ont d'autre hâte, une fois diplômés, que d'émigrer en Occident ou de travailler pour les organisations internationales. Rien n'est fait par contre pour former de bons professionnels, ouvriers ou techniciens, dans l'agriculture ou l'industrie.
René Dumont dénonce surtout les maux qui, un demi-siècle après, affectent toujours le continent noir : corruption, absence de civisme et d'État impartial, détournement à grande échelle de l'aide occidentale, pillage des ressources naturelles par les bandits internationaux assistés des chefs locaux, etc.
Sans exception, tous les jeunes dirigeants qui accèdent au pouvoir sous les applaudissements des médias occidentaux finissent au bout de quelques années en ploutocrates népotiques.
La raison ? Elle tient en premier lieu à la quasi-absence d'État-Nation véritable. Les anciennes puissances coloniales n'ont réussi à créer que des parodies d'États auxquels manque l'essentiel : une administration et des gouvernants impartiaux et dévoués au service public.
Aujourd'hui comme autrefois, les sociétés d'Afrique noire sont fondées sur la solidarité familiale. C'est sur la famille élargie ou le clan que chacun compte pour sa protection et son avancement, bien plus que sur ses mérites personnels.
Les élections organisées pour complaire aux donateurs occidentaux se réduisent pour cette raison à des conflits ethniques. Derrière chaque parti politique se dissimule un clan ou une tribu. Toute personne qui accède à un poste de responsabilité se voit aussitôt assaillie de demandes pressantes de son clan. Forcée de les satisfaire, elle va s'acoquiner avec des affairistes véreux, occidentaux ou africains, pour s'approprier l'aide internationale, tant publique que privée, et la redistribuer à ses obligés.
Au lieu de plagier les institutions des grands États centralisés européens, les Africains auraient eu avantage à s'inspirer de la confédération helvétique, avec des gouvernements centraux réduits au minimum et des cantons autonomes à l'échelle de la tribu, codirigés par un chef traditionnel et un sénat (assemblée d'anciens)...
Qu'ils vivent en Afrique ou dans les diasporas d'Occident, les Africains (noirs) souffrent de la compassion des bonnes âmes blanches. Depuis un siècle et demi, celles-ci n'ont de cesse de les renvoyer à leur prétendue infériorité matérielle, politique, sociale et culturelle. En vertu de quoi, après avoir tenté de les « civiliser » par le biais de la colonisation, elles se proposent aujourd'hui de les aider de toutes les manières possibles. Ce faisant, elles les dissuadent de se prendre en main et d'assumer leurs erreurs comme tout être humain qui se respecte. Plus gravement, elles les encouragent dans cette passivité en attribuant tous leurs malheurs à la malfaisance occidentale et en les convainquant qu'ils n'y pourront remédier qu'au prix de la disparition des blancs.
L'illustration la plus tragique de ce phénomène nous est offerte par Haïti, premier État noir de l'Histoire. Ce n'est pas un hasard s'il est devenu une chasse gardée des ONG occidentales et aussi le pays le plus pauvre de l'hémisphère occidental. Triple marché de dupes : en Occident, des citoyens et des États se donnent bonne conscience en versant de l'argent sans trop se soucier de son efficacité ; sur place, les membres des ONG s'offrent du bon temps et une expérience professionnelle à bon compte tout en cultivant leur image de chevalier généreux et fort ; enfin les Haïtiens s'évitent de travailler cependant que les plus chanceux grapillent quelques miettes - ou beaucoup plus - de la manne occidentale.
A contrario, si l'on en croit un reportage du Süddeutsche Zeitung (Munich, mai 2021), le pays le plus chanceux d'Afrique serait le Somaliland, ce pays qui n'existe pas. Résultant de la scission d’avec la Somalia, il a l'immense privilège de n'être reconnu par aucun État et donc de ne bénéficier d'aucune aide extérieure. L'absence d'argent « gratuit » prive ses gouvernants de toute mauvaise tentation. Résultat : les habitants vivent de leurs propres moyens et se prennent en charge, pauvres mais libres et responsables.
L'Afrique en panne
Par un singulier paradoxe, les pays qui reçoivent le plus d'aide de la part des gouvernements occidentaux et des particuliers sont aussi ceux qui voient leur situation empirer le plus vite d'année en année. Ainsi en va-t-il du Sénégal, du Mali ou, de l'autre côté de l'Atlantique, d'Haïti.
C'est que les dirigeants de ces pays, prompts à détourner à leur profit l'aide internationale, ne voient aucun intérêt à ce que celle-ci diminue. Quant à leurs concitoyens pauvres, ils s'habituent à être pris en charge et en oublient la nécessité de travailler par eux-mêmes. Cette situation toujours plus dramatique convient aux organisations caritatives occidentales elles-mêmes, à leurs salariés et à leurs donateurs qui y voient une raison de poursuivre leur action et de collecter davantage de dons, un peu comme des pompiers qui se féliciteraient de la recrudescence des incendies.
Sans surprise, l'Afrique subsaharienne s'enfonce dans le dénuement. Autosuffisante en matière alimentaire à l'époque de la colonisation, elle importe aujourd'hui le tiers des céréales qu'elle consomme. Son industrie manufacturière est quasi-inexistante et ses exportations se limitent aux produits du sous-sol (pétrole et minerais) et aux cultures de rente (cacao, café...). Dans son rapport d'octobre 2018 sur l'extrême pauvreté (personnes vivant avec moins de 1,9 dollars par jour), la Banque mondiale met en exergue l'exception africaine :
• En 1990, 80% des personnes vivant avec moins de 1,9 dollars par jour vivaient en Asie et 15% seulement en Afrique.
• En 2015, 35% vivent encore en Asie et 57% en Afrique !
Alors que l'extrême pauvreté recule dans le monde, ne concernant plus que 10% de l'humanité, elle tend à se concentrer en Afrique subsaharienne. Celle-ci comptait 300 millions de personnes extrêmement pauvres en 1990, soit 54% de sa population totale, et 400 millions en 2015, soit 41%. En 2050, elle pourrait concentrer 90% de toutes les personnes vivant dans l'extrême pauvreté.
Cette évolution à rebours du reste du monde est amplifiée par une très forte fécondité qu'aucune politique de planning familial ne vient tempérer. Certains pays comme le Niger ont vu leur population quintupler en cinquante ans et elle quintuplera à nouveau dans le prochain demi-siècle. C'est comme si la population de la France avait progressé de 50 millions d'habitants en 1968 à 250 millions en 2018 et 1,250 milliards en 2068. Même une économie moderne ne résisterait pas à un pareil défi.
Le président de la République française Emmanuel Macron l'a lui-même reconnu en déclarant au détour d'une conférence de presse en juillet 2017 au G20 : « Quand des pays ont encore sept ou huit enfants par femme, vous pouvez décider d'y dépenser des milliards d'euros, vous ne stabiliserez rien ». Le même a néanmoins accepté d'associer la France au financement d'une barrière arborée dans le Sahel, un projet à douze milliards de dollars prétendûment destiné à arrêter la progression du désert. Sans doute eut-il mieux valu affecter cette somme au planning familial, la surpopulation constituant dans la région une menace bien plus grave que le réchauffement climatique !
Si l'on met à part l'Afrique noire qui affiche un indice de fécondité proche de 5 enfants par femme, le reste du monde est tombé en 2021 en-dessous du seuil indispensable au simple renouvellement des populations ! L'exception africaine en matière de fécondité interroge notre conception de l'existence. Le « développement » à la manière occidentale ou asiatique est-il un objectif pertinent ? Nos populations, obnubilées par le travail et la consommation, se condamnent à disparaître à brève échéance avec une fécondité de moitié inférieure au seuil de renouvellement des générations. Est-il certain que les Africain(e)s, en leur for intérieur, aient envie de partager notre destin ? Il ne le semble pas si l'on considère leur peu d'appétence pour une modernité fondée sur l'étude, le travail et la discipline et leur préférence pour la perpétuation de la lignée et de l'espèce.
Tandis que les anciennes puissances coloniales s'effacent, faute de moyens et de volonté, de nouveaux acteurs s'introduisent sur le continent africain. Ce sont en premier lieu les États émergents d'Asie, telles la Corée, l'Inde et surtout la Chine, attirés par les ressources naturelles du continent, en second lieu les condottiere, mercenaires et affairistes de tout poil. Les uns et les autres ne se donnent même pas la peine de cacher leur avidité sous l'argument de la « mission civilisatrice » (citation) comme les Européens de la fin du XIXe siècle, ou de l'aide au développement, comme ceux de la fin du XXe siècle.
Dans les premières années du XXIe siècle, les Asiatiques ont commencé par acheter d'immenses surfaces de bonnes terres arables en Éthiopie, au Congo ou encore à Madagascar à seule fin de nourrir leur population et approvisionner leur industrie.
Depuis 2008, leur percée sur le continent africain donne le tournis. Déjà l'on compte près d'un million de Chinois établis en Afrique noire. C'est davantage que le total des Européens qui y ont vécu depuis l'époque de Louis XIII.
Il ne s'agit pas de fonctionnaires et d'ingénieurs destinés à encadrer la population locale et la former comme au temps de la colonisation européenne mais pour l'essentiel d'ouvriers et de pauvres hères sans qualification, qui ont débarqué avec à la main des sacs en plastique contenant tous leurs biens.
Ces Chinois-là, avec hargne et courage, défrichent des terres, ouvrent des commerces, conduisent des taxis, exploitent des carrières... bref, se lancent avec succès dans des activités jusque-là réservées aux Africains du cru. Ils construisent aussi des routes et des villes car, même en Algérie, les sociétés d'ingénierie chinoises répugnent à utiliser la main-d'oeuvre locale et font venir ouvriers et manoeuvres de Chine !
Il s'ensuit en de nombreux endroits des tensions intercommunautaires et même des violences du fait de cette concurrence et de l'arrogance des nouveaux-venus, moins ouverts que les jeunes coopérants européens sur les réalités africaines.
Les dirigeants chinois, de leur côté, multiplient les tournées africaines en vue de mettre la main sur les ressources du sous-sol et de la mer, avec la complicité de la classe politique locale. Ainsi ressurgissent les vieux schémas de la traite atlantique qui voyaient les chefs locaux vendre leurs sujets et leurs terres aux trafiquants de tous bords.
Au Congo (ex-Zaïre), la Chine contrôle près de 90% du cobalt, soit plus de la moitié de la production mondiale de ce métal indispensable à la fabrication de batteries. Au Gabon, la pêche côtière est passée sous la coupe de trois armateurs chinois et la population locale en vient à manquer de poisson. En Angola, tandis que les compagnies pétrolières exploitent les fonds sous-marins, les entreprises chinoises mettent en coupe réglée l'économie intérieure : exploitation du sous-sol, création de grandes exploitations agro-industrielles, réseaux commerciaux, infrastructures, le tout orienté vers les besoins chinois.
Par ailleurs, les commerçants chinois inondent les marchés locaux de produits manufacturés à bas prix qui tuent dans l'oeuf l'industrie de transformation africaine. En Afrique du Sud, seul pays industriel du continent, l'industrie textile nationale a été ruinée en quelques années par les importations à bas prix avec lesquelles les Chinois paient leurs achats de minerais en tous genres.
L'Afrique est de la sorte mise en coupe réglée à l'entrée comme à la sortie. Cela ne va pas sans heurts. En août 2012, à Marikana, la police sud-africaine a massacré des mineurs qui réclamaient des hausses de salaires. Dans la Zambie voisine, les mineurs en révolte ont tué l'un de leurs patrons chinois. Une première.
Toutefois, n'exagérons pas l'engagement de la Chine en Afrique. En 2021, les IED (investissements étrangers directs) de la Chine en Afrique se sont élevés à 5 milliards de dollars, soit tout juste 2,71% de tous les IED chinois de par le monde. De plus, les 2/3 de ces IED se font avec sept pays seulement, qui ont l'avantage de produire des matières premières (Congo, Zambie, Guinée, Afrique du Sud, Kenya, Niger, Algérie). 80% des achats chinois à l'Afrique se composent de pétrole, minerai de fer, manganèse, cuivre, bois et cobalt. Malgré cela, la balance commerciale reste favorable à l'Empire du Milieu : en 2017, ses achats aux pays africains se montèrent à 75,3 milliards de dollars et ses ventes aux mêmes pays à 94,7 milliards de dollars !
Pour ménager la susceptibilité des oligarques africains, les Occidentaux ont soin de toujours donner à leurs dons l'apparence d'un prêt. Si la France par exemple veut offrir un aéroport ou une centrale à tel pays, elle promet un prêt à son gouvernement et celui-ci passe commande à un consortium français, lequel réalise le projet puis, pour être payé, « arrose » quelques intermédiaires dont la signature est indispensable au déblocage du prêt. Ce prêt et ses intérêts cumulés vont gonfler un peu plus la dette africaine. Mais il n'y a pas lieu de s'en émouvoir, la dette n'ayant pas vocation à être remboursée !
Les Chinois usent d'une méthode plus directe pour réaliser les infrastructures (ports, routes, chemins de fer, villes, mines) indispensables à l'exploitation des ressources primaires du sol et du sous-sol et à leur exportation vers l'Empire du Milieu. Ils les construisent eux-mêmes sans faire d'avance d'argent mais s'assurent par contrat de la livraison gratuite de ressources primaires (pétrole, minerais, oléagineux...) en contrepartie desdites infrastructures.
Pour ne rien arranger, de plus en plus de gouvernants d'Afrique subsaharienne nouent des relations occultes avec des mercenaires, par souci de protection et d'enrichissement. Cela débute dès les indépendances, en 1960, au Katanga, riche région minière du sud du Congo belge. D'anciens militaires européens, les « affreux », mirent leurs compétences au service du mouvement séparatiste local et des sociétés minières. L'un de ces mercenaires, le Français Bob Denard, allait ensuite, pendant près de quarante ans, servir différents potentats africains, organisant si besoin des assassinats et des coups d'État.
Le recours aux mercenaires (SMP, sociétés militaires privées dans le jargon officiel) a pris une ampleur nouvelle avec l'irruption du groupe Wagner, fondé en 2014 par Evgueni Prigojine, un proche du président russe Vladimir Poutine dont celui-ci s'est débarrassé en 2023. Profitant de l'instabilité des États du Sahel, de la Centrafrique au Mali, il a proposé à leurs gouvernants de les protéger plus efficacement que leur propre armée contre tout risque de coup d'État. Avec ses 50 000 hommes de toutes origines, il se rémunère en exploitant les ressources locales (diamants, or, minerais, etc.).
Mégalopoles et sous-développement
Le principal bouleversement apparu à la fin du XXe siècle en Afrique noire tient à l'explosion démographique, avec une fécondité qui ne faiblit que lentement (deux milliards d'habitants prévus en 2050 contre 600 millions au début du XXIe siècle). Elle se traduit par une très grande jeunesse de la population (2/3 des Africains noirs ont moins de 30 ans). Elle s'accompagne aussi de l'apparition de mégapoles de plus de dix millions d'habitants comme Lagos (22 millions d'habitants en 2020) ou Kinshasa (18 millions d'habitants), plus grande ville francophone du monde !
Ces mégapoles attirent les laissés-pour-compte des campagnes, avides de profiter des miettes de l'aide occidentale et des trafics en tous genres. À l'image des mégapoles de l'Antiquité, comme Rome, elles sont vouées à la consommation et dépourvues de toute industrie et de toute activité productive. Ainsi un quart des Africains possèderaient-ils déjà, en 2010, un téléphone portable... made in China.
Peut-être la nouvelle Afrique est-elle appelée à naître dans ces villes, oublieuses du passé et déjà engagées dans la transition démographique à l'image d'Addis Abeba, capitale de l'Éthiopie, où l'indice de fécondité serait tombé à 1,8 enfants par femme ?
Bien que tracées au cordeau par les anciens colonisateurs, les frontières des États africains inspirent souvent déjà un fort sentiment d'appartenance nationale (on est Sénégalais avant d'être Toucouleur, Ghanéen avant d'être Peul et Gabonais avant d'être Fang). Elles ne sont somme toute guère plus artificielles que celles de nombreux États asiatiques ou sud-américains nés aux XIXe et XXe siècles ou même de vieux États européens (était-il prévisible il y a mille ans que Bretons, Flamands, Corses, Alsaciens, Basques, etc. soient un jour réunis dans une même nation ?).
Sauf à multiplier les guerres « à la yougoslave », il serait de toute façon impossible de dessiner en Afrique, aujourd'hui, des États viables sur des bases strictement ethniques ou linguistiques, celles-ci étant entremêlées et indistinctes. Rappelons le mot de Félix Houphouët-Boigny : « Non ! les Européens n'ont pas balkanisé les peuples d'Afrique ! Ils les ont au contraire rassemblés » (note).
Au demeurant, notons que les États africains les plus homogènes d'un point de vue ethnique sont parmi les plus malheureux ! Il s'agit de la Somalie livrée aux seigneurs de la guerre et du Soudand du Sud qui endure une terrible guerre civile.
La colonisation de l'Afrique
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Voir les 7 commentaires sur cet article
pepito (25-09-2024 12:11:19)
En plus de ses ressources minières et de son énorme potentiel agricole (sous développé) l'Afrique possède un potentiel touristique fabuleux très très peu exploité à cause de l'instabilité po... Lire la suite
Cesar C. (27-11-2023 22:25:39)
Excellent article, réaliste et sans complaisance, merci à leurs auteurs.
Juste une petite remarque d'orthographe : "Soudan du Sud" sur la dernière ligne ;-)
Merci
vuillemot (26-11-2023 10:48:11)
Au cours d'une réunion d'état-major militaire à Bangui à laquelle j'assistais, fin 1980, le général en chef a dit à ses officiers: "Je suis Gbaya et notre président est Banda, c'est une anomal... Lire la suite