Au cours de l'été 2014, les lecteurs d'Herodote.net et Notre Temps ont été invités à raconter un souvenir marquant de la libération de leur commune, 70 ans plus tôt. Ces témoignages complètent notre récit de la Libération de Paris (25 août 1944).
Voici l'ensemble des témoignages recueillis par Herodote.net. Au total près de 150 récits émouvants, drôles ou tragiques, toujours sincères et inattendus, qui inspireront peut-être plus tard des historiens ou des romanciers.
Trois témoignages ont été primés le 30 septembre 2014 par le ministre délégué aux Anciens Combattants, M. Kader Arif.
Il s'agit de ceux de Lucienne Delannoy (Saône-et-Loire), Gilbert Garibal (Boulogne-Billancourt) et Michel Pesneau (Manche). La lauréate se verra offrir une croisière en Méditerranée pour deux et les deux lauréats un voyage familial en Grande-Bretagne...
Témoignage de chez bouchard marie-yvonne bouchard denise à Paris
1942 : mon mari et moi vivons à Paris. Du fait des rationnements je transforme ma robe de mariée, teinte en bleu, en robe de grossesse. Nos chaussures avaient des semelles de bois.
1943 : pour éviter les bombardements américains, nous partons, accompagnés de notre fille, née en 1942, nous installer à Chevreuse.
Au printemps 1944, le gaz étant coupé, nous utilisons le poêle à bois du living pour le chauffage et la cuisine. Comme je dois accoucher fin août, nous repartons à Paris chez mes parents en juillet. Depuis le 6 juin, Paris vit au ralenti, plus rien ne marche, les gens ne se rendent plus au travail, il n’y a du gaz que quelques heures par jour, les coupures d’électricité sont fréquentes, le ravitaillement difficile. Aussi, une fois par semaine, mon mari se rend à vélo à Chevreuse chez notre maraîcher.
Vers le 20 août les Allemands bombardent Paris : alerte, descente à la cave. Je suis angoissée : ne vais-je pas accoucher, là au milieu des gens de l’immeuble, sans rien, sans aide ?
25 août : les Américains et les troupes du général Leclerc libèrent Paris, acclamés par une foule en liesse. Nous vivons ces instants de joie, depuis le balcon de l’appartement de mes parents.
Mon père, mon mari et un de leurs amis, partis à vélo pour assister au « Te Deum » à Notre Dame, s’étant perdus dans la foule, reviennent séparément, sans rien dire. Ce n’est qu’à l’arrivée du 3ème que nous apprenons que des coups de feu ont été tirés sur la foule depuis les toits ; il y a eu des morts et des blessés…..
Le 28, bébé s’annonçant, je pars à pied pour la clinique située dans la même rue. De clinique, elle n’a que le nom ! J’y mets au monde une fille, à la lueur d’une lampe à pétrole, aidée seulement par une sage-femme. Peu de jours après, une ambulance m’emmène à Chevreuse avec mes filles et une amie. Là, ni gaz, ni électricité, ni eau courante. Ma femme de ménage va tirer l’eau à la pompe dans le jardin et, pour alimenter la lampe, mon amie va quémander du pétrole auprès des Américains.
Et toujours les tickets de rationnement. La capote militaire de mon père, teinte, est transformée en manteaux pour mes fillettes. Il faudra attendre plus d’une année pour que le chauffage central fonctionne à nouveau et que les tickets de rationnement (nourriture, vêtements et chaussures) soient supprimés.
Denise Bouchard