18 octobre 2023. La Cité internationale de la langue française devait être inaugurée le jeudi 18 octobre à Villers-Cotterêts mais l'événement a été reporté au 30 octobre 2023 du fait de l'assassinat du professeur de littérature Dominique Bernard, nouvelle victime de la guerre livrée par les « fous d'Allah » à nos démocraties (France, Suède, Belgique, etc.).
Cruelle coïncidence ! Notre langue est avec l'école le dernier rempart de notre art de vivre face à la barbarie. Honorons-la et ne permettons pas qu'elle soit attaquée par des brutes comme par les apologues de la start-up nation...
Le président Emmanuel Macron inaugure une Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts mais, dans le même temps, il laisse le français sortir de l'espace public et même l'y pousse !
Ouvrons l'oreille : « Hier, après une publicité pour les couches ultra dry de My Carrefour Baby, j'ai suivi la story du dimanche soir au lieu d'aller au cinéma voir The Revenant, avant de faire un tour au drive et d'attraper mon Ouigo ». What esle ? Et ce n'est pas la mode qui consiste à mélanger français et anglais jusque dans les institutions publiques (Ma French Bank ou Cold Cases, nom officiel du nouveau service en charge des affaires non élucidées à la Justice) qui va nous rassurer, au contraire : si ajouter « the » suffit pour donner une valeur ajoutée au produit, cela veut dire que le français n'est plus la langue « chic » que les classes cultivées appréciaient autrefois.
Ce galimatias en rappelle un autre, celui par lequel, en Angleterre, les élites francophones issues de l'invasion normande se sont lentement converties à l'anglais. Il est illustré par le journaliste Ed West (The Spectator, 2 juillet 2023) : dans un jugement de 1663, le prévenu est envoyé en prison car « il monstre son nude Corps in un Balcony in Covent Garden », jetant des flacons d'urine dans la rue « to the Scandal of the Government ». Et le juge de rappeler qu'il est le gardien de la morale « de touts les Subjects le Roy ».
De façon symétrique, les élites françaises semblent aujourd'hui habitées par la volonté d'abâtardir la langue française au point de rendre incompréhensible au plus grand nombre sa littérature, de Montaigne à Victor Hugo et Saint-Exupéry, et les valeurs qu'elle véhicule : tolérance, respect de la gent féminine, absence de préjugés raciaux, etc.
Depuis quelques années, chacun peut observer une montée en flèche des américanismes dans la publicité mais aussi dans la communication officielle. Le journaliste Stéphane Kovacs en fait le constat dans Le Figaro du 2 octobre 2023 : « Don't oublie ton little plaisir dans ta crazy journée » (Candia), « born to be mélangé » (Ricard), etc. Les instances publiques s'y mettent, telle la Poste (« Ma French Bank ») ou la Ville de Nice (« #ILoveNice »). La volonté d'américanisation transparaît aussi depuis 2001 dans la diffusion des films anglo-saxons avec leur titre d'origine cependant que les autres films étrangers sont diffusés avec un titre en français.
Dans le monde du travail, l'américanisation est devenue un must. L'école du Prix Nobel d'économie Jean Tirole s'appelle Toulouse School of Economics (aurait-elle moins de succès autrement ?) ; et bien sûr, elle se pique de proposer des cours en anglais (avec l'accent !) tout comme les écoles de commerce et même l'École Centrale Supélec (note). À la Commission européenne, selon le journaliste Jean Quatremer, il a ainsi été nécessaire de publier un dictionnaire anglais-bruxellish pour éviter les malentendus (for instance et « for example » par exemple). De la même façon, les grandes entreprises et bien sûr les institutions internationales se tournent vers l'anglais ou plutôt vers le global english ou globish, un patois qui a peu à voir avec la langue parlée dans les films de James Ivory ou les romans de Jane Austen.
Le président Macron lui-même se délecte de parler anglais, y compris dans certaines interventions publiques depuis l'Élysée (« Make our planet great again ») et plus gravement lors de ses voyages officiels dans des pays non anglophones. Il encourage les hauts fonctionnaires à suivre son exemple et correspondre en anglais avec leurs homologues étrangers. Il se réjouit de toute évidence de l'américanisation de notre société, tant il semble désireux de couler au plus vite la start-up France dans la mondialisation sous protection américaine.
Florilège (à compléter)
• Emmanuel Macron lance en 2018 un sommet intitulé Choose France pour inciter les patrons étrangers à investir en France. Cinq ans plus tard, sitôt après l'inauguration de Villers-Cotterêts, il en remet une couche avec le slogan Make It Iconic pour promouvoir la France à l'étranger !
• En juin-juillet 2019, la Coupe du monde de football féminin (France, juin-juillet 2019) s'est tenue en France mais sous une appellation anglaise : FIFA Women’s World Cup et dans un environnement quasi-exclusivement anglophone.
• En juin 2021 a été créé un Parquet européen pour lequel l’anglais a été reconnu seule et unique langue de travail, au détriment du français et de l'allemand, autres langues officielles de l'Union. Il a été convenu toutefois que les arrêts du Parquet seraient rendus dans la langue du justiciable pour éviter toute équivoque. Dans la foulée, en octobre 2021, la Cour des comptes de l’Union européenne a choisi de ne plus travailler qu'en anglais, sans que la France ni aucun autre pays ne proteste. Tant pis pour les magistrats méditerranéens, si brillants soient-ils, qui peinent à s'exprimer dans la langue de Michael Jordan.
• Depuis le 2 août 2021, les cartes d'identité nationales sont entièrement bilingues sans que cela ait une quelconque utilité pratique (Bruxelles demande seulement que l'intitulé « Carte d'identité » soit écrit dans deux langues de l'Union).
• En février 2022, Brest, qui est connu pour être une ville française, a accueilli un événement international joliment dénommé « One Ocean Summit » sur une suggestion... du Président himself ! Lors de cette manifestation, le français était absent tant de l’affichage que des traductions. L'année suivante, Emmanuel Macron a promu un autre sommet au Gabon, pays francophone passé à l'« ennemi » (le Commonwealth britannique) : le « One Forest Summit ».
• En octobre 2022, le Conseil d'État a refusé de condamner l’État français pour les marques « Choose France » et « French Impact » en avançant que la Commission d’enrichissement de la langue française n'avait pas proposé des équivalents français au termes choose et french ! De ce fait, selon le Conseil d'État, la loi Toubon de 1994 qui exige l'emploi du français dans l'administration, ne pouvait donc s'appliquer ! C'est une nouvelle illustration de la malléabilité des magistrats actuels qui contournent les textes législatifs et leur font dire une chose ou son contraire selon le sens dans lequel souffle le vent.
• En décembre 2022, lors de la 15e Conférence internationale organisée par l’Agence française de développement (AFD) sur le thème de la « Sustainability », le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne a été contraint de traduire en anglais la communication qu’il avait rédigée en français, si l'on en croit Ilyes Zouari (Cermf). En février 2023, c'est encore l'AFD qui a réuni ses partenaires sous le slogan « Let’s Start Together - The Party ! ». Sans souci de cohérence, la France d'Emmanuel Macron se flatte par ailleurs d'élargir l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) à des États non francophones (88 au total en 2023) mais ses rencontres avec l'Afrique francophone se parent d'américanismes tels que « Meet Africa » ou « Africa creative ». Comment en vouloir dans ces conditions aux Rwandais ou aux Algériens de remplacer le français par l'anglais comme langue de communication ?
• En juin 2023, à l'occasion d'un « Concert pour la planète » à Paris, au pied de la Tour Eiffel, le président brésilien Lula s'est exprimé en portugais et son discours a été traduit exclusivement en anglais !
Si nous devions une nouvelle fois réviser la Constitution, suggérons donc d’effacer le premier alinéa de l’article 2 : « La langue de la République est le français », ce principe n’étant plus appliqué de longue date, y compris par les instances officielles et le sommet de l'État.
Du danger de ne pas s'aimer soi-même
L'américanisation du monde serait-elle devenue irréversible ? Dans The Spectator du 2 juillet 2023, le journaliste Ed West note que « la domination de l'anglais est telle que même Daech avait ouvert deux écoles d'apprentissage de l'anglais à Rakka ». Pourquoi s'inquiéter ? La langue doit évoluer nous dit-on. Les jeunes, d'ailleurs, s'en moquent comme de leur premier dictionnaire et continuent de tchatter sur leur smartphone sans se poser de questions.
Ces jeunes Français ne sont pas plus ouverts ni cultivés pour autant comme en conviennent très majoritairement les enseignants du collège et du lycée. Il n'y a pas de miracle en effet : la pratique d'une langue étrangère ne peut être meilleure que celle de la langue maternelle parlée à la maison et entretenue par la lecture. Au moins les cyniques verront-ils un avantage à cette dérive généralisée de la langue : les jeunes Français d'origine africaine ne se voient plus défavorisés par leur méconnaissance de la langue française !
Le recours général à l'anglais est-il au moins profitable à nos entrepreneurs ? Nullement car, dans une négociation, l'avantage va toujours à celui qui s'exprime dans sa langue maternelle. Le président Mitterrand en était conscient. Excellent lettré, il connaissait assez bien l'anglais (en tout cas bien mieux que l'actuelle maire de Paris) mais il se refusait à l'employer dans ses entretiens officiels, préférant le recours à un interprète qui lui laissait le temps de réfléchir et surtout de trouver le mot juste dans sa langue maternelle.
Ce mouvement quasi-universel est pourtant en passe d'être contredit par l'évolution des outils de traduction automatique. Le jour n'est pas loin où nous pourrons parler dans notre langue maternelle avec n'importe quel humain, simplement en posant un mobile entre lui et nous. Dès lors, il n'y aura aucun avantage à apprendre et pratiquer un anglais d'aéroport. La qualité des individus se mesurera à la maîtrise de leur langue maternelle sous ses formes parlées, lues, écrites et littéraires. Hier comme aujourd'hui et demain, la langue maternelle demeure un préalable indispensable à la maîtrise et la compréhension d'autres langues et à l'ouverture sur d'autres cultures.
Soulignons que les barbarismes de la publicité et le recours à l'anglo-américain ne relèvent pas d'une demande populaire ni du sacro-saint usage. Ils sont bêtement imposés aux citoyens par des « élites » parisiennes et urbaines (publicité, politique, médias) qui ont depuis longtemps cessé d'aimer la France et ne rêvent que de se fondre dans l'anglosphère. Faut-il que ces « élites » ne s'aiment pas pour en arriver là ?
Ce désamour de notre langue et de notre culture est un obstacle majeur à l'union nationale. C'est le plus « beau » des cadeaux que nous puissions faire aux assassins de Samuel Paty, Dominique Bernard et autres...
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Voir les 21 commentaires sur cet article
Pierre (29-02-2024 10:44:27)
All you have écrit is tragiquement vrai. What a tristesse !
Jean-Marie (28-02-2024 10:42:48)
Excellent article qui complète parfaitement celui sur la censure paru dans le même numéro, et où j’ai craché mon venin sur l’américanisation à outrance de la langue et des mœurs de notre p... Lire la suite
Sylvain Basque (30-01-2024 20:46:14)
À 83 ans, après avoir raté deux fois l'indépendance de mon pays et constaté le déclin de ma langue à Montréal, je suis démoralisé. Et je le suis encore plus quand je constate que la Mère Pa... Lire la suite