Clairvaux

Du paradis à l'enfer

Fondée en juin 1115 dans un vallon boisé de Champagne, l'abbaye de Clairvaux est devenue très vite, sous l'impulsion de saint Bernard, le modèle des abbayes de l'ordre cistercien.

Ses somptueux bâtiments qui se voulaient une préfiguration du paradis ont été transformés en prison après la Révolution. Aujourd'hui, la centrale abrite encore une centaine de détenus réputés les plus dangereux de France. 

Le réfectoire des convers à Clairvaux (XIIe siècle), photo : André Larané

Louer Dieu

En 1193, Étienne Harding, abbé de Cîteaux, près de Dijon (Bourgogne), reçoit une trentaine de jeunes nobles guidés par Bernard de Fontaine et tous désireux d'entrer dans la vie monastique.

Deux ans plus tard, en juin 115, l'abbé demande à Bernard et une douzaine de ses compagnons de créer une nouvelle abbaye affiliée à l'ordre. Le groupe s'établit plus au nord, sur une terre offerte par le sénéchal du comte de Champagne, près de Bar-sur-Aube. C'est une clairière semée d'étangs. On l'appelle Clairvaux.

Clairvaux va devenir la quatrième « fille » de Cîteaux, avec La Ferté (près de Chalon-sur-Saône), Pontigny et Morimond. Grâce au charisme exceptionnel de son abbé, qui conseille les rois et les papes, elle va très vite prendre l'ascendant sur toutes les autres, donner à l'ordre cistercien sa plus grande extension et faire de lui le véritable héritier spirituel de l'ordre clunisien né deux siècles plus tôt.

À son apogée, à la fin du XIIe siècle et au XIIIe, Clairvaux compte trois cents moines de choeur, généralement des lettrés issus de la noblesse qui participent à la liturgie et ont voix au chapitre (le conseil d'administration de l'abbaye), ainsi que cinq cents frères convers généralement issus de la paysannerie et affectés aux tâches domestiques et agricoles.

Le temps carcéral

En 1791, les révolutionnaires introduisent dans le Code de procédure pénale une peine inédite qui va être reprise depuis lors dans tous les pays du monde : la « privation de liberté ». Elle remplace les châtiments corporels et les travaux forcés.

Alors que jusque-là, on n'avait besoin de prisons que pour garder les prévenus en attente de jugement, désormais, on va aussi  en créer pour garder les condamnés le temps de leur peine. C'est ainsi qu'en 1808, Napoléon 1er récupère plusieurs anciens monastères vendus comme biens nationaux afin de les transformer en centrales pénitentiaires. Ainsi du mont Saint-Michel, de Fontevraud... et de Clairvaux !

Au XIXe siècle, Clairvaux va ainsi accueillir jusqu'à 3000 condamnés, ce qui en fait la plus grande prison de France. Le jeune Victor Hugo évoque l'un d'eux dans sa nouvelle Claude Gueux, qui lui inspirera aussi son plaidoyer contre la peine de mort : Le dernier jour d'un condamné (1832).

Les cages à poules de l'ancienne prison de Clairvaux (photo : André Larané)

Au début du XXe siècle, les cellules collectives sont remplacées par des cellules individuelles ou doubles ainsi que par des « cages à poules » en batterie ! Il s'agit de cages grillagées de 3 mètres carrés de surface destinées à avilir les détenus. Résultat garanti.

Il faudra attendre la fin du XXe siècle pour qu'une nouvelle prison soit aménagée à Clairvaux, en marge du vieux monastère, avec des cellules qui offrent des conditions de vie à peu près décentes. Aujourd'hui, la centrale pénitentiaire compte à peine cent quarante détenus et pas moins de deux cents surveillants car les pensionnaires de Clairvaux comptent parmi les condamnés les plus durs qui soient, criminels récidivistes, terroristes...


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Publié ou mis à jour le : 2024-07-31 17:39:42

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