Dans l’évolution de la fécondité au XXème siècle, la période du baby-boom est sans doute la plus singulière, car elle apparaît comme une explosion inattendue, marque d’une confiance enthousiaste dans l’avenir née de la fin de la guerre et des nécessités de la reconstruction : l’entrée dans une nouvelle ère.
Mais cette image du baby-boom ne correspond pas totalement à la réalité. En effet, l’analyse de l’évolution de la fécondité en Europe au cours des années 1930 et 1940, montre que l’arrêt de la baisse séculaire de la fécondité est largement antérieur à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Jean-Paul Sardon, spécialiste de la démographie historique, s'est penché pour Herodote.net sur les origines du baby-boom, ce spectaculaire rebond démographique qui a permis à la France de se reconstruire après la Seconde Guerre mondiale. Son étude complète est disponible sous la forme d'un livre numérique au format pdf (gratuit pour les Amis d'Herodote.net).
Fin de la Grande Dépression
Il faut, en effet, remonter à l’autre événement majeur de cette première moitié du XXème siècle, après la « grande guerre », la crise économique de 1929. Cette dernière, par l’ampleur de ses conséquences économiques et sociales, avait prolongé, pendant toute sa durée, la période de faible fécondité.
Dans tous les pays, la dévaluation monétaire et le contrôle des changes ont provoqué la reprise économique et permis la reprise de la fécondité vers le milieu des années 1930.
Dans les pays qui n’ont pas été impliqués directement dans la dernière guerre mondiale, comme la Suède ou la Suisse, cette reprise à la suite de la crise, s’est poursuivi en baby-boom. C’est sans aucun doute ce que l’on aurait observé dans les autres pays s’ils n’avaient été percutés par la guerre.
Les prémices en apparaissent, en France, avec la légère reprise de la fin des années 1930, et le petit sursaut temporaire jusqu’à la mi-1940, mais le baby-boom y a été cassé par la guerre puis décalé à la fin des hostilités.
La disponibilité d’indicateurs de fécondité mensuels permet de dater, de manière beaucoup plus précise, les inflexions de la fécondité et de, parfois, corriger l’impression donnée par les indicateurs annuels. Ainsi, le rebond de la fécondité observé en 1942, n’est que la conséquence du point bas observé pour l’année 1941.
L’évolution mensuelle vient tempérer l’enthousiasme avec lequel certains auteurs (note) ont analysé cette reprise, en évoquant un changement de climat radical. Une analyse plus approfondie montre que ce changement était déjà en cours depuis plusieurs années.
Sources du baby-boom
C’est l’adoption de nouveaux comportements par les couples européens qui est à l’origine de cette reprise de la fécondité. Il se caractérise par le rajeunissement des mères à la naissance de leurs enfants, associé à l’augmentation progressive de la taille des familles des femmes qui ont constitué leur descendance entre 1930 et 1960.
La nuptialité a joué un rôle important dans cette élévation de la fécondité tant par l’augmentation de la nuptialité des célibataires que par la réduction de l’âge moyen au mariage.
Toutefois, à ce mouvement général d’élévation de la fécondité, se superpose, en France, un élément qui détermina l’ampleur particulière du baby-boom dans ce pays : la mise en place d’une politique familiale. Instaurée en 1939 par le Code de la Famille, elle ne fut mise en œuvre qu’à la Libération dans le cadre des trois branches de la Sécurité Sociale (Maladie, Vieillesse et Famille).
L’efficacité de cette politique apparaît, par delà l’élévation de la fécondité, entre l’avant et l’après-guerre observée dans tous les pays, dans l’augmentation de l’écart entre l’indicateur français et celui de chacun des pays. Ainsi l’indicateur français qui était, avant-guerre, sensiblement égal à l’indicateur belge le surpasse de 0,44 durant la période 1946-1955. En moyenne, la fécondité française a enregistré un gain moyen, par rapport à ces pays, de 0,13-0,14 enfant pour une femme.
Une autre observation confirme cette efficacité, celle des conséquences de l’échelonnement de la mise en place des prestations familiales à travers les catégories socioprofessionnelles. Ce sont les salariés du secteur privé, qui ne percevaient que de modestes avantages familiaux avant la guerre, qui ont enregistré la plus forte augmentation de la fécondité au bout de 10 ans de mariage, devant ceux du secteur public, qui bénéficiaient déjà avant guerre de prestations familiales, mais à un niveau inférieur qu’à partir de 1945, puis les non-salariés qui n’en ont bénéficié qu’à la fin des années 1950. La mise en œuvre de la politique familiale aurait ainsi permis de relever la fécondité d’environ 20%, soit 0,4 enfant pour une fécondité de 2 enfants par femme.
Le retour, vers 1975, de la fécondité à sa ligne de tendance séculaire fait apparaître cette période comme une parenthèse singulière dans l’évolution séculaire de la fécondité européenne.
Enjeux de l'Histoire
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