En dépit de surnoms avenants, Louis VI, dit « le Batailleur » ou « le Gros », est un roi méconnu des Français. Tout juste est-il évoqué dans le film Les Visiteurs (1993) ! L'arrière-arrière-petit-fils de Hugues Capet vaut pourtant le détour.
Louis VI, fils de Philippe Ier et de sa première épouse Berthe de Hollande, né à Paris en 1081, témoigne d'une personnalité débonnaire, sans grand éclat, sans grand défaut non plus. Mais il rassemble mieux que quiconque les traits qui vont caractériser les rois capétiens, en particulier la volonté opiniâtre d'étendre le domaine royal par la guerre et le mariage.
Dès 1100, selon la tradition, Louis est associé au trône par son père. Celui-ci étant mort inopinément le 29 juillet 1108, il règne dès lors seul, après avoir été prestement sacré à Orléans par l'archevêque de Sens. Il évite d'aller se faire sacrer à Reims comme ses prédécesseurs, car l'archevêque de la ville a pris le parti du pape contre son père à la suite du remariage de celui-ci avec Bertrade de Montfort.
Roi batailleur et plein d'allant
Le nouveau roi se marie lui-même un peu plus tard, à 26 ans, avec Adélaïde - ou Adèle - de Savoie. Bien que premier des descendants de Hugues Capet à se prénommer Louis, il sera plus tard appelé Louis VI par les chroniqueurs de la dynastie pour signifier que celle-ci s'inscrit dans la continuité des Carolingiens (parmi lesquels cinq d'entre eux se prénommaient Louis)...
Au début de son règne, Louis le Gros ne peut guère s'aventurer sans escorte au-delà de trois lieues de Paris, selon un témoin de son temps. Conscient de sa faiblesse, il va méthodiquement détruire les repaires des seigneurs brigands du bassin parisien, tels Hugues de Puiset et Thomas de Marle, sire de Coucy. Ainsi agrandit-il le domaine royal en donnant de sa personne.
Le roi mobilise aussi ses grands vassaux contre les souverains étrangers, qu'il s'agisse du roi d'Angleterre Henri Ier Beauclerc, fils cadet de Guillaume le Conquérant, ou d'Henri V, empereur d'Allemagne et gendre du précédent. Louis VI ne craint pas, une fois, de provoquer en duel le roi d'Angleterre mais celui-ci, prudent, se défile.
En 1124, l'empereur Henri V pénètre en Champagne et menace Paris. Louis alerte ses vassaux qui, tous, pour l'occasion, font taire leurs querelles. Le roi lui-même s'en va quérir sur l'autel de l'abbatiale de Saint-Denis, au nord de Paris, la bannière du saint, rouge du sang du martyr, pour la brandir en signe de ralliement. Il devient dès lors coutumier aux rois de France de brandir la bannière dans les heures de grand péril. Cette tradition sera reprise par les Parisiens sous la Révolution de sorte que le drapeau rouge deviendra aux XIXe et XXe siècles le symbole mondial des luttes révolutionnaires et ouvrières... jusqu'à être adopté par plusieurs États communistes dont la Chine !
La chronique rapporte aussi que, battant retraite après un dur combat, Louis VI doit son salut à un passage à gué qu'il reconnaît à la présence d'iris d'eau, fleurs aussi nommées lys. En souvenir de ce jour, le roi aurait fait de la fleur de lys sur un fond bleu rappelant les flots l'emblème de la dynastie (cette tradition héraldique est plus sûrement liée à un rapprochement avec le lys, symbole de pureté dans l'Évangile ; rapprochement inspiré à Louis VI ou à son fils Louis VII par Saint Bernard de Clairvaux).
Insouciant, joyeux, gaillard et sans façon, bretteur risque-tout, le roi Louis VI marche au combat avec un cri de guerre déroutant : « Meum gaudium » (« Mon joie ! »), d'où nous vient le célèbre « Montjoie et Saint Denis ! », Saint Denis étant le saint protecteur de la monarchie... et Montjoie, une écriture adoptée par les clercs en vertu d'une fausse référence au Montjoie de Terre sainte, d'où les croisés apercevaient pour la première fois le Saint-Sépulcre.
Las, enclin comme son père à l'obésité, Louis VI devient semi-impotent à l'approche de la cinquantaine et doit renoncer aux plaisirs de la guerre et de la table...
Franchises communales et renouveau urbain
Louis VI se fait assister au gouvernement par le moine Suger, fils de paysan, qui a été quelque temps son camarade d'école à l'abbaye de Saint-Denis et va devenir abbé de celle-ci. Suger est le premier des grands ministres de la France. Il a pris une grande part au développement de l'art gothique. Reconnaissant, il va écrire une Vie de Louis VI le Gros qui demeure l'une des principales sources d'information sur l'époque.
Pour améliorer ses rentrées fiscales et affaiblir les seigneurs féodaux, Louis VI le Gros encourage le mouvement communal. Celui-ci remonte au tout début du Xe siècle. Éric Bournazel évoque ainsi une révolte malheureuse des habitants de Laon contre leur évêque. Le 25 avril 1112, une insurrection éclate dans la ville au cri de « Commune ! Commune ! » L'évêque, haï pour sa cupidité, est lynché. Mais la révolte est brutalement réprimée. Les choses se passent heureusement mieux ailleurs où des bourgeois achètent des exemptions de taxes à leur seigneur et certaines facilités en matière judiciaire.
Vers 1134, Louis VI octroie contre rémunération une charte aux habitants de Lorris-en-Gâtinais. Par cette charte, les habitants sont exemptés de taille ainsi que de corvée... Ils sont dispensés de guet et ne devront porter les armes au service de leur suzerain qu'à la condition de pouvoir revenir le soir même chez eux ! La résidence d'un an et un jour dans la paroisse confère la pleine liberté à tout serf ! Notons enfin que les habitants ne sont justiciables que du prévôt de Lorris. La charte de Lorris servira de modèle aux « franchises communales » ultérieures, à l'origine du renouveau urbain.
En 1119, dans une lettre au pape Calixte II, Louis VI se proclame... « roi de la France, non plus des Francs, et fils particulier de l'Église romaine ». Il s'agit de la première mention officielle du mot France. Jusque-là, les clercs et les poètes parlaient plutôt de la Gaule, de la Francie (ou Francia) ou du royaume des Francs. Il reviendra au petit-fils de Louis VI, Philippe Auguste, de signer à partir de 1204 les actes officiels Rex Francia (« Roi de France ») au lieu de Rex Francorum (« Roi des Francs »).
Le fils aîné du roi étant mort suite à une chute de cheval, c'est son cadet qui lui succède sous le nom de Louis VII le Jeune. Son père, quelques jours avant sa mort, l'a marié à la duchesse Aliénor d'Aquitaine. Celle-ci lui apporte en dot la Guyenne, la Gascogne, le Poitou, le Périgord, le Limousin... Les frontières du royaume sont désormais repoussées jusqu'aux Pyrénées.
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Pendant les deux premiers siècles, les Capétiens n'ont d'autorité que sur un petit territoire s'étendant de Paris à Orléans.
Le reste du royaume demeure à la merci de seigneurs rebelles et turbulents. Les rois, de concert avec le clergé, n'ont de cesse de réduire la violence endémique...
Vos réactions à cet article
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NILOU (24-03-2016 14:54:53)
Merci pour ces intéressantes précisions.
J'espère trouver le livre en question
NILOU (24-03-2016 14:54:04)
Merci pour ces intéressantes précisions.
J'espère trouver le livre en question
Michel-André LEVY (29-04-2015 13:20:30)
Vous écrivez : "Bien que premier descendant de Hugues Capet à se prénommer Louis, le nouveau roi se fait appeler Louis VI, pour signifier que sa dynastie s'inscrit dans la continuité des Carolingi... Lire la suite