Corée, le pays du Matin calme

Aux origines de la Corée

Malgré son nom bucolique, « pays du Matin calme » (Chôsen en coréen), la Corée a connu une histoire tumultueuse, marquée par la proximité géographique de trois « éléphants » : la Chine, le Japon et la Russie. L'agressivité impérialiste de ses voisins a justifié pendant des siècles son attitude, proche de la xénophobie, à l'égard du monde extérieur.

Vincent Boqueho et Béatrice Roman-Amat

Précoce influence chinoise

Vers 10 000 av. J.-C. seraient arrivées de Sibérie des populations paléoasiatiques qui rejoignent dans la péninsule coréenne des populations préexistantes.

Objets rituels en bronze : miroir et dague, période Gojoseon, Séoul, musée national de Corée.Les chroniques font remonter le premier royaume coréen à... 2333 av. J.-C.  De fait, la péninsule abrite des vestiges néolithiques qui remontent aux IIIe et IV millénaires.

L’influence chinoise commence à se manifester vers 3500 av. J.-C. avec l’introduction de la culture du millet. L’augmentation démographique favorise la puissance des chefs de clan qui finissent par se regrouper en un royaume à une date mal déterminée, peut-être vers 400 av. J.-C. : c’est le début du Gojoseon en Corée du nord.

Au cours du Ier millénaire av. J.-C., la Corée entre dans l'Âge du bronze grâce à l'arrivée de nouveaux mouvements de peuplement venant du nord-est de la Chine. La société s'organise alors en classes, comme l'atteste l'existence pour l'élite de tombes surmontées par un dolmen, pratique importée de Mandchourie. Le travail du fer arrive également de Chine, aux alentours du III siècle av. J.-C.

Dolmen à Yeoju (Corée du Sud).

Une étape essentielle a lieu en 222-221 av. J.-C. avec l’unification de la Chine : certains généraux des royaumes conquis partent se réfugier en Corée, notamment Wiman qui parvient à s’emparer du trône de Gojoseon en 194 av. J.-C.

Wiman installe sa capitale près de l’actuelle Pyongyang mais doit lutter contre les prétentions de l’empire chinois. Malgré une alliance avec les Xiongu, le royaume du Gojoseon finit par être soumis par les Chinois en 108 av. J.-C. sous le règne de Han Wudi. Celui-ci le divise en quatre préfectures chinoises, dont le centre est Lolang, près de l'actuelle Pyongyang.

Tombe d'Anak (IVe siècle) dans la province du Hwanghae du Sud en Corée du Nord. Elle fait partie de l'ensemble des trois tombes du royaume de Koguryo, site inscrit au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO en 2004. Portrait du maître décédé. Agrandissement : Femme du défunt.

La résistance coréenne conduit à l’émergence d’une confédération de chefferies qui trouve refuge plus au nord : ces chefferies sont pour la première fois unifiées par Jumong en 37 av. J.-C. qui fonde ainsi le royaume de Koguryo. Celui-ci s’étend fortement aux dépens des tribus voisines à la fin du Ier siècle sous le long règne de Taejo. Au siècle suivant, le royaume connaît une centralisation croissante qui renforce l’autorité royale tandis que la Chine des Han s’affaiblit en parallèle.

Les guerres incessantes qui accompagnent l’effondrement de l’empire chinois portent d’abord préjudice au Koguryo qui est envahi par le Wei en 244. Mais les Wei s’effondrent eux-mêmes en 265, ce qui permet au Koguryo de s’accroître fortement vers l’ouest. En 313, il s’empare de la commanderie chinoise de Lelang, ce qui accélère considérablement la diffusion des pratiques chinoises dans le royaume. Le confucianisme se diffuse dans le Koguryo à partir de cette date, et le bouddhisme vers la fin du IVe siècle. Il s'ensuit que les Coréens adoptent l’écriture chinoise pour transcrire leur propre langue.

Scène de chasse, tombe de Muyong (Ve siècle), royaume de Koguryo. Agrandissement : La Tortue noire du Nord. Divinité protectrice d'un point cardinal. tombe de Kangso, royaume de Koguryo.

Des 3 royaumes à « Silla unifié »

À la même époque, la Corée se structure en trois royaumes : KoguryoPaekche et Silla. Ces trois royaumes s'unissent et se combattent successivement, selon qu'il leur paraît plus urgent d'affirmer leur hégémonie contre les deux autres ou de lutter contre les incursions chinoises.

Bouddha en bronze doré (VIe siècle) avec inscription : la septième année Yeonga, trésor national de la République de Corée, Séoul, musée national de Corée.À partir du IVe siècle, les trois royaumes, auparavant dominés par le chamanisme, adoptent la religion bouddhiste, qui sert leurs ambitions centralisatrices et leur permet de quadriller le territoire à l'aide du clergé.

Les Ve et VIe siècles voient l’épanouissement d’un art de plus en plus influencé par le bouddhisme. L’époque est aussi marquée par des luttes incessantes entre les trois royaumes, auxquelles s’ajoute la menace persistante des royaumes chinois.

Le royaume de Silla, d'abord cantonné au sud-est de la péninsule, prend le dessus sur les deux autres royaumes grâce à une alliance avec la Chine. En 554, il remporte une grande victoire sur le Paekche qui s’en trouve durablement affaibli. Puis en 581, la réunification de la Chine crée une nouvelle pression sur le Koguryo. Celui-ci parvient à résister aux attaques massives lancées par les Sui de 598 à 614, puis par les Tang de 645 à 648, mais il en sort très affaibli.

L’alliance entre Silla et les Tang achève de faire basculer les équilibres : le Paekche est conquis en 660, puis le Koguryo en 668, et les deux alliés se partagent la péninsule. Au nord, les Tang installent un protectorat placé entre les mains de l’ancien roi du Koguryo en vue d’y contenir les révoltes. Mais le Koguryo n'en acquiert pas moins très vite une grande autonomie.

Bouddha du sanctuaire de Seokguram (Corée du Sud), depuis le vestibule. vers 751. Agrandissement : Bouddha assis. Royaume de Silla Unifié, période tardive, VIIIe-IXe siècle, Séoul, musée national de Corée.Finalement, en 698, le général Daejoyeong prend le pouvoir et fonde un nouveau royaume du nom de Balhae, au prix du versement d’un tribut à la Chine. La Corée se voit divisée en deux royaumes, Silla et Balhae, pour plus de deux siècles.

Au nord, le Balhae profite de l’affaiblissement des Tang à la fin du VIIIe siècle pour s’étendre vers la Mandchourie. Il s’étend aussi vers le nord-est dans la région de l’actuelle Vladivostok.

Le royaume englobe ainsi deux populations distinctes : les Coréens qui contrôlent tous les rouages de l’État et les Malgals, ancêtres des mandchous. Le froid favorise le millet comme base de l’alimentation tandis que le riz s’impose dans l"autre royaume, celui de Silla.

Du VIIe au Xe siècle, la période de « Silla unifié » correspond à un Âge d'or des sciences et des arts, influencé par les raffinements de la Chine des Tang. Le confucianisme, religion propre à favoriser l'absolutisme et l'émergence d'une classe de fonctionnaires lettrés, devient religion officielle.

L’influence de la Chine est toujours aussi forte et les deux royaumes, Silla et Balhae, lui payent tribut pour garantir leur indépendance. Le bouddhisme conforte son implantation et les temples se multiplient. L’astrologie est beaucoup pratiquée et le calendrier chinois est adopté. 

Pendentifs et couronne royale de Silla, or et jade, tumulus de Seobongchong fouillé en 1926, Séoul, musée national de Corée.

Après ce bref Âge d'or, la Corée va connaître pas moins de sept siècles d'invasions incessantes.

Cela commence avec la rivalité entre les royaumes de Silla et Balhae, le premier étant allié avec la Chine et le second avec le Japon.

Peinture de l'époque Kory? montrant les loisirs de l'aristocratie.Le Silla est secoué par une forte instabilité politique. L’affaiblissement du pouvoir royal favorise l’ascension des pouvoirs locaux. Il s'ensuit en 900 et 901 l’indépendance de deux royaumes qui reprennent les noms anciens de Paekche et de Koguryo. Ce dernier est renommé en Koryo peu après, qui donnera son nom à la Corée.

La transformation de la caste guerrière dominante en une aristocratie désœuvrée et la révolte de clans dans les provinces contre le pouvoir central ont abouti au déclin de Silla au profit du Koryo.

Accédant au trône à une époque agitée, les rois Koryo doivent affronter les Khitans. Ces tribus mongoles déferlent du nord et ravagent les marches septentrionales du pays. Elles détruisent le royaume de Balhae en 926 et le Koryo en profite pour en récupérer une petite partie.

Peu après, en 935, le Koryo récupère le Silla où les rois ont perdu toute forme d’autorité. Cette date marque la première unification de la péninsule.

La dynastie de Koryo et le déferlement mongol

Une nouvelle capitale est implantée à Songdo (l'actuelle Kaesong) tandis que Lolang (Pyongyang) devient une capitale secondaire. Les rois du Koryo s’inspirent beaucoup de l’ancienne organisation de la Chine des Tang pour affermir leur autorité aux dépens des pouvoirs locaux. La littérature se fait essentiellement en langue chinoise et la céramique comme la peinture s’inspirent des modèles chinois. La période est marquée par l’importance accordée aux femmes qui peuvent être propriétaires et héritent à parts égales avec les hommes.

La période Koryo est marquée par une avancée technologique de premier ordre : l'invention de l'imprimerie à caractères mobiles en métal, utilisée en Corée dès la première moitié du XIIe siècle, deux siècles avant l'« invention » de Gutenberg ! Elle permet notamment la diffusion des textes bouddhiques sur tout le territoire - le bouddhisme ayant repris le dessus sur le confucianisme. Les invasions entraînent toutefois de brutaux transferts de technologie (imprimerie comme céramique) vers les pays voisins, privant le pays de ses meilleurs artisans.

Tripitaka Koreana au temple Haeinsa, Corée du Sud. Le Tripitaka Koreana est compilé au XIe siècle et rassemble un millier de classiques bouddhiques.

La seule véritable menace reste l’empire khitan au nord : les Khitans parviennent à détruire Kaesong en 1010 et le Koryo doit leur payer tribut pour conserver son indépendance. En 1126, l'empire khitan est renversé par une dynastie venue de Mandchourie, la dynastie Jin (Grand Jin ou « dynastie d'or »).  Le royaume du Koryo en reste le tributaire.

Cette relative stabilité est brisée en 1170 par un coup d’État qui porte une caste militaire au pouvoir. Après trente années de guerres internes, le nouveau régime finit par se stabiliser, juste à temps pour faire face aux Mongols qui viennent de fonder un immense empire sous l’impulsion de Gengis Khan. Ceux-ci envahissent la péninsule en 1231, sous le règne d'Ogodai, fils de Gengis Khans, et la mettent à feu et à sang.

Les Coréens mènent néanmoins une résistance farouche. Incapables de faire face, le roi et la cour doivent se réfugier sur une île et perdent tout prestige. Enfin vainqueurs en 1258, les Mongols maintiennent néanmois la monarchie et lui délèguent l’administration et le maintien de l'ordre. Les Coréens doivent livrer aux Mongols femmes, récoltes, or, argent, chevaux, et même leur fournir leurs bras et leur sang pour les aider à conquérir le Japon -un objectif que les Mongols n'atteindront jamais. 

Les Mongols favorisent l’introduction d’innovations depuis la Chine : l’imprimerie dès le XIIIe siècle, puis le coton et la poudre à canon au XIVe siècle. L’art reste également florissant à cette époque.

Quand la dynastie sino-mongole des Yuan s'effondre au milieu du XIVe siècle, la Corée en tire parti pour complètement s'émanciper. C'est le début d'une nouvelle période faste, la période des Choson, jusqu’à la fin du XIXe siècle.


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Vincent raconte...
Publié ou mis à jour le : 2024-12-04 11:07:34

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