30 juin 1934

La « nuit des Longs Couteaux » installe le IIIe Reich

Dans la nuit du 29 au 30 juin 1934, le chancelier Hitler élimine les extrémistes de son parti, groupés autour d'Ernst Röhm, chef de la Sturm Abteilung (« Sections d'Assaut », SA).

Cette purge menée par les SS et leur chef Himmler sera plus tard désignée sous le nom de « Nuit des Longs Couteaux », une expression qui viendrait des SA eux-mêmes puisqu’ils évoquaient à la fin de 1933 une « deuxième révolution », en prévision de laquelle ils « aiguisaient leurs longs couteaux ». Elle va consolider le pouvoir de Hitler et lui assurer l'obéissance de l'armée...

Membres de la SA à l'entraînement en 1932. Agrandissement : Consécration du drapeau par les membres des SA à Berlin, 1933, Bundesarchiv.

Menace de putsch à l’intérieur du putsch

Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler était nommé chancelier du Reich, en conformité avec la Constitution démocratique établie à Weimar, après la Première Guerre mondiale. Sitôt après, il mettait à profit l’incendie du Reichstag le 27 février 1933 pour éliminer le parti communiste, principal parti susceptible de se mettre en travers de sa route.

Le 14 juillet de la même année, le parti nazi devenait le seul parti politique autorisé en Allemagne. Cependant, Hitler ne disposait pas encore d'un pouvoir absolu. Il n'avait notamment pas autorité sur la Reichswehr (« défense du Reich », l’armée de la République de Weimar) qui gardait une réelle indépendance et dépendait du vieux maréchal Paul von Hindenburg, président du Reich et commandant en chef des armées.

Ernst Röhm en 1933. Agrandissement : Hitler et Röhm en août 1933, Bundesarchiv.Le Führer du parti nazi était confronté à des tensions croissantes qui opposaient les milieux conservateurs et la Reichswehr à la milice de son parti, la Sturmabteilung (« Sections d’Assaut », SA), dirigée par le capitaine Ernst Röhm avec lequel il entretenait des relations amicales.

Ce dernier était un vétéran prestigieux de la Première Guerre mondiale, membre de l'état-major de la Reichswehr en Bavière, et un nazi de la première heure. Hitler lui devait beaucoup car la violence et la terreur de rue exercées par les « Chemises brunes » de la SA, essentiellement entre 1926 et 1933, lui avaient été précieuses dans sa conquête du pouvoir.

En effet, la SA était une milice autonome que Hitler utilisait pour intimider ses rivaux et perturber les réunions des partis politiques ennemis, particulièrement celles des sociaux-démocrates et des communistes. Mais en 1934 elles devinrent encombrantes pour Hitler qui voulait stabiliser son régime et qui avait besoin de l'appui des partis conservateurs et de l'armée, notamment dans la perspective de succéder au vieux président Hindenburg.

Comme beaucoup de SA, Röhm prenait au sérieux la promesse de révolution sociale du NSDAP. Pour eux, l'accession au pouvoir des nazis devait être suivie par des mesures économiques et sociales radicales. Depuis des mois il appelait à une seconde révolution, et la plupart des membres du parti nazi partageaient ces opinions anticapitalistes, anticonservatrices, mais les SA étaient les plus extrémistes.

Röhm déclarait à qui voulait l’entendre que lui-même et ses hommes étaient les véritables gardiens de l’idée nationale-socialiste : « Nous sommes les garants incorruptibles de l’accomplissement de la révolution allemande ». Les membres du parti qui s’opposent aux Chemises brunes, déclarait-il, sont des réactionnaires et des conformistes bourgeois. « Le SA, c’est la Révolution nationale-socialiste ! »

Adolf Hitler avec les participants de la SA du premier cours de l'école du Reichsfuhrer (RFS) à Munich, juin 1931. Agrandissement : Défilé de la SA à Berlin-Spandau, 1932, Bundesarchiv.

Hitler avait de la sympathie pour ces extrémistes et pour Röhm, mais son bon sens lui représentait qu’il était impossible de pousser plus avant la révolution tant que l’Allemagne ne se serait pas remise de son désastre économique et n’aurait pas reconstitué ses forces armées.

Ainsi, tout en restant fidèles à Hitler en tant que chef spirituel, beaucoup parmi les quatre millions de Chemises brunes estimaient qu’il avait trahi la révolution brune en se vendant à la droite. Ils se considéraient comme le symbole du radicalisme du parti, et les réformes de la première année de pouvoir ne les satisfaisaient pas du tout.

De 1918 à 1933. Notre victoire ! Heil Hitler ! Affiche illustrant la progression du parti nazi allemand et de la SA. Agrandissement : llustration du SA Sturmfuhrer Horst Wessel tirée d'un livre de propagande pour les jeunes, 1933.Le Führer s’inquiétait de plus en plus de l’esprit d’indépendance que manifestait la SA, d’autant plus que Röhm, depuis des mois, demandait pour ses hommes un rôle militaire. L’armée bien entendu s’y opposait.

Il faut dire que les effectifs de la Reichswehr étant limités à cent mille hommes par le traité de Versailles, les chefs de l'armée observaient avec inquiétude la progression du nombre de membres de la SA, qui atteignait 4,5 millions d'hommes en juin 1934.

Hitler essaya de tempérer les ardeurs de Röhm en le nommant en décembre 1933 ministre sans portefeuille, mais ce dernier insista pour être nommé ministre de la Défense, position détenue par le général Werner von Blomberg, proche des nazis. Or, Blomberg, comme de nombreux officiers, provenait de la noblesse prussienne et considérait la SA comme une foule plébéienne qui mettait en danger la position de l'armée comme dépositaire unique de la puissance militaire allemande.

Hitler savait que sa meilleure chance de survie était de se concilier les chefs militaires, car sans leur appui, il ne pourrait jamais réaliser ses objectifs suprêmes. Röhm n’avait donc pas d’autres choix que de signer à contrecœur un pacte confirmant que la Reichswehr était bien la seule organisation armée officielle du Troisième Reich et n'accordant à la SA que le monopole de la formation pré et postmilitaire.

Hitler déclara : « La Reichswehr est la seule à porter les armes pour la nation ; le SA est responsable de l’éducation politique du peuple. »

En privé, Röhm se lâchait : « Adolf est ignoble, il nous trahit tous. Il ne fréquente plus que des réactionnaires et prend pour confidents ces généraux de Prusse-Orientale ! Adolf a été à mon école. C'est de moi qu'il tient tout ce qu'il sait des questions militaires. Mais Adolf est et reste un civil, un barbouilleur, un rêveur. »

Parade de la Reichswehr dans la Wilhelmstrasse en 1932. Agrandissement : les cavaliers lanciers de la Reichswehr en 1932. Ils ont composé jusqu'à 1/3 des effectifs de l'armée, Bundesarchiv.

Cet esprit de révolte ne plaisait guère à l’entourage du chancelier. En secret, Himmler et son adjoint direct, Heydrich, chef du Sicherheitsdienst (service de renseignement et de maintien de l'ordre de la SS), faisaient tout leur possible pour prendre Röhm au piège. Ils fabriquèrent un dossier de fausses preuves prétendant que Röhm avait été payé douze millions de marks par la France pour renverser Hitler. Les principaux dirigeants de la SS découvrirent le dossier le 24 juin, ce qui fonda l'accusation contre Röhm suspecté de fomenter un complot contre le gouvernement (d’où l’appellation Röhm-Putsch en allemand pour la nuit des Longs Couteaux).

Franz von Papen en 1933. Agrandissement : le général von Blomberg en 1934, Bundesarchiv.D’autres rumeurs, faux rapports et documents truqués circulèrent, si bien qu’au bout du compte Hitler se persuada que Röhm fomentait une insurrection. Il était d’autant plus décidé à agir qu’il recevait au même moment un ultimatum de la part du vice-chancelier Franz von Papen. En effet, en tant qu’aristocrate catholique lié à l'armée et à l'industrie, Papen menaçait de démissionner si Hitler ne prenait pas une décision nette concernant les SA. Et si une démission de Papen ne constituait pas une réelle menace pour la position de Hitler, en revanche elle aurait rendu publique la division entre les conservateurs et le parti nazi.

Devant la pression des conservateurs pour juguler Röhm, Hitler décida de se rendre à Neudeck pour rencontrer le président Hindenburg. Le ministre de la Défense Blomberg, qui avait déjà rencontré le président, fustigea Hitler pour ne pas s'être opposé plus tôt à Röhm. Il affirma à Hitler que Hindenburg (seule personne en Allemagne ayant assez d'autorité pour déposer le régime nazi), était disposé à décréter la loi martiale et à confier le gouvernement à la Reichswehr si Hitler ne prenait pas des mesures immédiates contre Röhm et ses Chemises brunes.

De gauche à droite : Kurt Daluege, chef du groupe Est des SS, Heinrich Himmler et Ernst Röhm lors d'une conversation dans le camp à Doberitz (Berlin), août 1933, Bundesarchiv.

« Toutes les révolutions dévorent leurs propres enfants »

Le 29 juin, un peu avant minuit, Himmler téléphona à Hitler et lui annonçait que la SA de Berlin projetait un putsch qui débuterait à 5 heures de l’après-midi par l’occupation des bâtiments gouvernementaux. Hitler, dont la rage s’était changée en panique, convoqua tous les chefs SA à Bad Wiessee, une station thermale sur le Tegernsee où Röhm faisait sa cure de repos.

Il prévoyait de les arrêter lui-même pour « leur régler leur compte ». L’armée était prête à agir et toutes les troupes étaient en état d’alerte. Pourtant, le comportement de Röhm, ce soir-là, n’était pas celui d’un homme en train de fomenter un soulèvement. Après une partie de cartes avec d’autres dignitaires SA à qui il exprimait sa satisfaction devant la réunion du lendemain avec le Führer, son médecin lui fit une piqure antinévralgique et il alla tranquillement se coucher.

Vers 7 heures du matin, c’est à bord d’un trimoteur qu’Hitler arriva avec une petite troupe à l'hôtel Hanselbauer où se trouvaient Röhm et les nombreux responsables de la SA. Revolver au poing, il entra dans la chambre de Röhm qui ne se doutait de rien et qui se réveilla avec effroi. Hitler l’accusa d’avoir voulu le tuer pour livrer l’Allemagne à ses ennemis. Röhm et les autres dirigeants de la SA furent enfermés dans la cave de l'hôtel en attendant l'arrivée de l'autobus qui devait les conduire à la prison de Stadelheim à Munich.

Hôtel Hanselbauer à Bad Wiessee, sur le lac Tegernsee (Haute-Bavière). Agrandissement : Photographie de la prison de Munich Stadelheim avant la Seconde Guerre mondiale.

Les cellules de la prison regorgeaient de chefs de la SA emprisonnés par les SS. Hitler donna l’ordre de fusiller six d’entre eux pour trahison dont August Schneidhuber, le chef des Chemises brunes de Haute-Bavière.

Puis vers 9h30 du matin, il dit à Goebbels de téléphoner à Goering le mot convenu. La purge commençait. « Je donnai l’ordre de fusiller les meneurs de cette trahison, et de brûler jusqu’à la chair vive les ulcères qui nous rongeaient de l’intérieur et s’étendaient au dehors. » Les assassinats eurent lieu dans toute l'Allemagne, particulièrement à Munich sous la responsabilité de Sepp Dietrich, et à Berlin sur les ordres de Goering et Himmler.

Gregor Straßer, dessiné par Emil Stumpp en 1932. Agrandissement : Dr Frick et Gregor Strasser se rendant à la séance d'ouverture du Reichstag, 1932, Agence de presse Mondial, Paris, BnF, Gallica.

Partout des cars de police écumaient les rues pour rafler les ennemis supposés du régime parmi lesquels des nazis de la première heure. On avait ainsi arrêté Gregor Strasser, une des figures de proue de l'aile « gauche » du NSDAP, pour l’incarcérer à la prison de la Gestapo. Là, à travers la fenêtre de la cellule, d’invisibles assaillants le criblèrent de balles. Gregor Strasser aurait été assassiné sur ordre de Goering et Himmler qui annoncèrent par la suite qu’il s’était suicidé.

Karl Ernst chef des SA de Berlin, qui ce soir-là venait de se marier, fut arraché à sa lune de miel. Il fut ramené à Berlin par un détachement de SS. Là, avec quelque cent cinquante responsables de la SA, il fut exécuté contre un mur à l'école militaire de Lichterfelde par la 1ère division SS Leibstandarte Adolf Hitler. Ernst, pensant qu'il avait été arrêté à la suite d'un coup des conservateurs et des pro-capitalistes, mourut en criant « Heil Hitler ! ».

Kurt Schleicher avec sa femme Elisabeth lors du scrutin de l'élection du Reichstag, Carl Weinrother, Bundesarchiv. Agrandissement : le général Ferdinand von Bredow.Le général Kurt von Schleicher, ancien chancelier qui avait été remplacé par Hitler, fut accusé d’être en liaison avec le soi-disant complot fomenté par Röhm ; lui et sa femme furent fusillés à leur domicile. Le général Ferdinand von Bredow, un ami de Schleicher, fut également tué devant sa porte. Le chef de la police de Breslau, fut abattu par un fusil de chasse, et un chef de cavalerie SS assassiné dans son propre fumoir.

D’autres SA furent passés à tabac dans les rues par des hommes de Himmler en maraude, et certains abattus sans autre forme de procès. D’autres encore, destinés à la prison ou à la mort, furent épargnés par les camarades SS. Le soir, la liste des victimes était atterrante ; pour des milliers d’hommes qui estimaient avoir tout sacrifié au parti, ce fut une nuit de terreur et de désillusion.

Hitler nomma Viktor Lutze comme nouveau commandant de la SA à la place de Röhm. Il exigea une obéissance aveugle et une absolue discipline de la part de ses hommes. À l’avenir, tous les chefs des Chemises brunes qui se conduiraient mal se verraient immédiatement expulsés de la SA et du parti.

Cortège funèbre pour l'enterrement du chef du groupe SS Seidel-Dittmarsch encadré par la SA, Berlin, 23 février 1934. Agrandissement : Viktor Lutze, chef d'état-major de la SA, en uniforme Sturmabteilung, vers 1934.

La suppression des opposants conservateurs et catholiques

Hitler profita également de l'occasion pour s'occuper des conservateurs, essentiellement ceux de la droite catholique, qu'il considérait comme non fiables : le vice-chancelier von Papen et son entourage étaient du nombre. Une unité de SS entoura son cabinet, abattit son attaché de presse et arrêta d’autres membres de son personnel. Peut-être trop proche de Hindenburg pour être abattu, von Papen fut néanmoins placé en résidence surveillée par Goering.

Edgar J. Jung, n.d., © Reproduction German Resistance Memorial Center, Berlin. Agrandissement : Tombe d'Erich Klausener au cimetière de la paroisse St. Matthias (Berlin-Tempelhof).Edgar Jung, en tant que conseiller politique de von Papen, avait rédigé ses discours notamment celui de l’université de Marbourg du 17 juin qui constituait une violente critique publique des méthodes nazies et qui mettait en lumière les profondes divergences et les oppositions entre les différentes composantes du gouvernement de Hitler. Il fut envoyé en camp de concentration et fusillé le jour-même où le lendemain.

Une des célèbres victimes non nazies de cette purge fut aussi le fonctionnaire du ministère des Transports et président de l’Action catholique Erich Klausener. Ce dernier s’opposait à la politique anticléricale de Hitler et avait mis en cause la politique raciale du gouvernement quelques jours plus tôt lors d’un discours devant plus de 60 000 personnes.

Adalbert Probst.. Agrandissement : Défendre la liberté. Plaque commémorative au lion devant l'Académie catholique bavaroise honorant Fritz Gerlich, assassiné par les nazis à Dachau en 1934.L'officier SS Kurt Gildisch, chargé de l'assassinat, abattit Klausener par derrière, d'une balle dans la tête, pendant que celui-ci enfilait sa veste. Il téléphona ensuite, depuis la maison de la victime, à Heydrich, qui lui ordonna de maquiller le crime en suicide.

Fritz Gerlich, directeur de l'hebdomadaire catholique Der gerade Weg, qui avait déjà été arrêté dans les bureaux de sa rédaction par des membres de la SA le 9 mars 1933 et transféré au camp de concentration de Dachau, fut également assassiné lors de la nuit des Longs Couteaux. Enfin Adalbert Probst, directeur national de l'Association sportive des Jeunesses catholiques, fut également arrêté et sera assassiné le 2 juillet.

Élections paroissiales à Berlin, 1933. Hommes SA devant la Marienkirche faisant la propagnade des jeunesses hitlériennes.

La mort de Röhm

De retour à Berlin vers 10 heures du soir, Hitler déclara à Himmler et Goering que Röhm ne serait pas exécuté. Ceux-ci exprimèrent leur contrariété et firent pression sur le Führer : à quoi bon tout ce massacre, si l’on épargnait le chef de la révolte ? Hitler hésitait toujours sur le sort à lui réserver, notamment compte tenu des services rendus par Röhm au mouvement nazi.

Ernst Röhm en 1933, Bundesarchiv.Le 1er juillet, on finit par convaincre Hitler de souscrire à l’exécution de Röhm, mais il ordonna qu’on lui laisse au moins une chance de se suicider et d’éviter ainsi le déshonneur.

Le brigadeführer Theodor Eicke (commandant du camp de concentration de Dachau) entra dans la cellule de Röhm et plaça sur une table un pistolet chargé d’une seule balle puis sortit de la cellule. Il attendit près d’un quart d’heure dans le couloir ; ce délai passé, lui et ses acolytes sortirent leurs propres revolvers, rentrèrent dans la cellule et ouvrirent le feu sur Röhm qui s’écroula. Il était 6 heures du soir.

Les tueries n’en continuèrent pas moins jusqu’au 2 juillet ; à 4 heures du matin, on avait déjà assassiné sans jugement une centaine d’hommes, peut-être deux cents – on ne connaîtrait jamais le chiffre exact. Le Führer avait donné sa parole à Hindenburg que les exécutions étaient terminées. Ce dernier n’avait plus d’autres choix que de donner son approbation à Hitler qui reçut bientôt celle de presque tout le pays.

Himmler visite le camp de concentration de Dachau en 1936. Derrière lui, à droite, se tient Theodor Eicke.

Les nazis changent de pied sur l'homosexualité

Accusés de trop pencher du côté de la révolution, les SA étaient aussi accusés d’« homoérotisme ».  Ils voyaient dans le culte de la virilité et de la société masculine une lointaine réminiscence des traditions viriles prêtées aux guerriers germains de l'Antiquité.
Röhm lui-même était membre du BfM (Bund für Menschenrecht : Union pour les droits de l’homme), un mouvement homosexuel créé sous la République de Weimar. Son homosexualité était de notoriété publique et avait été dénoncée par la presse de gauche dès 1932 comme un moyen de discréditer le parti nazi, diffusant l’idée que nazisme et homosexualité feraient bon ménage, voire seraient intimement liés. La propagande communiste, qui promouvait le modèle familial traditionnel dans le but de garder la faveur des masses populaires, n’eut de cesse d’identifier, à partir de 1934, l’homosexualité à une « perversion fasciste » !
Après la nuit des Longs Couteaux, au cours de laquelle plusieurs chefs SA furent surpris au lit en compagnie d'éphèbes, l’entourage de Hitler joua lui-même du sentiment populaire pour justifier la purge : « Ses penchants malheureux et connus ont conduit à des tares si détestables que le chef du mouvement et chef suprême de la SA [Adolf Hitler] a lui-même été amené à des graves problèmes de conscience […] L'exécution de l'arrestation a révélé des images moralement si tristes que toute espèce de pitié a été forcée de disparaître. […] Qu'il soit ainsi entendu qu'à l'avenir, on ne supportera plus que des milliers d'hommes sains soient contaminés ou compromis par des êtres isolés aux penchants maladifs » (communiqué de presse du bureau de presse du Reich).
Dès lors, les condamnations pour homosexualité furent multipliées par cinq entre 1934 et 1935, en vertu notamment de l'application du paragraphe 175 du Code pénal allemand de 1871 réprimant les actes homosexuels masculins. Selon l’hypothèse la moins contestée, entre 5 000 et 15 000 homosexuels, les tristement célèbres « triangles roses », furent déportés dans les camps de concentration, où la majorité trouva la mort.

Hitler consolide sa puissance

Commis en dehors de tout cadre légal, ces meurtres furent légitimés par une loi rétroactive du 3 juillet 1934, avec l'accord de tous les membres du gouvernement, au sein duquel les nazis étaient pourtant minoritaires.

Le Führer Adolf Hitler dans sa voiture, saluant le rassemblement du parti nazi, lors d'un défilé à Nuremberg, aquarelle de Ludwig Hohlwein, propagande NSDAP 1937.Le ministre de la Défense Blomberg approuva l’impitoyable épuration de la SA par Hitler, ainsi que la liquidation des généraux Schleicher et Bredow. Le corps des officiers accepta la mort de deux des siens avec une sérénité bien surprenante, fermant les yeux sur les méthodes de Hitler sous prétexte que la répression du putsch garantissait la paix intérieure.

Toutes les couches influentes de la société allemande semblaient avoir été soit intimidées soit convaincues, et ce qui aurait pu être pour Hitler un désastre personnel se transforma en quelque sorte en victoire ; du moins la purge avait-elle mis fin de façon radicale à l’esprit de faction qui avait longtemps déchiré son parti.

En créant un climat de terreur vis-à-vis de tous les opposants réels ou potentiels au régime, la purge incita les ex-Chemises brunes à rentrer dans le rang de l'ordre public du parti nazi.

Après le décès du maréchal-président Hindenburg le 2 août 1934, Hitler eut enfin la possibilité de cumuler les fonctions de chef de l'État, du gouvernement, du parti nazi et de commandant suprême des forces armées.

Déjà sous pression depuis dix-huit mois, les électeurs allemands approuvèrent à près de 90% l’accession de Hitler à la présidence du Reich par le plébiscite du 19 août 1934. Cumulant cette fonction avec celle de chancelier, le dictateur prit le titre inédit de Führer (« Guide »).

Matthias Mauvais

Bibliographie

Max Gallo, La Nuit des Longs Couteaux : 30 juin 1934, Paris, Robert Laffont, coll. « Ce Jour-là », 1970,
John Toland, Adolf Hitler, Paris, Éditions Pygmalion, 1978.

Publié ou mis à jour le : 2023-04-26 15:16:54

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