La guerre franco-prussienne (1870-1871)

La défaite en six semaines

La guerre franco-allemande, parfois appelée guerre franco-prussienne ou guerre de 1870, oppose du 19 juillet 1870 au 28 janvier 1871 la France à une coalition d’États allemands dirigée par la Prusse. Elle réunit la Confédération de l’Allemagne du Nord ainsi que les États allemands du Sud (royaumes de Bavières et de Wurtemberg, Hess-Darmstadt et grand-duché de Bade).

Le conflit débute sous le Second Empire, Napoléon III étant au pouvoir en France. Il se déroule presque exclusivement sur le sol français et connaît deux périodes bien distinctes. La première se solde par la capture de l'empereur et conduit au siège de Paris.

Durant la seconde, des armées républicaines surgies des provinces tentent de libérer la capitale. Leur échec entraîne un armistice et la paix de Francfort, conclue le 10 mai 1871 par les représentants de la République française, troisième du nom. 

Général (2S) André Bourachot, colonel (er) Henri Ortholan
Les réservistes, Pierre-Georges Jeanniot, 1870, Paris, hôtel des Invalides.

Les forces en présence

Un banal imbroglio diplomatique aboutit à l’affaire de la dépêche d’Ems. Habilement caviardée par Bismarck, ministre-président du royaume de Prusse, cette dépêche dresse les opinions publique allemande et française l'une contre l'autre. À Paris, le Conseil des ministres se range à l'idée d'une guerre  dans la nuit au 14 au 15 juillet. Le Corps législatif vote les crédits dès le lendemain, malgré les avertissements de certains députés dont Thiers, qui décline « la responsabilité d’une guerre aussi peu justifiée » (note).

Le même jour, le maréchal Le Bœuf, ministre de la Guerre, déclare à la Chambre : « Nous sommes prêts et archi-prêts, la guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats. » On rappelle les réservistes, et, le 17, la garde nationale mobile est convoquée. La guerre est déclarée à la Prusse le 19. Les États de l’Allemagne du Sud, déjà liés par une convention militaire avec la Prusse, se rangent alors à ses côtés.

L'Attaque, Étienne-Prosper Berne-Bellecour, 1874, Collection particulière.

Le général de Chabaud-Latour est chargé de la défense de Paris. Des travaux sont entrepris, dont la réalisation de redoutes et de batteries pour renforcer la ceinture extérieure des forts construits dans les années 1840. Malgré ses succès antérieurs, contre la Russie en 1855, puis contre l’Autriche en 1859, l’armée française présente de graves faiblesses : mobilisation mal préparée, artillerie dépassée, absence de doctrine d’emploi, réserves insuffisantes, manque de chefs capables de diriger une armée complète.

Une batterie d'artillerie française pendant la guerre de 1870, 23 juillet 1870, Brown University, Providence, États-Unis.En revanche, la troupe, remarquablement encadrée, est solide. Elle dispose d’un excellent fusil, le Chassepot, supérieur au fusil prussien Dreyse. Elle dispose aussi en quantité limitée d’une arme nouvelle − le canon à balles −, ancêtre de la mitrailleuse. On en a fabriqué 200 dans le plus grand secret, de 1865 à 1868 ; ses effets sont terribles sur l'infanterie mais sa portée trop faible la rend inefficace face aux batteries allemandes.

Mobilisée dans des conditions de désordre indescriptible, l’armée impériale française parvient à s’organiser en 8 corps d’armées regroupant 23 divisions d’infanterie et 6 de cavalerie, plusieurs unités, l’ensemble devant constituer une armée unique, l’armée du Rhin.

Les mouvements vers la frontière commencent le 17 juillet, Napoléon III quitte Paris et arrive à Metz le 28. Début août, l’armée compte 285 000 hommes. Après son départ, les seules troupes encore disponibles sont celles de la garde nationale mobile, encore peu apte à faire campagne, et celles des dépôts.

Entrée de Napoléon III à Metz le 28 septrembre 1857, gravure d'Adolphe Bellevoye d'après le dessin de M. Chanvoux.En Allemagne (note), le général von Moltke, chef du grand état-major prussien, dispose de 500 000 hommes - des conscrits disciplinés, instruits et bien entraînés – et d’une excellente artillerie.

Cette armée a de plus une expérience récente du feu, contre le Danemark en 1864 et contre l’Autriche en 1866. Les forces alliées de la Prusse sont organisées selon le modèle prussien. Grâce à des réserves constituées de longue date et un haut-commandement particulièrement compétent, la mobilisation, puis la concentration aux frontières, s’effectuent avec une précision d’horloge.

Le 25 juillet, la mobilisation est terminée. Les forces allemandes, composées de 16 corps d’armées qui regroupent 32 divisions d’infanterie et 8 de cavalerie, s’organisent en trois armées. Deux périodes vont alors se succéder, celle de l’armée impériale, puis celle des armées du gouvernement de la Défense Nationale, premier gouvernement de la IIIe République.

Charge du 9e cuirassiers dans Morsbronn (Bas-Rhin), Édouard Detaille, 1873, exposé au salon en 1874. Reims, musée Saint-Remi.

Les opérations de l’armée impériale française

Les échecs militaires vont s’enchaîner presque dès le début des hostilités.

Le 2 août, le 2e corps du général Frossard s’engage en territoire allemand à Sarrebruck, petit succès sans lendemain où le Prince impérial reçoit le baptême du feu. Quatre jours plus tard, en se repliant, il livre le combat désastreux de Forbach. Le maréchal Bazaine, dont dépend le 2e corps, et qui a sous la main les 3e et 4e, ne le soutient pas. Heureusement, épuisés par la violence de l’affrontement, les Prussiens renoncent à poursuivre Frossard.

Bataille de WÅ“rth, 6 août 1870,  bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg.Deux défaites surviennent encore, toutes deux subies par le maréchal de Mac-Mahon, l’une à Wissembourg le 4 août, l’autre à Woerth et Frœschwiller, le 6, où les cuirassiers chargent héroïquement – les fameuses charges dites de Reichshoffen (note) − pour couvrir la retraite de l’armée. La défaite de Frœschwiller a pour conséquence la perte de l'Alsace. 

Le 12 août, Napoléon III confie à Bazaine le 6e corps et la Garde impériale, l’ensemble prenant l’appellation d’armée du Rhin. Bazaine n’exerce réellement son commandement que le lendemain après l’avoir vainement refusé, compte tenu de l’ancienneté des maréchaux présents (Le Bœuf et Canrobert), mais qui venaient de le refuser.

L’empereur prescrit alors à Bazaine de se replier sur Verdun, pour faire jonction avec l’armée que le maréchal de Mac Mahon réunit au camp de Châlons-sur-Marne − ce sera l’armée de Châlons −, et ainsi opposer ainsi une force plus importante aux Prussiens. En se repliant derrière la Moselle, Bazaine doit cependant livrer, le 14 août, la bataille de Borny au sud-est de Metz, imposée par une crue de la rivière et l’initiative intempestive de subordonnés.

La bataille de Borny le 14 août 1870, impr. P. Didion, DR.

Ne pouvant entamer la ligne française, les Prussiens la contournent plus au sud pendant que l’armée du Rhin achève enfin de franchir la Moselle pour marcher sur Verdun. Bazaine rencontre une dernière fois Napoléon III le 15 août, à Gravelotte, où l'empereur lui confirme l’ordre de poursuivre sur Verdun pour faire jonction avec l’armée de Châlons.

Le 16 août, à Rezonville Mars-la-Tour, au sud de Metz, se déroule une meurtrière bataille d’arrêt où, après un flottement initial, Bazaine redresse brillamment la situation. Sans être une victoire française, la bataille se solde par un échec coûteux pour les Prussiens. Mais plutôt que de poursuivre comme prévu sur Verdun, Bazaine se replie vers le nord en direction de Metz, « pour se refaire en munitions », affirme-t-il. Durant le mouvement, un nouveau choc se produit le 18 août à Gravelotte Saint-Privat, bataille cette fois à front renversé puisque les Prussiens ont tourné l’armée du Rhin.

Bataillon Nr. 9, les chasseurs de Lauenburg à Gravelotte, Ernst Zimmer, 1900, musée du District du duché de Lauenburg à Ratzeburg, Allemagne.

Avec 200 000 Allemands face à 140 000 Français, c'est la plus grande bataille de la guerre. Le début est favorable aux armes françaises. Tentant d’envelopper l’armée du Rhin par le nord, les Prussiens et les Saxons se heurtent au 6e corps du maréchal Canrobert qui tient l’aile droite. Sous leur poussée, le 6e corps commence à plier. Par une erreur fatale, Bazaine ne le soutient pas alors que l’intervention de la Garde impériale, avec 20 000 hommes disponibles, lui aurait peut-être assuré la victoire. L’armée du Rhin doit se rabattre sous Metz après avoir cependant infligé à l’ennemi des pertes supérieures aux siennes.

Lors d’une conférence tenue le 26 août à la ferme de Grimont, à l’est de Metz, Bazaine décide du maintien sur place de l’armée du Rhin. Il effectue cependant deux tentatives de sortie, la première au nord-est de Metz, les 26 et 31 août, et la deuxième beaucoup plus tard, le 7 octobre, en direction du nord. Toutes deux échouent.

Il reste à Napoléon III 130 000 hommes regroupés à Châlons et de valeur inégale. Il veut avec raison les ramener sous Paris. Mais l'impératrice Eugénie et les ministres l'en dissuadent et le convainquent de marcher sur Metz pour dégager Bazaine. L'impératrice, qui assure la régence, est convaincue que le retour de Napoléon III déclencherait la révolution. Son avis est partagée par le nouveau chef du gouvernement, le général Cousin-Montauban, duc de Palikao, qui a remplacé Émile Ollivier le 9 août.

Alors que l’armée du Rhin se retrouve immobilisée, l’armée de Châlons fait mouvement à partir du 23 août pour lui porter secours. Prévenu, le grand état-major prussien parvient à la bloquer autour de Sedan. Malgré un combat furieux livré à Bazeilles et plusieurs charges de cavalerie à Floing pour tenter de briser l’étreinte, Mac-Mahon finit par capituler le 2 septembre avec 85 000 hommes et 600 canons. Napoléon III lui-même, qui se trouvait avec l’armée, se rend au roi de Prusse Guillaume. Dès lors, la France n’a plus d’armée.

Wilhelm Ier, roi de Prusse et empereur d'Allemagne, reçoit la reddition de Napoléon III en 1870 après la bataille de Sedan, illustration de la maison de Hohenzollern par Carl Rohling et Richard Sternfeld, publiée par  Martin Oldenbourg à Berlin en 1900.

Chute du Second Empire

Le Gouvernement de la défense nationale : photographie de 1871 avec l’allégorie de la République. L'agrandissement présente de gauche à droite : Adolphe Crémieux, le général Le Flô, Ernest Picard, Martin Fourichon, Jules Favre, le général Trochu, Gambetta, Dorian, Jules Simon, Joseph Magnin. La nouvelle de la capitulation de Sedan parvient à Paris le 3 septembre. En gésine depuis une dizaine de jours, la crise politique prend alors une allure insurrectionnelle.

Le lendemain, une foule disparate force les grilles du Palais-Bourbon. Les républicains, Jules Favre, mais aussi et surtout Gambetta, réussissent à canaliser le mouvement vers l’Hôtel de Ville, haut-lieu des révolutions parisiennes.

Ils prononcent la déchéance de l’Empire et créent un nouveau gouvernement, celui de la Défense nationale. Le général Trochu en devient le chef, Léon Gambetta le ministre de l’Intérieur et le général Le Flô celui de la Guerre.

La légitimité de ce nouveau gouvernement est immédiatement contestée, car il est issu de ce qui ressemble à un coup d’État, au moins un coup d’État parlementaire, et il n’y a pas eu passation de pouvoir.

Maître et Valet ! Caricature de Faustin Betbeder, février 1871, lithographie Lemaire et Fils, bibliothèque du Congrès, Washington.  Napoléon III est habillé en moine et Louis Jules Trochu en membre du clergé.L’espoir du moment est de mettre un terme au conflit dans des conditions d’autant plus honorables que c’est l’empire déchu qui est considéré comme responsable de son déclenchement. 

Jules Favre, ministre délégué aux Affaires étrangères, demande donc à rencontrer Bismarck pour aborder la question. L’entrevue a lieu en secret les 19 et 20 septembre au château de Ferrières, à l’est de Paris, et il en ressort que la Prusse compte annexer une partie des territoires de l’Est de la France. En conséquence, le gouvernement décide de poursuivre la guerre et choisit de rester dans Paris, pourtant en cours d’investissement par les Prussiens et leurs alliés.

Comme il avait décidé entre-temps de la création d’une délégation extérieure à la capitale, et qui vient de s’installer à Tours le 12 septembre, celle-ci reçoit pour mission de coordonner les actions en province pour combattre l’envahisseur. Elle est dirigée par Adolphe Crémieux, ministre de la Justice, assisté d’Alexandre Glais-Bizoin et de l’amiral Fourichon.

Dès lors, la guerre franco prussienne va se dérouler sur deux théâtres d’opérations différents : celui de Paris, bientôt encerclé, et celui de la province, où de nouvelles armées tentent de s’opposer à l’envahisseur pour dégager la capitale.

Le siège de Paris, 1870, Jean-Louis Ernest Meissonier, musée d'Orsay, Paris.

Paris bloqué

Alors que des armées vont s’organiser en province pour venir au secours de la capitale, celle-ci tente à son niveau, d’abord d’empêcher la mise en place du blocus que les Prussiens entreprennent à partir du 17 septembre, ensuite de le rompre.

Atelier de fabrication des ballons-poste à la gare d'Orléans pendant le siège de Paris, 1er janvier 1870, Jules Clarétie : L'histoire de la Révolution de 1870-1871.Les premiers combats ont lieu au sud de Paris, d’abord à Montmesly le 17 septembre, puis à Châtillon le 19, à Villejuif le 23 et à Chevilly le 29.

Dès le 19, Paris est totalement investie, et à partir du 26, toute communication avec l’extérieur est coupée. Les seuls moyens pour rester en contact avec la province vont être les ballons montés, et en sens inverse les pigeons voyageurs.

Une nouvelle bataille est livrée à Châtillon le 13 octobre, une autre à Buzenval le 21, une autre encore au Bourget du 28 au 30. À partir du 6 novembre, le général Trochu organise trois armées dans la capitale avec des formations de l’ex-armée impériale, des unités de la garde nationale mobile et de la garde nationale sédentaire.

Le Bourget, 30 octobre 1870, Alphonse de Neuville, 1878. Le tableau représente l'église Saint-Nicolas dans laquelle s'étaient réfugiées les troupes françaises lors de la contre-attaque allemande.

Les armées de province

Conséquence de l’échec de l’entrevue de Ferrières, le nouveau gouvernement décide aussitôt la mise sur pied de nouvelles unités à partir des dépôts de l’ancienne armée impériale et des régiments de la garde nationale mobile. Elles donnent naissance au 15e corps.

Après un premier engagement malheureux à Artenay le 7 octobre, qui entraîne aussitôt la perte d’Orléans, le 15e corps se reconstitue en Sologne, désormais sous l’autorité du général d’Aurelle de Paladines. Simultanément, Gambetta rejoint la Délégation de Tours. Sorti de Paris en ballon le 7 octobre, il arrive sur place deux jours après.

Dès lors, la conduite de la guerre en province va échapper totalement à Paris et sera assurée quasi-personnellement par Gambetta lui-même, secondé par son délégué à la Guerre Saulces de Freycinet. Sous sa ferme autorité, la Délégation de Tours met sur pied les uns après les autres de nouveaux corps d’armées et crée toute une organisation pour soutenir l’effort de guerre.

Rien n’est donc encore joué. L’issue du combat reste suspendue aux décisions des deux états-majors et à la vaillance des troupes en présence...


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La Prusse
Publié ou mis à jour le : 2020-08-28 08:56:26
DEFEBVRE (19-06-2018 14:34:33)

La trahison de Bazaine paraît bien escamotée ...

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