Dans son ouvrage La guerre de 1870, l’historien François Roth estime que le conflit a causé 127 883 tués, blessés et disparus côté français et 130 000 chez les Prussiens et leurs alliés. Dans sa recension, le général von Moltke confirme ce dernier chiffre en reconnaissant la perte de 6 247 officiers et 123 463 hommes de troupes. Limité aux seules opérations, le conflit aurait donc été aussi coûteux pour le vainqueur que pour le vaincu. Cependant, si l’on y ajoute les décès dus aux maladies, le bilan français s’alourdit considérablement.
Toujours d’après François Roth, le nombre de tués français, qui était de 24 031 (1 700 officiers et 26 896 hommes de troupe et sous-officiers), doit être majoré du nombre de soldats décédés par maladie, soit 28 596 (1 700 officiers et 26 896 hommes de troupe et sous-officiers). Au total, le conflit a donc décimé 50 927 militaires français. Ce décompte prouve que plus de la moitié d’entre eux n’a pas trouvé la mort au combat, mais à la suite de maladies diverses comme la typhoïde, le typhus, la dysenterie, et surtout la variole. Finalement, ajouté au nombre de 127 883, le total des pertes françaises s’élève à 156 479 hommes.
Le conflit a duré du 19 juillet 1870, date de la déclaration de guerre de la France à la Prusse, jusqu’au 28 janvier 1871, signature d’un armistice. Sur cette période qui excède à peine six mois, il faut considérer deux périodes correspondant à trois théâtres d’opérations différents.
Bilan des pertes sous Napoléon III
La première période, de début août à fin octobre 1870, même si elle chevauche pendant près de deux mois la suivante, correspond aux combats et batailles menés par l’armée impériale aux frontières, puis autour de Metz. Il s’agit d’affrontements certes coûteux pour les deux camps, mais davantage pour les Prussiens et leurs alliés que pour les Français.
Pour les seules batailles du mois d’août (Wissembourg, Frœschwiller, Forbach-Spicheren, Borny, Rezonville Mars-la-Tour et Gravelotte Saint-Privat), les Prussiens et leurs alliés laissent sur le terrain 65 200 hommes, contre 50 600 pour les Français.
À Gravelotte Saint-Privat par exemple, importante bataille livrée le 18 août à l’ouest de Metz, qui est pourtant une défaite française, si le vaincu perd 12 600 hommes, le vainqueur en perd 20 600 ! Si l’on tient compte du coût de la bataille de Sedan en septembre et d’engagements divers, l’envahisseur prussien perd 73 000 hommes en un mois.
Bilan des pertes sous le Gouvernement de la Défense nationale
La deuxième période est celle du Gouvernement de la Défense nationale, qui s’étend de la chute du Second Empire le 4 septembre 1870 jusqu’à l’armistice du 28 janvier 1871. Elle couvre deux théâtres d’opérations distincts : les combats autour de Paris et ceux menés en province.
Les combats autour de la capitale correspondent aux opérations menées par les armées de Paris pour tenter de forcer le blocus mis en place par l’envahisseur. Ceux menés en province sont le fait d’armées nouvelles mises sur pied par la Délégation de Tours (puis de Bordeaux) : armée de la Loire, armée de l’Est et armée du Nord sans compter diverses formations opérant d’une façon indépendante.
Sur cette période de quatre mois et trois semaines, les pertes allemandes se montent à 57 000 hommes. Inférieures à celles du mois d’août, elles sont en outre réparties sur cinq mois, ce qui les rend plus supportables. En revanche, les pertes françaises, nettement supérieures, s’élèvent à près de 80 000 hommes environ durant la même période.
Pour les seules opérations destinées à forcer le blocus de la capitale, les troupes allemandes perdent 12 109 hommes et les troupes françaises 28 450 hommes, soit plus du double. Ces chiffres, très précis, tiennent compte des pertes subies quotidiennement lors de reconnaissances et d’accrochages divers. Même si les troupes allemandes sont plus épargnées, ces pertes ne sont négligeables pour aucun des belligérants.
Des troupes prussiennes plus affûtées
Durant cette deuxième période, ces pertes, plus élevées chez les Français que chez les Prussiens, s’expliquent par la qualité des troupes, les conditions de vie en campagne, ainsi qu’aux dispositions médicales prises avant l’entrée en guerre.
Tout d’abord, alors que les Allemands continuent d’aligner jusqu’à la fin du conflit les mêmes unités que lors de l’entrée en guerre, troupes bien encadrées, bien armées et bien commandées, les nouvelles armées françaises mises sur pied n’ont plus rien à voir avec les armées impériales qui, elles, étaient de même valeur que celles de l’adversaire, comme le prouvent les pertes subies par l’envahisseur en août 1870.
À partir de courant septembre en effet, après la capitulation de l’armée de Châlons à Sedan et le blocus de l’armée du Rhin à Metz, le Gouvernement de la Défense nationale ne peut lui opposer que des troupes réunies à la hâte et provenant essentiellement de la garde nationale mobile, puis de la garde nationale mobilisée.
Ces troupes manquent de cohésion, sont encore peu aguerries, peu disciplinées et insuffisamment encadrées, bien qu’armées et équipées à peu près correctement. La différence ne pouvait que se faire sentir sur le champ de bataille.
Ensuite, en matière de vie en campagne, les Prussiens cantonnaient, c’est-à-dire logeaient chez l’habitant, et à ses dépens, alors que les Français bivouaquaient en rase campagne, et pas forcément sous la tente. L’hiver 1870-1871 ayant été particulièrement rigoureux, on imagine les conséquences sur les uns et les autres.
Enfin, les dispositions médicales se sont révélées plus efficaces chez les Prussiens que chez les Français. Peu avant la guerre, une épidémie de variole sévissait en France. Or, le vaccin antivariolique, qui existait déjà à l’époque, n’était relativement efficace qu’avec la pratique du rappel. Convaincus du fait, les Prussiens l’ont mis en œuvre, ce qui leur a valu bien moins de pertes dues à cette maladie que les Français, qui ne le pratiquaient pas.
Sur 8 500 hommes contaminés, les Prussiens n’en perdent que 450 (5 %), alors que les Français, sur 125 000 cas en perdent 23 500 (19 %). Par ailleurs, le corps des médecins militaires allemands était autonome, alors que celui des médecins français dépendait de l’Intendance militaire, ce qui le privait de toute initiative. D’où une plus grande efficacité du corps médical allemand.
Pour clore le sujet, il faut dire un mot sur les décès en captivité ou en internement, qui ne sont pas négligeables. D’après François Roth, on a avancé le chiffre de 17 000 décès dans les camps de prisonniers en Allemagne. En Suisse, il serait de l’ordre de 1 700 à avoir péri de maladie lors de l’internement de l’armée de l’Est, dite encore « armée de Bourbaki ». Beaucoup de ces décès sont dus à la variole.
En guise de conclusion, constatons que le coût élevé en vies humaines du conflit montre que, d’un côté, l’armée française s’est battue, non sans mérite et parfois avec succès, et que, de l’autre, les Prussiens et leurs alliés n’ont gagné la guerre qu’au prix fort.
Bibliographie
François Roth, La guerre de 70, Fayard, Paris, 2010,
Maréchal comte de Moltke, Mémoires du maréchal H. de Moltke, La guerre de 1870, Librairie H. Le Soudier, Paris, 1891.
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Gelbard (18-06-2018 21:50:38)
Le J.O. du 23 septembre 1870 relata l'entretien de Jules Favres avec Bismark. Ce dernier justifiait l'annexion des 3 départements en ces termes: "tôt ou tard nous serons de nouveau en guerre. Vous v... Lire la suite