22 août 1485

La guerre des Deux-Roses prend fin à Bosworth

Le 22 août 1485, le roi d'Angleterre Richard III trouve la mort à la bataille de Bosworth. Son vainqueur devient roi d'Angleterre sous le nom d'Henry VII Tudor. Ainsi prend fin la « guerre des Deux-Roses » qui a endeuillé l'Angleterre et saigné la noblesse pendant 30 ans, de 1455 à 1485.

Cette succession de guerres nobiliaires a été provoquée par l'épuisement du pays au terme de la guerre de Cent Ans et la folie du roi Henri VI. Elle a d'ailleurs quelque ressemblance avec les trois décennies de malheurs (1415-1453) provoquées en France par la folie du roi Charles VI, grand-père du roi anglais.

Comme ces guerres ont opposé la maison de Lancastre et la maison d'York dont les symboles respectifs étaient la rose rouge et la rose blanche, elles ont été appelées par le romancier Walter Scott, au XIXe siècle : « guerre des Deux-Roses » (Wars of the Roses). Auparavant, les chroniqueurs et historiens anglais les appelaient simplement « guerre des Cousins » (Cousins's War).

André Larané

John Talbot offre un livre à Marguerite d'Anjou et Henry VI de Lancastre (miniature du XVe siiècle, British Library)

Henri VI, de la guerre de Cent Ans à la guerre des Deux-Roses

L'Angleterre connaît une première crise dynastique en 1399, quand Richard II, petit-fils et successeur du roi Édouard III, est contraint d'abdiquer. Avec lui prend fin la dynastie des Plantagenêts, installée deux siècles et demi plus tôt. Son cousin et rival Henri Bolingbroke, duc de Lancastre, monte sur le trône sous le nom d'Henri IV et fonde la Maison ou dynastie des Lancastre.

Son fils Henri V profite des désordres civils en France pour débarquer sur le Continent. Ayant défait l'armée française à Azincourt, il épouse Catherine de Valois, la fille du roi Charles VI le Fou et, par le traité de Troyes, impose leur fils à naître comme héritier des deux couronnes de France et d'Angleterre. 

- Crépuscule des Lancastre :

Né en 1421, Henri VI de Lancastre est proclamé l'année suivante, à la mort de son père, roi d'Angleterre et de France. La régence est confiée à ses oncles Humphrey, duc de Gloucester, pour l'Angleterre, nommé « Protecteur du royaume », et Jean, duc de Bedford, pour la France.

Mais les succès de Jeanne d'Arc, la mort de Bedford, les imprudences de Gloucester, enfin la réconciliation franco-bourguignonne obligent les Anglais à quitter presque complètement la France.

Confronté à des révoltes de plus en plus nombreuses sur le sol anglais, le roi Henri VI, qui dirige lui-même son gouvernement depuis 1437, se réconcilie avec son homologue français, Charles VII. Il épouse en 1445 Marguerite d'Anjou, fille du roi René d'Anjou. Pieux et consciencieux, il fonde le collège d'Eton, près de Windsor, ainsi que King's College, à Cambridge.

- Folie du roi :

Son autorité se dégrade lorsqu'en 1449, le roi de France Charles VII reprend la guerre et reconquiert la Normandie en 1450. L'influent conseiller William de la Pole, premier duc de Suffolk, jugé responsable de la défaite, est condamné à l'exil mais son bateau ayant été arraisonné dans la Manche, il est aussitôt décapité le 2 mai 1450.

La perte de l'Aquitaine, en juillet 1453, n'arrange rien. Le mois suivant, le roi manifeste de premiers signes de folie, tout comme son grand-père maternel Charles VI le Fou. L'ironie du sort veut que naisse quelques mois plus tard, son fils et héritier tant attendu, le prince Édouard.

Sa femme Marguerite d'Anjou, manifestant une énergie peu commune, le supplée dans la direction du royaume. Elle neutralise le vieil oncle Gloucester mais doit bientôt faire face à la rébellion du duc Richard d'York...

- Rébellion de la Maison d'York :

Deux factions se font jour autour du roi très affaibli : d'une part celle qui soutient Henri VI, menée par le duc de Beaufort, d'autre part celle du duc Richard d'York, prétendant à la couronne, marié à Cecile Neville.

Henri VI et Richard descendent tous deux du roi Édouard III :
- Henri VI est, par son père, l'arrière-petit-fils de Jean de Gand, premier duc de Lancastre, troisième fils d'Édouard III.
- Richard d'York, aussi appelé Richard Plantagenêt, descend quant à lui par son père du quatrième fils d'Édouard III, Edmond de Langley, premier duc d'York. Sa mère Anne Mortimer descend elle-même de Jean d'Anvers, premier duc de Clarence et deuxième fils d'Édouard III. Autant dire que ses droits au trône ne sont pas négligeables.

Leur rivalité reproduit celle qui a mis aux prises les Lancastre au dernier des Plantagenêt, fils du Prince Noir, fils aîné d'Édouard III.

Une guerre à rebondissements

La guerre éclate pour de bon en 1455, peu après que les Anglais ont été chassés d'Aquitaine...

Dans un premier temps, Henri VI est battu et capturé à Saint-Albans le 22 mai 1455 par le duc Richard d'York et son allié, Richard Neville, comte de Warwick, arrière-petit-fils de Jean de Gand et neveu de Cecile Neville, épouse de Richard.

Contraint et forcé, il reconnaît Richard d'York pour héritier mais Marguerite ne l'entend pas ainsi. Elle mène ses troupes à la bataille. Le 30 décembre 1460, à Wakefield, elle vainc le duc Richard d'York et celui-ci trouve la mort au cours de la bataille. Sa tête coiffée d'une couronne de papier est exhibée aux portes d'York.

Là-dessus, Marguerite marche sur Londres. Elle vainc Warwick le 17 février 1461, à Saint-Albans où la guerre a commencé. Son mari lui est rendu mais elle ne peut entrer dans Londres, dont les habitants craignent sa vengeance.

- Premier rebondissement : avantage aux York (1461-1470)

Le fils aîné du défunt, Édouard d'York, reprend le flambeau de la révolte. Avec le soutien de Warwick, il écrase les troupes d'Henri VI à Townton, le 29 mars 1461, dans une tempête de neige. L'ex-roi et sa femme Marguerite se réfugient en Écosse.

Le vainqueur est couronné sous le nom d'Édouard IV, à Westminster, le 28 juin 1461, dans une atmosphère de liesse. Il a 18 ans, il est beau et avenant, plein de bonne volonté. « Les mots me manquent pour dire combien les gens du peuple l'aimèrent et l'adorèrent, comme s'il était leur dieu. Le royaume tout entier se mit en vacances pour l'événement », écrit un témoin italien du couronnement.

Tandis que Marguerite et ses enfants gagnent la France, l'ancien roi Henri VI tente de rassembler ses partisans et reprendre son trône mais il est capturé en juin 1465 et transféré à la Tour de Londres. La Maison d'York semble avoir déjà triomphé...

Édouard IV règne sous l'étroite surveillance de Warwick, de quatorze ans son aîné, doté du titre de chancelier. Mais il refuse sa suggestion d'épouser une belle-soeur de Louis XI et lui préfère Élisabeth Woodville, une veuve plus âgée (insatiable coureur de jupons, le roi avait un faible pour les femmes mûres). C'est le début de leur brouille.

Tandis que Warwick tente un rapprochement avec le roi de France Louis XI, le souverain lorgne du côté de son ennemi, le duc de Bourgogne Charles le Téméraire. Au printemps 1468, il lui donne en mariage sa propre soeur Marguerite d'York. C'en est trop pour le chancelier qui songe à mettre sur le trône un frère du roi, le frivole George, duc de Clarence. À Calais, en juillet 1469, George épouse la fille aînée de Warwick, Isabelle Neville.

Le 26 juillet 1469, cependant qu'Édouard IV est assiégé à Nottingham par les partisans de Warwick et Clarence, son armée de secours est battue à Banbury. Édouard se livre à Warwick mais celui-ci, devant l'opposition résolue du peuple, se voit obligé de le libérer. Par un spectaculaire retournement de situation, Édouard IV retrouve son trône cependant que Warwick et Clarence s'enfuient en France, auprès de Louis XI. 

- Deuxième rebondissement : bref avantage aux Lancastre (1470-1471)

Pressé par le roi de France, Warwick ne peut faire autrement que se réconcilier avec Marguerite d'Anjou. C'est chose faite le 22 juillet 1470 dans la cathédrale d'Angers. Là-dessus, il traverse à nouveau la Manche avec une armée, chasse Édouard IV de Londres et, le 3 octobre 1470, fait sortir Henri VI de sa prison et le rétablit sur le trône.

En témoignage de cette nouvelle alliance, le prince Édouard, encore en exil en France, épouse en décembre 1470 Anne Neville, fille cadette de Warwick, le « Faiseur de rois ». Éphémère triomphe...

- Troisième rebondissement : avantage aux York (1471-1483)

Avec l'aide de Charles le Téméraire, Édouard IV repasse à son tour la Manche et rentre à Londres, dont les habitants lui ouvrent les portes le 4 avril 1471. Là-dessus, il va à la rencontre de l'armée de Warwick, sur la route de Barnet. Le « Faiseur de rois » est tué au cours de la bataille, le 14 avril 1471, dimanche de Pâques.

Le même jour, mais trop tard, Marguerite débarque à son tour. Ses troupes sont défaites le 4 mai 1471 à Tewkesbury. Son fils le prince Édouard est tué dans la bataille. Elle-même est capturée et enfermée à la Tour de Londres, où séjourne déjà son époux Henri VI. Celui-ci est assassiné dans sa cellule le 21 mai 1471.

Le chroniqueur Henry Warkworth rapporte qu'à l'heure de sa mort se trouvait dans la Tour le duc Richard de Gloucester, frère cadet d'Édouard VI. De là la rumeur selon laquelle le futur Richard III aurait inspiré le crime. Toujours est-il qu'à l'automne 1471, ledit Richard, 19 ans, épouse Anne Neville, 16 ans, veuve du prince Édouard et riche héritière de son père Warwick. Il lui sera fidèle jusqu'à la mort.

Triomphant, Édouard IV pardonne à son frère Clarence, qu'il fera néanmoins mettre à mort le 18 février 1478. D'après la rumeur, le duc, grand buveur devant l'Éternel, aurait demandé à être noyé dans un tonneau de malvoisie.

En 1475, avec le duc de Bourgogne, le duc de Bretagne et le roi d'Aragon, il tente d'envahir la France et débarque sur le Continent avec pas moins de dix mille hommes. Mais, abandonné par ses alliés, il doit négocier avec Louis XI. Les deux souverains se rencontrent à Picquigny, le 29 août 1475, où ils signent une trêve de sept ans. Édouard IV obtient une généreuse pension et ses hommes se régalent de pâté de gibier et de bon vin aux frais de leur hôte avant de rembarquer, la panse pleine. 

Libéré de toute pression, il va rétablir la sécurité et une relative prospérité dans le royaume et passer le reste de son règne dans les plaisirs. Il mourra le 9 avril 1483, à 41 ans seulement.

- Quatrième et dernier rebondissement : victoire définitive des... Tudor (1483-1485)

Le nouveau souverain est un enfant de douze ans, Édouard V. Il est placé avec son frère cadet Richard sous la tutelle de leur oncle, le puissant duc Richard de Gloucester, doté du titre de Protecteur du royaume. Celui-ci craint pour sa propre vie du fait de l'hostilité de la reine Élisabeth Woodville et de sa puissante famille. Il déclare « les enfants d'Édouard » illégitimes et les fait enfermer dans la Tour de Londres. Le 6 juillet 1483, pendant leur sommeil, ils sont mis à mort.

Leur oncle se fait proclamer roi par le Parlement sous le nom de Richard III. Mais, abandonné par le peuple, il doit faire face au débarquement d'une armée conduite par Henri Tudor, héritier des Lancastre. Il est battu et tué à Bosworth deux ans plus tard. Son rival monte sur le trône sous le nom d'Henri VII Tudor.

Shakespeare, un dramaturge au service des Tudor

Richard III a inspiré à Shakespeare, un siècle plus tard, l'une de ses pièces les plus célèbres et les plus jouées avec cette formule prêtée au roi sur le champ de bataille de Bosworth : « Un cheval ! Mon royaume pour un cheval ! ».
La tragédie se déroule en cinq actes. Elle débute en 1471 avec la rencontre entre Gloucester (le futur Richard III) et Anne Neville et se poursuit avec le meurtre du roi Henri VI, le meurtre de Clarence, frère du roi Édouard IV, celui des enfants d'Édouard, enfin la bataille de Bosworth.
Shakespeare suggère que Gloucester est à l'origine de toutes ces morts violentes et qu'il a épousé Anne Neville sous la contrainte. Il fait de lui le prototype des tyrans sanguinaires et de son vainqueur Richmond, futur Henri VII Tudor, un homme aimable entre tous. Il est vrai qu'il écrit sous le règne d'Élisabeth Ière Tudor et se doit de complaire à la dynastie régnante. Sa tragédie Richard III a tous les aspects d'une oeuvre de propagande.

Bibliographie

Pour aller plus loin, on peut lire en français les ouvrages de Paul M. Kendall : Richard III (Fayard, 1979), Warwick, le Faiseur de rois (Fayard, 1981) et L'Angleterre au temps de la guerre des Deux-Roses (Fayard, 1984).

Publié ou mis à jour le : 2023-11-20 17:10:00

Voir les 4 commentaires sur cet article

Lucien ASSAILLIT (03-08-2020 09:55:40)

Bonjour, Marguerite d'Anjou, Reine d'Angleterre, Héroïne de la Guerre des Deux-Roses et la plus malheureuse des reines, des épouses et des mères finira sa vie le 25 août 1482 à 52 ans au ch... Lire la suite

Leolag (06-03-2013 20:21:23)

Je note deux fautes dans cet article :
- "Elle vainc Warwick le 17 février 1761"
- "Edouard VI" (Edouard IV en l'occurence)

Henry 67 (23-08-2012 09:27:30)

Une période, certe troublée, cette "Guerre des 2 Roses", mais tellement passionante ! C'est à travers le remarquable roman de R.L. Stevenson, la Flèche noire, que j'ai découvert ce pan... Lire la suite

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