Le 25 octobre 1415, la « fleur de la chevalerie française » est anéantie à Azincourt, au nord de la Somme, par les archers et les piétons du roi d'Angleterre, Henri V de Lancastre.
Le désastre d'Azincourt relance la guerre de Cent Ans après une embellie de 35 ans consécutive aux victoires de Charles V et de son connétable Bertrand Du Guesclin. S'ajoutant aux défaites de Crécy et Poitiers, Azincourt signe la mort de la chevalerie féodale.
Désastre français
Henri V, le vainqueur d'Azincourt, est le fils d'un usurpateur, Henri Bolingbroke, qui renversa, emprisonna et fit assassiner le roi Richard II. Énergique et ambitieux, le jeune roi (28 ans) profite de la folie du roi Charles VI et des querelles entre les membres du Conseil de Régence, Armagnacs et Bourguignons, pour dénoncer la trêve conclue en 1396 entre Richard II et Charles VI.
En août 1414, Henri V demande à Charles VI rien moins que la main de sa fille Catherine et la succession du trône de France ! Sa demande n'ayant pas abouti, et pour cause, Henri V débarque le 13 août 1415 près de Harfleur avec 1 400 navires, de l'artillerie et un total de 30 000 hommes.
Il s'empare de Harfleur après un difficile siège de cinq semaines, en expulse brutalement la population et laisse sur place une partie de son ost (« armée »).
Avec 15 000 hommes chargés de butin mais qui souffrent aussi de dysenterie à cause de l'abus de fruits de mer, le roi longe la côte et se dirige vers Calais en vue de s'y retrancher. Comme son armée est épuisée, il se propose d'attendre le printemps suivant pour reprendre l'offensive avec l'aide de son allié, le puissant duc de Bourgogne.
Entre temps, le roi de France a convoqué le ban et l'arrière-ban de son armée, selon la vieille coutume féodale. Les chevaliers français groupés autour de la faction des Armagnacs vont à sa rencontre pour lui couper la route. L'armée est placée sous le commandement du connétable d'Albret cependant que le roi et son fils, le Dauphin, restent à Rouen par prudence.
On note la défection du duc de Bourgogne Jean sans Peur, cousin et vassal du roi, qui a refusé de répondre à l'appel.
Les Français, qui ont l'avantage du nombre (50 000 combattants contre 15 000 !), refusent d'écouter les conseils du duc de Berry, oncle du roi. Après plusieurs jours de tergiversations, qui laissent aux Anglais le temps de reprendre des forces, ils décident d'attaquer ceux-ci en un lieu très étroit où il leur est impossible de se déployer.
Après une nuit passée sur le dos de leur monture faute de pouvoir dormir sur le sol détrempé par plusieurs jours de pluie, les chevaliers chargent au galop les lignes de pieux derrière lesquelles se sont solidement retranchés les archers anglais.
Ils ne daignent pas attendre la piétaille, en particulier les piqueurs et les arbalétriers gênois. Ils sont par ailleurs encombrés par des armures qui atteignent jusqu'à 20 kilos (beaucoup moins lourdes malgré tout que l'équipement de nos soldats du XXIe siècle...).
Leurs chevaux, eux-mêmes caparaçonnés de plaques de fer et de cuir bouilli, peinent à se déplacer. Comme à Crécy, ils ont par ailleurs le soleil dans les yeux, preuve que l'expérience ne leur a pas servi.
Dans la panique, face aux volées de flèches, beaucoup de chevaliers chutent de cheval. Les archers anglais lâchent leurs grands arcs et se ruent sur les chevaliers, les frappant de leurs épées et de leurs haches.
Les vainqueurs ont bientôt une telle foule de prisonniers (1 700 environ) que le roi Henri V, craignant une attaque de revers et sans doute pas mécontent d'en finir avec les Armagnacs, ordonne de les égorger ! Il ne se soucie pas de les garder vivants pour les échanger contre rançon selon l'ancienne coutume féodale (tout se perd !). 200 archers et coutiliers se chargent de la besogne. Seuls sont épargnés quelques grands seigneurs, dont le duc Charles d'Orléans.
Les pertes sont énormes du côté français (près de 10 000 hommes contre 1 600 du côté anglais). Elles font d'Azincourt l'une des batailles les plus meurtrières du Moyen Âge occidental.
Le connétable de France est mort au combat de même que le comte de Nevers, le duc de Brabant, le duc d'Alençon...
Le duc Charles d'Orléans (24 ans), neveu du roi Charles VI et chef des Armagnacs, fait prisonnier, n'est pas égorgé mais devra demeurer 25 ans en Angleterre où il cultivera la poésie.
En regardant vers le pays de France
Un jour m'advint, à Douvres sur la mer,
Qu'il me souvint de la douce plaisance
Que je soulais audit pays trouver;
La Normandie redevient anglaise
Fort de sa victoire inattendue à Azincourt, le roi d'Anglerre entreprend la conquête de la Normandie. Il s'empare d'abord de Caen : 25 000 habitants sur 40 000 choisissent de s'établir en Bretagne pour échapper à la loi anglaise ! Puis, le 20 novembre, la forteresse de Falaise, là même où est né Guillaume le Conquérant, tombe entre ses mains. Presque toute la basse-Normandie est désormais en son pouvoir.
En 1418, le roi met le siège devant Rouen, plus grande ville du royaume après Paris. La capitale de la Normandie dispose d'une forte garnison et même d'une centaine de canons. Sa milice bourgeoise est commandée par un chef déterminé, Alain Blanchard.
Après sept mois de siège, en décembre, les Rouennais poussent hors des murs 12 000 bouches inutiles (vieillards, enfants, femmes) en espérant que les Anglais auront pitié d'eux. Mais ces derniers les laissent mourir de froid et de faim dans les fossés de ceinture... Ainsi va la guerre. Les Rouennais doivent se rendre. Ils sont condamnés à payer 365 000 écus et à livrer trois chefs dont Alain Blanchard. Ce dernier, trop pauvre pour payer sa rançon, est pendu haut et court.
La résistance de Rouen témoigne de l'émergence d'un sentiment national mais il faudra attendre une décennie encore et l'arrivée de Jeanne d'Arc pour en mesurer l'importance...
Triomphe anglais
Fort de sa victoire, Henri V remet sur le tapis le projet d'épouser Catherine, fille du roi de France Charles VI le Fou et d'Isabeau de Bavière.
À Paris, cependant, le mécontentement gronde contre les gens du comte d'Armagnac qui font régner la terreur (comme, avant eux, les Bourguignons). Dans la nuit du 28 au 29 mai 1418, une violente émeute chasse les Armagnacs de Paris. Des milliers sont massacrés et le comte lui-même est découpé en rondelles.
Deux mois plus tard, le soir du 20 août, le bourreau Capeluche entraîne le petit peuple et une bande de va-nu-pieds à l'assaut de la Bastille (déjà !) et des maisons des Armagnacs. Tueries et pillages se prolongent toute la nuit. On compte plus de dix mille morts.
Le dauphin Charles, l'héritier légitime du trône, alors âgé de 15 ans, est réveillé en catastrophe par le prévôt de Paris, Tanneguy Duchâtel, qui le roule dans une couverture, le jette sur un cheval et l'entraîne hors de la ville en furie. Le prévôt l'emmène à Bourges, prospère capitale du duché de Berry que l'enfant a reçu en héritage de son grand-oncle le duc Jean.
Prenant le titre de régent, le jeune prince va poursuivre la lutte contre les Anglais à la tête de ce qui reste du parti armagnac. Paris n'en a cure et se soumet une nouvelle fois aux Bourguignons. C'est le triomphe de Jean sans Peur et de ses amis anglais.
Le duc de Bourgogne manoeuvre à sa guise le pitoyable roi de France, Charles VI le Fou, et sa femme, la reine Isabeau de Bavière. En même temps, inquiet de la pression des Anglais, il tente une réconciliation avec le dauphin Charles. Mais leur rencontre va virer au drame et à l'assassinat du duc.
La bataille d'Azincourt a inspiré deux siècles plus tard à Shakespeare le drame King Henry V (Henry V). Le dramaturge y exalte le courage et l'amour de la patrie :
KING HENRY.
This day is called the feast of Crispian :
He that outlives this day, and comes safe home,
Will stand a tip-toe when this day is named,
And rouse him at the name of Crispian.
He that shall see this day, and live old age,
Will yearly on the vigil feast his neighbours,
And say, To-morrow is Saint Crispian.
Then will he strip his sleeve, and show his scars,
And say, These wounds I had on Crispin's day.
Old men forget; yet all shall be forgot,
But he'll remember, with advantages,
What fears he did that day...
Once more unto the breach, dear friends, once more;
Or close the walt up with our English dead...
In peace, there's nothing so becomes a man,
As modest stillness, and humility :
But when the blast of war blows in our ears,
Then imitate the action of the tiger.
Traduction française :
Ce jour est appelé la fête de saint Crépin :
celui qui aura survécu à cette journée et sera rentré chez lui sain et sauf,
se redressera sur ses talons chaque fois qu’on parlera de ce jour,
et se grandira au seul nom de saint Crépin.
Celui qui aura vu cette journée et atteint un grand âge,
chaque année, à la veille de cette fête, traitera ses amis
et dira : C’est demain la Saint-Crépin !
Alors, il retroussera sa manche et montrera ses cicatrices.
Le vieillard oublie ; mais il aura tout oublié
qu’il se rappellera encore avec emphase
ses exploits dans cette journée.
Retournons, chers amis, retournons à la brèche,
ou comblons-la de nos cadavres anglais.
Dans la paix, rien ne sied à un homme
comme le calme modeste et l’humilité.
Mais quand la bourrasque de la guerre souffle à nos oreilles,
alors imitez l’action du tigre.
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pierre (25-10-2017 16:27:45)
Malgre tout il faut admirer aussi la resilience de la France : Poitiers, Crecy, Azincourt defaites sanglantes et pourtant qqs années apres surgit Jeanne d'Arc et plus tard la defaite anglaise et la p... Lire la suite
Magrou (10-12-2016 15:35:37)
Arrêtez avec les anglais et la perfide Albion! Ils nous ont fait beaucoup de mal inutilement par volonté de puissance ! Hitler n'aurait pas fait long feu avec sa maladie de Parkinson qui progressait... Lire la suite
Colette (06-11-2015 09:23:16)
Azincourt est affreux, la mémoire collective des Français semble hantée par nos défaites et par les victoires des Anglais, même aujourd'hui. Pourtant, impossible de ne pas admirer les Anglais, p... Lire la suite