Le 2 août 1913 est créée la direction régionale de la police judiciaire de Paris, plus communément appelée PJ. Son siège est fixé sur l'île de la Cité, au 36, quai des Orfèvres, un lieu devenu mythique par la grâce des cinéastes et des romanciers, tel Georges Simenon.
Les « Brigades du Tigre »
Instituée par un arrêté du préfet de police de Paris Célestin Hennion, la PJ est le point d'orgue de la vaste réorganisation des services de police entamée par le même personnage six ans plus tôt, en qualité de directeur de la sûreté générale du ministre de l'Intérieur Georges Clemenceau.
Il s'agit de lutter contre le crime et la délinquance, qui sévissent à grande échelle, tant dans les faubourgs que dans les campagnes.
Les citadins et les bourgeois de cette « Belle Époque » s'émeuvent de la violence des bandes organisées, tels les « Apaches » mis en scène par Jacques Becker dans son chef d'œuvre Casque d'Or. Les gens des campagnes, quant à eux, endurent en silence les méfaits des « travailleurs de la nuit » ou des « chauffeurs », qui agressent les personnes âgées et isolées, les torturent et leur brûlent les pieds afin de leur faire avouer la cache de leurs économies.
La gendarmerie et la police locales étaient impuissantes et trop mal équipées pour faire face à ces bandes. Sur le conseil de Célectin Hennion, Georges Clemenceau institue le 4 mars 1907 un contrôle général des services de recherches judiciaires sous le commandement du commissaire Jules Sébille, puis, le 30 décembre 1907, douze brigades régionales de police mobile chargées de combattre le crime organisé sur tout le territoire.
Constituées de commissaires et d'inspecteurs, équipées de voitures puissantes du dernier cri, en un temps où l'on ne stipendiait pas les services publics, ces brigades vont obtenir en une année des résultats probants avec l'arrestation de près de trois mille personnes dont 65 meurtriers.
Clemenceau y gagne le surnom de « Tigre » et ses brigades deviennent bien sûr les « Brigades du Tigre ».
La grande traque
La création de la Police judiciaire complète le processus et dote la France d’une « police chargée de seconder l’autorité judiciaire dans la répression des crimes et des délits ». C'est la plus grande réforme en matière de sécurité publique depuis l'institution de la lieutenance de police de Paris par Louis XIV, en 1667.
Après la Grande Guerre, la Police judiciaire multiplie les occasions de faire parler d'elle, de l'arrestation de Landru à la traque de Stavisky.
La multiplication de ses missions entraîne la création de brigades spécialisées. La brigade de voie publique, plus tard brigade de répression du banditisme (BRB), est créée en 1921. La crise économique et politique des années 1930 induit la brigade financière.
Sous l'Occupation, les brigades régionales deviennent des services régionaux de police judiciaire (SRPJ), nom qui est toujours le leur.
La terreur et la persécution des Juifs profitent à des gens sans scrupules tel le docteur Petiot, l'un des plus grands criminels en série de tous les temps, ne trouve son épilogue qu'à la Libération.
C’est sur la ligne 8 que le métro parisien connaît son premier meurtre, le 16 mai 1937 à 18h30. Laetitia Toureaux, une jeune ouvrière d’origine italienne, est seule dans le wagon. Le visage baissé sous son chapeau, elle semble assoupie lorsque soudain son corps s’écroule au sol. Un couteau Laguiole est planté dans sa nuque. Le coup a été porté avec une violence telle, que la lame, enfoncée jusqu’à la garde, a sectionné la moelle épinière.
Ce crime parfait, l’assassin semblant s’être volatilisé, demeurera longtemps inexpliqué. Le mobile suscitera de nombreuses interrogations tout au long de l’enquête, et même après. Les inspecteurs s’intéressent alors à la personnalité trouble de Laetitia Toureaux. Ouvrière modèle, des preuves concernant ses liens avec La Cagoule, organisation d’extrême-droite et son rôle d’agent de renseignement pour une agence de détective s’accumulent.
La police penche d'abord pour un règlement de comptes mais le mystère sera éclairci vingt-cinq ans plus tard grâce aux propres aveux du meurtrier, un médecin de Perpignan qui, en juin 1962, invoque dans une lettre la jalousie.
L'Âge d'or de la pègre
À la Libération émerge une pègre violente issue des milieux interlopes de la Collaboration. En 1946 sévit le gang dit des « Tractions avant » avec Pierre Loutrel, dit « Pierrot le Fou », Émile Buisson, « René la Canne », Jo Attia... Il multiplie les braquages aussi violents qu'audacieux. «Les Tractions avant, la police derrière», se moque la presse de l'époque.
Le premier de ces braquages est commis le 7 février 1946 contre une agence du Crédit Lyonnais. Mais en novembre de la même année, après le vol d’une bijouterie, « Pierrot le Fou » se blesse mortellement – dans la vessie - en remettant son arme à la ceinture. Enterré par ses complices sur une île de la Seine, près de Mantes, son cadavre ne sera découvert qu'en 1949.
En conséquence de quoi, une circulaire du 25 octobre 1949 porte création dans chaque service régional (SRPJ) d'un groupe de répression du banditisme plus spécialement chargé de lutter contre les malfaiteurs motorisés.
Sous la Ve République, une « brigade antigang », sous l'intitulé officiel de Brigade de recherche et d'intervention (BRI) est créée à Paris en 1964, avec, très vite, des antennes à Lyon, Nice et Marseille pour remédier au retour de la pègre. Voir Le juge Fayard, dit le shériff, un film d'Yves Boisset (1977), avec Patrick Dewaere.
Signe des temps, le fichier des « garnis » (hôtels) disparaît et la « Mondaine » laisse la place à la Brigade des stupéfiants et du proxénétisme en 1975. Et dans les années 1980, une section anti-terroriste voit le jour au sein de la Crim’. Pas de chômage en vue à la PJ.
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