1946-1958

Le bilan fécond de la IVe République

Fondée en 1946, à la suite de la Libération de la France, la IVe République demeure célèbre pour son instabilité gouvernementale (18 gouvernements de 1946 à 1958), ses ministères se succédant encore plus vite que sous la IIIe République (1870-1940).

Elle a néanmoins permis à la France de se redresser très vite et de se moderniser comme jamais auparavant (ni après)... Le même phénomène s'est observé dans l'Italie de l'après-guerre, avec un régime politique très semblable.

André Larané

La démocratie efficace

Paradoxalement, l'instabilité gouvernementale de la IVe République et le manque de charisme de ses dirigeants ont peut-être servi la modernisation du pays. C'est ce que suggère l'essayiste Jean-François Revel en 1992 dans une critique virulente de la Ve République gaullienne (L'Absolutisme inefficace).
La IVe République est un régime parlementaire dans lequel les députés imposent le chef de gouvernement (Président du Conseil) au président de la République. Or, les députés sont élus à la proportionnelle sur des listes départementales, ce qui contrarie l'émergence d'une majorité parlementaire stable. Qui plus est, le régime doit composer avec de solides minorités parlementaires qui lui sont hostiles par principe : à gauche le Parti Communiste, à droite les gaullistes du RPF (Rassemblement du Peuple Français).
En conséquence, chaque fois qu'ils ont à résoudre un problème, les députés modérés de la « troisième force » (socialistes, démocrates-chrétiens et centristes divers) constituent une coalition de circonstance et un gouvernement ad hoc. Ils les dissolvent une fois le problème résolu, parfois au bout de quelques mois seulement. D'un gouvernement à l'autre, ce sont généralement les mêmes personnalités qui se succèdent, à des postes identiques ou différents. Cette formule très flexible a fait ses preuves si l'on s'en tient aux résultats.

Un bilan honorable

Le 21 octobre 1945, quelques mois après la Libération, est élue une Assemblée constituante, dominée par le PCF (communistes), la SFIO (socialistes) et le MRP (chrétiens-démocrates). Elle soumet au pays un projet de Constitution à forte connotation marxiste. À la surprise générale, il est rejeté à une très forte majorité, le 5 mai 1946. Une deuxième assemblée est élue le 2 juin et son projet constitutionnel approuvé par référendum le 13 octobre 1946.

Deux semaines plus tard, le 27 octobre 1946, les institutions de la nouvelle République prennent la place du Gouvernement provisoire né à Alger le 2 juin 1944.

Charles de Gaulle, qui aurait souhaité un régime à dominante présidentielle plutôt que parlementaire, n'a pas attendu cette échéance. Il a quitté le gouvernement le 20 janvier 1946. Le 16 janvier 1947, un an après son départ, un collège électoral élit le premier président de la IVe République, Vincent Auriol (63 ans).

Dans un premier temps, le régime respecte le tripartisme. Les communistes, qui représentent plus d'un quart de l'électorat, participent aux gouvernements jusqu'au 4 mai 1947, date à laquelle ils en sont exclus, à l'initiative du socialiste Ramadier, pour cause de guerre froide

La Confédération Générale du Travail (CGT), centrale syndicale noyautée par le Parti communiste français, réagit au plan Marshall par une grève insurrectionnelle, en novembre 1947. Le ministre de l'Intérieur Jules Moch rappelle 800 000 réservistes pour y faire face ! On frôle la guerre civile. En 1948, la CGT doit admettre son échec. Dès lors, les communistes vont se joindre aux gaullistes pour déstabiliser le régime de toutes les façons possibles.

Antoine Pinay, Paris Match, n° 162, 19 avril 1952.Malgré cela, la France accomplit de rapides progrès dans les domaines social et industriel. Le « plan Monnet » de 1947 permet à l'industrie de dépasser de 25% les meilleurs niveaux de production d'avant-guerre dès 1953, avec des taux de croissance annuels de 5 à 7% (record européen). Le pays multiplie les prouesses : modernisation de l'agriculture, pont de Tancarville, paquebot France, avions Caravelle et Mystère IV, barrage de Donzère-Mondragon, création d'un Commissariat à l'énergie atomique à Saclay, réacteur de Marcoule, exploitation du gaz de Lacq, premier calculateur de Bull...

Jean Monnet (encore lui !) convainc le ministre Robert Schuman de lancer (avec l'Allemagne !) le 9 mai 1950, la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA).

Le 8 mars 1952, comme l'inflation menace la croissance économique, le président Vincent Auriol appelle à la tête du gouvernement un inconnu, Antoine Pinay, maire de Saint-Chamond (Loire).

En quelques mois, il rétablit la confiance des financiers et des consommateurs. Il fait notamment chuter les prix avec la complicité des grands magasins et lance un emprunt indexé sur l'or et défiscalisé, la rente 3,5%. Les souscriptions atteignent 428 milliards de francs !

Jean Monnet se console de l'échec de la Communauté européenne de défense avec le traité de Rome : le 25 mars 1957, six pays d'Europe occidentale dont la France signent ce traité qui fonde la CEE (Communauté économique européenne) à l'origine de l'actuelle Union européenne.

Pierre Mendès France après la signature des accords de Genève (21 juillet 1954)

Succès et échecs de la politique coloniale

Le 19 décembre 1946, le Tonkin s'est soulevé à l'appel du parti communiste vietnamien de Hô Chi Minh, inaugurant les guerres de libération coloniales. Le 29 mars 1947, une insurrection éclate aussi à Madagascar. Mais, brouillonne, elle est réprimée avec brutalité sur le champ. Après la chute du nazisme, un rideau de fer a coupé l'Europe en deux. La France choisit résolument le camp occidental pro-américain en adhérant le 27 juillet 1949 à l'OTAN. Elle se réconcilie aussi avec l'Allemagne (de l'ouest) en l'accueillant le 9 mai 1950, dans la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA), une initiative de Jean Monnet et Robert Schuman.

La guerre d'Indochine se termine le 7 mai 1954 avec la chute du camp retranché de Diên Bên Phu. La conférence de Genève sur l'Indochine et la Corée, ouverte le 26 avril 1954, se clôture trois mois plus tard par le retrait définitif de la France d'Indochine. Les négociations sont menées à leur terme par Pierre Mendès France, président du Conseil et ministre des affaires étrangères (radical-socialiste).

Encouragés par les événements d'Indochine, les indépendantistes algériens du FLN déclenchent le 1er novembre 1954 leur guerre d'indépendance. C'est la « Toussaint rouge ». Le 20 août 1955, ils fomentent des émeutes sanglantes à Philippeville. Dans le même temps, Paris accorde une pleine indépendance au Maroc le 2 mars 1956 et à la Tunisie le 20 mars 1956.

Lorsque le président égyptien Nasser, solidaire des indépendantistes algériens, nationalise le canal de Suez le 26 juillet 1956, Français et Britanniques organisent le 5 novembre 1956 une opération aéroportée sur Port-Saïd sous le prétexte de protéger le canal. Ils devront se retirer presque aussitôt sous la pression conjuguée des Soviétiques et des Américains.

Mais voilà qu'en Algérie, le FLN en vient à commettre des attentats contre les civils, au cœur d'Alger. Le gouvernement de Guy Mollet donne alors les pleins pouvoirs au général Massu et à ses parachutistes pour y mettre fin. Très vite, journaux et intellectuels dénoncent le recours à la torture.

Après avoir liquidé les dossiers indochinois, marocain et tunisien, la IVe République s'apprête à en terminer avec la guerre d'Algérie mais une coalition de circonstance réunissant les partisans du général de Gaulle et des « pieds-noirs » extrémistes ne lui en laisse pas le temps. Elle provoque son renversement à la faveur d'un vrai-faux coup d'Etat le 13 mai 1958. C'est ainsi que le 28 septembre 1958, les Français votent par référendum pour une nouvelle Constitution...


Publié ou mis à jour le : 2022-06-10 09:19:58
Guillaume_rc (11-01-2017 12:26:04)

Article très intéressant qui prend à contre-pied la doxa qui veut que la IV° ait été une catastrophe sous tous les plans. Alors que les progrès ont été nombreux. Un point me semble cependan... Lire la suite

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