Parce que les femmes restent trop souvent dans l’ombre, l'historien Jean Tulard et son épouse Marie-José ont entrepris de les mettre en lumière dans ce livre. Et pas n’importe lesquelles. Ce sont Les égéries de la Révolution (Robert Laffont, 2019, 20,50 €) que le couple présente dans une jolie galerie de trente-quatre portraits.
Pompadour, Montespan, Maintenon... Au temps de la monarchie française régnaient les favorites. Mais quand le peuple – femmes comprises - décida de couper la tête du roi, la place de la femme évolua.
Le terme d’« égéries », convient bien aux femmes de la période révolutionnaire. Il est courant d’affirmer qu’au XVIIIème siècle, les femmes étaient libres, du moins dans la haute société. Elles n'en étaient pas moins privées de droits politiques et en 1789, devaient encore se contenter de manœuvrer dans l’ombre.
Pour contourner cette injustice et prendre part à la vie de leur société, elles firent donc basculer l’Histoire à leur manière, en usant de leurs charmes, de leur pouvoir de séduction et de leur intelligence pour influencer les hommes politiques de leur temps. « Sensuelles ou cérébrales, elles pesèrent, par conviction, intérêt ou simple jeu, sur des décisions politiques qui engagèrent l’avenir du pays », écrivent Jean et Marie-José Tulard.
Beaucoup de ces héroïnes finissent sur l’échafaud et tombent dans l’oubli. « Séduire au risque d’en mourir » : c’est par cette formule que le couple Tulard résume l’engagement féminin dans la période Révolutionnaire.
Tout commence dans les salons
Le règne de Louis XVI marque le triomphe des « salons littéraires » ou « salons de conversation ». À Paris, on en compte plus d’une soixantaine.
Jean-Jacques Rousseau, qui fréquente ces salons et tient en estime ses hôtesses, ne se prive pas d’écrire dans Émile (1762) : « Toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce, voilà les devoirs d’une femme dans tous les temps, et ce qu’on doit leur apprendre dès leur enfance. »
Germaine de Staël (1766-1817) est la fille du banquier suisse Jacques Necker. Mariée à l'ambassadeur de Suède le baron de Staël (1849-1802), elle essaie d’avoir prise sur les événements, avant, pendant et après la Révolution. Favorable à une monarchie constitutionnelle, effrayée par la Terreur, elle condamne les démagogues qui poussent le peuple à la violence et veut croire à la liberté et à la tolérance. Femme douée et passionnée, elle se démène courageusement pour sauver ses amis de la prison ou de l’échafaud.
Ses romans Delphine, Corinne ou l’Italie, De l’Allemagne, font d’elle une figure du préromantisme. Ses essais politiques lui permettent d’exprimer ses convictions libérales et républicaines à partir de 1795. Contrainte à l'exil par le Premier Consul Bonaparte, elle anime un salon très influent à Coppet, dans le canton de Vaud, avec son amant, le romancier Benjamin Constant (1767-1830).
Les héroïnes de la Terreur
Normande de petite noblesse, âgé d’à peine 25 ans, Charlotte Corday sympathise avec les Girondins modérés. Petite-fille de Corneille, elle est célèbre pour avoir poignardé dans sa baignoire le tribun révolutionnaire Jean-Paul Marat le 13 juillet 1793...
Elle est guillotinée sur la place de la Révolution (aujourd’hui place de la Concorde) le 17 juillet 1793. Son geste la fait entrer dans l’Histoire, notamment comme une femme au caractère bien trempé. Lamartine la qualifiera plus tard d’ « Ange de l’assassinat ».
Mais l’action de Charlotte Corday n’a rien de féministe. Elle ne demande rien en tant que femme. Contrairement, par exemple, à Olympe de Gouges.