En historien familier des « people », Marc Fourny nous raconte dans Versailles confidentiel (2018, Vuibert, 19,90 euros) les coulisses de la vie à Versailles à travers les lettres de Mme de Sévigné ou de la Palatine, épouse de Monsieur, duc d’Orléans et frère de Louis XIV, ainsi que par les chansons populaires...
De Louis XIV et ses nombreuses amantes à Louis XVI longtemps inapte à combler son épouse, en passant par le « vice italien » (nom de l’époque pour l’homosexualité) faussement prêté à Louis XV, la vie privée des rois relève de la sphère publique. « Le lit du roi a un caractère à la fois politique et sacré », souligne l'auteur.
Le récit débute par la fête des « Plaisirs de l’île enchantée » en 1664, dans le parc de Versailles. Cette première des grandes fêtes de Versailles a été conçue par le roi pour son amante du moment, la jeune Louise de la Vallière, l’une des rares qui l’a sincèrement aimé.
Dans le château somptueux qu’il va ensuite édifier autour du pavillon de chasse de son père le roi installera toute sa cour à partir de 1682, lui imposant une étiquette très stricte, à la mesure de sa majesté !
Il n’empêche que le roi lui-même et ses successeurs ne se priveront pas de bafouer eux-mêmes cette étiquette chaque fois que leur bon plaisir le nécessitera.
Louis XIV introduit ainsi la future Mme de Maintenon dans son cercle intime alors qu’elle n’est encore que la veuve de l’écrivain libertin Scarron. Louis XV fait de même avec Jeanne Poisson, fille d’une famille de financiers, qui deviendra la marquise de Pompadour, puis avec une femme de petite vertu, Jeanne Bécu, future comtesse du Barry.
Plus grave, sur la fin de sa vie, Louis XV entretient de très jeunes filles dans une maison du Parc-aux-Cerfs, à côté du palais : « Les jeunes filles ne sont pas censées connaître l'identité de leur amant : on leur parle d'un grand seigneur à satisfaire, d'un prince polonais par exemple. Mais quand Louis XV demande à l'une d'entre elles si elle a une idée de qui il est, elle répond qu'elle l'a vu en portrait sur les écus de six francs. Pour la discrétion, on repassera ».
Les histoires d’amour des rois viennent ainsi alimenter et bouleverser la vie bien réglée de la cour.
Mais être l’amante du roi n’est pas qu’une question de sentiments. En parvenant à une position si proche du monarque, ces femmes acquièrent un réel pouvoir : titres, richesses, honneurs… pour elles comme pour leurs proches.
La place dans le coeur du roi se transforme même parfois en place politique, même si cela n’est jamais officiel. À propos de Mlle d’Étiolles, amante de Louis XV, Marc Fourny écrit : « elle ne règne pas mais elle devient en quelque sorte le secrétaire, le confident et le conseiller particulier du roi ».
Et la reine dans tout ça ? Comme on le sait, les mariages royaux servent avant tout à renforcer, voire à créer des alliances. C’est le cas pour Louis XIV, marié à sa cousine l’infante Marie-Thérèse, comme pour le futur Louis XVI, marié à l’archiduchesse Marie-Antoinette en vue de forger une alliance inédite avec l’Autriche.
Mais la relation intime des époux royaux a aussi une fonction politique : donner des garçons qui pourront assurer la suite de la dynastie.
Ainsi, l’absence de grossesse de Marie-Antoinette pendant sept ans importe au royaume mais aussi aux princes étrangers. Le manque d’héritier paralyse le royaume, et rend plus difficile toute réforme.
Pour Marc Fourny, « les problèmes intimes de Louis et de Marie-Antoinette sont aussi une des causes de la révolution ». Preuve s’il en est que les problèmes de cœur sont aussi au cœur du pouvoir... La légèreté de ce livre truffé d'anecdotes et l'agrément de la lecture n'excluent pas une réflexion de plus haut vol sur la « grande » Histoire.
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