Vers l'An Mil, en Europe occidentale, une nouvelle société émerge. Elle est fondée sur les liens personnels entre protecteurs (suzerains) et protégés (vassaux). C'est la féodalité.
Son code de l'honneur et son respect de la parole donnée imprègnent encore aujourd'hui notre société.
Aux alentours de l'An Mil, la plupart des terres sont entre les mains des seigneurs. Ils en exploitent directement une petite partie avec des serviteurs; c'est la réserve. Ils prélèvent aussi des droits sur les paysans qui cultivent le reste de leur seigneurie (l'ensemble des terres sur lesquelles ils ont autorité).
Ces paysans vivent misérablement. Certains sont libres. Ils peuvent acheter et vendre des terres, voire quitter leur village et s'installer ailleurs. Mais la plupart sont des serfs (une déformation du latin servus, qui signifie esclave).
Ils n'ont pas plus de droits civils que les esclaves de l'Antiquité mais ils sont attachés à leur terre et ne peuvent en être séparés. Ainsi, ils ont au moins l'assurance de ne jamais être complètement démunis !
Les seigneurs et leurs guerriers vivent dans des châteaux forts où la population des environs peut trouver refuge en cas d'attaque ennemie.
Ces châteaux, d'abord construits en bois puis en pierre, constituent des protections efficaces contre les ennemis. Ils limitent heureusement les dommages causés par les guerres et le brigandage.
A partir de l'An Mil, l'Église catholique, forte de son autorité morale, prêche aux guerriers la paix et la compassion.
Elle modère leurs excès en agitant la menace de sanctions comme l'excommunication, qui interdit au fautif de recevoir les sacrements religieux et le place hors de la communauté chrétienne.
Les évêques, sous un prétexte ou un autre, imposent fréquemment dans leur diocèse la «paix de Dieu», c'est-à-dire la suspension des guerres entre seigneurs.
L'Église transforme aussi les guerriers en «chevaliers».
Tout jeune candidat au métier des armes, assez riche pour posséder un cheval et une armure, doit recevoir l'investiture d'un parrain. Par cette investiture, ou adoubement, il est fait «chevalier».
Les chevaliers ont des obligations morales. Ils prêtent serment devant Dieu de défendre «la veuve et l'orphelin» et se soumettent à un code de l'honneur. Au fil du temps, les chevaliers vont constituer une élite d'où sortiront la plupart des nobles.
Enfin, l'Église s'introduit dans les relations entre seigneurs et vassaux. Elle apporte sa caution aux serments qu'ils se prêtent l'un à l'autre.
Quand un chevalier se met au service d'un seigneur, il lui rend hommage en plaçant ses mains dans les siennes. Le seigneur devient le suzerain de son vassal et lui doit aide et protection en échange de son service. C'est ainsi qu'il lui confie un fief (terre, moulin...) pour lui assurer l'aisance matérielle.
A partir de l'An Mil, ces hommages se généralisent et s'étendent vers le haut, jusqu'au roi, suzerain des principaux seigneurs de son royaume. Le roi lui-même peut se déclarer vassal du pape (cela arrive!).
Ainsi triomphe la féodalité, c'est-à-dire un ordre social fondé sur les liens d'homme à homme et le respect de certains codes moraux (et non pas comme dans l'Antiquité ou dans d'autres régions du monde sur l'obéissance à un chef tout-puissant).
Nous sommes encore imprégnés à notre insu par les codes moraux de la féodalité, notamment le code de l'honneur et le respect de la parole donnée.
Le retour à une paix relative améliore la vie dans les campagnes et favorise les déplacements et le commerce.
Les communautés paysannes et les seigneurs peuvent investir dans des travaux à long terme comme la construction d'un moulin, d'un pont, d'une route ou de canaux.
Les paysans vendent dans les foires les produits de la terre mais aussi les produits artisanaux qu'ils ont fabriqués pendant les soirées d'hiver.
Les lieux d'échanges et de commerce prennent de plus en plus d'importance: des artisans spécialisés et des commerçants s'y établissent. Ainsi naissent de nouvelles villes, industrieuses et jalouses de leur autonomie.
En échange d'une grosse somme d'argent, les bourgeois de ces villes obtiennent du seigneur du lieu le droit de se diriger comme ils l'entendent. Les plus riches marchands élisent alors un conseil qui gouverne la ville, organise sa défense et lève des impôts.
En Italie et en Flandre se développe une véritable industrie du tissage (fabrication de tissus en laine) et un commerce très actif. Les villes deviennent de véritables petites républiques indépendantes.
Il existe aussi des communautés pratiquement indépendantes dans les vallées montagnardes, notamment en Suisse, car aucun seigneur n'est en mesure d'y imposer sa loi.
Le servage disparaît peu à peu dans les campagnes européennes à mesure qu'augmente la prospérité générale. En effet, les seigneurs, quand ils ont de gros besoins d'argent pour un achat de luxe ou un voyage, rachètent les taxes qui pèsent sur les serfs. En échange d'une grosse somme d'argent, ils accordent à ces derniers un peu de liberté pour eux-mêmes et leur descendance.
A la paix s'ajoute un réchauffement du climat. Les récoltes deviennent plus abondantes. Mieux nourrie, la population augmente dans toute l'Europe occidentale (France, Italie, Angleterre, Allemagne, Belgique et Pays-Bas...).
En trois siècles, de l'An Mil à 1300, elle double à peu près, passant d'une quarantaine de millions d'habitants à 75 environ. En Angleterre, la population triple de... 1 à 3 millions d'habitants.
Les paysans et les seigneurs, chargés de famille nombreuse, ont besoin de nouvelles terres et défrichent les forêts profondes. Les moines sont les plus audacieux. A la recherche d'endroits isolés pour la prière et le recueillement, ils n'hésitent pas à fonder les nouveaux monastères au milieu de forêts hostiles.
Le manque de main d'oeuvre et la disparition des esclaves stimulent l'innovation technique.
La charrue remplace le soc et permet de labourer des sols lourds et glaiseux. Le collier d'épaule permet aux chevaux et aux boeufs de tirer de lourdes charges, y compris des charrues. Les moulins à eau et à vent se multiplient dans toutes les campagnes et fournissent une énergie indispensable pour moudre le grain ou fouler les tissus...
La Révolution industrielle à laquelle nous sommes redevables de notre confort matériel a commencé dans nos régions aux alentours de l'An Mil !
La foire du Lendit (déformation de : au jour dit !) naît au XIe siècle près de l'abbaye de Saint-Denis, au nord de Paris. Les marchands profitent du rassemblement populaire occasionné par l'exposition des reliques de la Passion, à la mi-juin.
Au XIIIe siècle, sous le règne de Saint Louis, elle connaît un développement important et se spécialise dans le commerce des parchemins, à l'usage des étudiants et des copistes... La guerre de Cent Ans, au siècle suivant, va entraîner sa disparition progressive.
Les sociétés européennes connaissent de violents soubresauts à partir de 1300 environ. Le refroidissement du climat, la surpopulation et l'absence de nouvelles terres à défricher entraînent le retour des famines et des disettes.
À cela s'ajoute en 1348 une épidémie de peste comme l'Europe n'en avait pas connue depuis près de mille ans ! Un tiers environ de la population meurt en quelques mois ou quelques années. De nombreux villages sont abandonnés ou voient leur population anéantie.
Au bout du compte, les survivants de ce terrible drame bénéficient d'une meilleure situation alimentaire. Les disettes reculent. Comme la main-d'oeuvre se fait rare, les artisans augmentent les salaires de leurs compagnons pour les retenir. Les seigneurs cèdent à leurs paysans de nouvelles libertés pour éviter qu'ils ne partent aussi...
Dans les cités marchandes d'Italie ou des bords du Rhin, le commerce et l'artisanat se développent de plus belle. Les marchandises et l'argent circulent. La bourgeoisie acquiert le goût des produits de luxe et des distractions artistiques.
Assistez à la gestation d'un nouveau monde aux alentours de l'An 1000 [récit]
Comment le roi Jean sans Terre en est venu à octroyer la Grande Charte à ses barons... [récit]
Découvrez comment de pauvres paysans des montagnes défient leur suzerain [récit]
Découvrez comment de prospères artisans des villes défient leur suzerain [récit]
- 877: capitulaire de Querzy-sur-Oise et naissance de la féodalité,
- 1215: Grande Charte de Jean sans Terre,
- 1348: Grande Peste, forte baisse de la population et début d'une vive agitation sociale et religieuse
- Lisez (en français) la Grande Charte accordée par le roi d'Angleterre à ses barons en 1215 [lecture ]
- Comment se définit la féodalité? [réponse]
- Qui a construit le premier château fort en pierre? [réponse]
- À quoi les Matines de Bruges doivent-elles leur nom? [réponse]
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