Du 16 octobre 2019, jour anniversaire de l'exécution de Marie-Antoinette, au 26 janvier 2020 se tient l'exposition Marie-Antoinette, métamorphoses d'une image à la Conciergerie, sur l'île de la Cité, au coeur de Paris et à deux pas de Notre-Dame.
Une expérience immersive car c’est dans ce lieu, transformé en prison sous la Révolution, que la reine a vécu ses 76 derniers jours avant d’être jugée et exécutée le 16 octobre 1793.
Le propos de l’exposition n’est pas de raconter la vie de la reine mais d’étudier l’évolution de son image, depuis son mariage avec le futur Louis XVI en 1770, jusqu’à nos jours.
Notons aussi d'émouvants documents relatifs à son procès (l'acte d'accusation, ses ultimes portraits par le peintre polonais Nicolas Kucharski, sa dernière lettre à sa belle-soeur Élisabeth (ci-contre) etc.
Cette exposition est aussi l'occasion de visiter le plus ancien bâtiment gothique de Paris, sur l'emplacement du palais de Clovis et des premiers rois capétiens, transformé en prison sous la Révolution.
Une tablette de réalité augmentée permet de suivre sur écran ces transformations spectaculaires...
La marginale devenue superstar
Fascinante et intrigante à la fois, Marie-Antoinette est l’un des personnages de l’Histoire les plus représentés de son vivant mais surtout après sa mort.
Chacun cherche à se l’approprier, à en faire « sa » reine.
Elle s’est imposée comme le symbole d’une féminité malmenée et condamnée au malheur.
Transposée à notre époque, Marie-Antoinette apparaît au cinéma et dans les arts comme une jeune femme moderne et émancipée. Véritable icône, elle occupe une place centrale dans la culture populaire.
Superstar du marketing, elle fait décoller les ventes et se retrouve au cinéma, dans la mode, la littérature, le manga, l’art contemporain, les publicités ou encore d’innombrables « objets dérivés » à son effigie.
Son nom sert en effet d’argument de vente à tout ce qui peut évoquer, de près ou de loin, le style raffiné de la fin du XVIIIème siècle.
Marie-Antoinette est un bon exemple de la nouvelle conception de la « célébrité » telle qu’elle se met en place entre la fin du XVIIIème siècle et le début du XIXème siècle.
Les récits qui la concernent se comptent par centaines et ses biographes (Alexandre Dumas, les frères Goncourt, Pierre de Nolhac, Stefan Zweig, Antonia Fraser) n'ont cessé de traquer sa psychologie.
Le mythe commence à se constituer dès le chemin qui la mène à la guillotine.
Ainsi attribue-t-on abusivement au peintre Jacques-Louis David, conventionnel régicide et auteur du Sacre de Napoléon, le célèbre croquis de la reine sur la charrette qui la mène au supplice. .
Icône de la mode
Fashionista avant l’heure, Marie-Antoinette porte un grand intérêt à ses toilettes qu’elle choisit avec soin. Cela lui vaut de ses contemporains le surnom de « ministre des Modes » !
Beaucoup la considèrent comme l’initiatrice de la haute couture.
À vingt-cinq ans, âge de la majorité sous l’Ancien Régime, elle se tourne vers le comble du chic : la simplicité. Elle affranchit son corps des contraintes imposées par les habits de cours en abandonnant les soies luxueuses au profit de mousselines des Indes.
Son amie Élisabeth Vigée-Lebrun réalise une trentaine de portraits qui ont donné lieu à de multiples copies, variations et reprises.
C’est d’ailleurs inspirée par l'artiste que la reine se met à porter le chapeau de paille. Marie-Antoinette impose son style, comme on dit aujourd’hui, avec raffinement, modernité et féminité. Sa chevelure fascine mais ses coiffures monumentales hérissent ses détracteurs par leur luxe excessif.
Pour cette raison, Marie-Antoinette est encore une source d’inspiration des plus grands créateurs qui s’amusent à faire allusion à cette reine de la mode dans leurs défilés.
Ces références se retrouvent parfois là où on ne les attend pas !
En 2017, la chanteuse de Rythm & Blues barbadienne Rihanna proposait une collection sportswear pour la marque Puma inspirée de Marie-Antoinette avec des couleurs et matières phares de l’aristocratie : dentelle et satin, rose poudré et blanc...
Et Rihanna n’est pas la seule chanteuse à s’intéresser à elle. La Reine de la pop Madonna s’y réfère aussi ! Elle s’est grimée en Marie-Antoinette pour interpréter son tube Vogue au MTV Video Music Awards en 1990.
Star de cinéma
Les cinéastes affectionnent tout particulièrement Marie-Antoinette. Sa complexité psychologique et les péripéties de son existence nourrissent leur inspiration et donnent lieu à des représentations cinématographiques aussi nombreuses que variées car chaque réalisateur se l’approprie et la dévoile sous un jour différent.
La fascination pour Marie-Antoinette tient de l’ambiguïté de son image, à la fois sainte et prostituée, martyre et pécheresse, mère et monstre.
Dès 1938, le cinéaste Jean Renoir réalise un film sur la Révolution (La Marseillaise) qui met en scène Lise Delamare dans le rôle d’une Marie-Antoinette farouchement liée à l’Autriche.
L’intérêt pour cette reine de France dépasse les frontières géographiques et le réalisateur américain W.S. Dyke réalise la même année un film sur les rapports amoureux entre Louis XVI et Marie-Antoinette.
Dans les années 1950, Sacha Guitry et Jean Delannoy s’emparent à leur tour de cette héroïne romanesque. Guitry attribue le rôle de la reine à sa cinquième et dernière épouse, Lana Marconi, qui crève l’écran dans Si Versailles m'était conté (1956).
Delannoy, contrairement à Renoir deux décennies auparavant, se montre bienveillant et témoigne sa compassion envers la reine, interprétée par Michèle Morgan, dans Marie-Antoinette, reine de France (1955).
Dans les années 1970, le succès de Marie-Antoinette s’exporte au Japon. Les jeunes Japonaises sont conquises par le manga La Rose de Versailles de Riyoko Ikeda en 1972.
Publié en un feuilleton de quatre-vingt-deux épisodes, ce manga a été repris et adapté maintes fois depuis, que ce soit dans d’autres bandes dessinées,chez Glénat, Casterman ou Dargaud, ou au cinéma, dans l’adaptation de Jacques Demy, Lady Oscar (1978).
Marqueur de l’intérêt international porté à la reine déchue, c’est un film franco-nippo-américain que réalise Sofia Coppola en 2006. Marie-Antoinette couvre la biographie de la reine d’avril 1770 (lorsqu’elle quitte Vienne) à la veille de la Révolution française.
C’est une vision très personnelle que propose la réalisatrice américaine, une queen espiègle à la sauce rock’n’roll. Après avoir consulté des historiens spécialistes de la reine et s’être notamment inspirée du livre de l’écrivaine anglaise Antonia Fraser, qui a fait un parallèle entre Marie-Antoinette et Lady Di pour présenter deux femmes animées par le refus de l’étiquette et le besoin de liberté, Sofia Coppola a choisi de créer un personnage bien loin de la réalité historique. Jean Tulard qualifiait ce film au journal Le Figaro en 2010 de « Versailles sauce Hollywood. »
C’est avec ce film que la sur-médiatisation mondiale de Marie-Antoinette devient la plus intense.
En 2012, le réalisateur français Benoît Jacquot s’intéresse lui à la monarchie française à l’aube de la Révolution dans Les Adieux à la reine avec l’actrice germano-américaine Diane Kruger qui interprète une Marie-Antoinette manipulatrice et sans état d’âme, qui entretient avec son amie la princesse de Polignac une relation homosexuelle tout à fait invraisemblable dans le contexte de l'époque.
En 2018 encore, le réalisateur français Pierre Schoeller choisit lui d’« invisibiliser » Marie-Antoinette pour faire la part belle au peuple dans la Révolution dans son film Un peuple et son roi.
En 2019 enfin, la chaîne Arte diffuse une excellente docu-fiction, Marie-Antoinette, ils ont jugé la reine, dans lequel la reine, même dans les moments les plus difficiles de sa vie, semble plus forte que jamais.
Deux siècles après sa mort, nous n'en avons pas fini avec Marie-Antoinette...
La Révolution française
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LAUDA (21-10-2019 18:25:43)
Bof. Du point de vue de ceux qui crevaient de faim après les événements climatiques du 13 juillet 1788 (qui expliquent en partie la prise de la Bastille un an et un jour plus tard) les sucreries d... Lire la suite