Ils ont jugé la reine

Les derniers jours de Marie-Antoinette

Le samedi 26 octobre, Arte diffuse à 20h55 une fiction-documentaire réalisée par Alain Brunard, Ils ont jugé la reine. Tiré d’un livre de l’historien Emmanuel de Waresquiel (Editions Tallandier), le film raconte la chronique des 76 derniers jours de Marie-Antoinette.

Méconnu de l’histoire de la Révolution, un procès de deux jours, aussi inutile que dramatique, vote sa décapitation incarnant ainsi la soif de vengeance et la violence du peuple, au début de la Terreur et en plein cœur d’une lutte de pouvoir entre révolutionnaires. Une part d’ombre dans notre difficile ascension vers l’égalité.

Charlotte Chaulin

Marie Antoinette séparée de sa famille au Temple, Jacques Augustin Pajou, 1818, coll. privée, DR.

Marie-Antoinette au cœur des enjeux de pouvoir

En voix off, Denis Podalydès (sociétaire de la Comédie-Française) apporte des éléments de contexte. L’équilibre entre la plongée dans les jours qui précèdent le procès, contés heure par heure, et la « Grande Histoire » contée par le comédien fonctionne très bien.

Marie-Antoinette au Temple, Sophie Prieur, 1793, Paris, musée Carnavalet. L'agrandissement montre Marie-Antoinette en grand deuil au Temple, Anne Flore Millet, Marquise De Brehan, d’après Alexandre Kucharski, 1794, Paris, musée Carnavalet.Le format fiction-documentaire permet de saisir la psychologie des personnages. L’ensemble du casting est de bon ton. Maud Wyler excelle dans le rôle de la reine déchue. « Tous les personnages, les événements et les documents qui apparaissent dans ce film sont attestés par les archives historiques de la Révolution. » Aucune liberté n’est prise par rapport à l’histoire.

Le film débute le 2 août 1793, lorsque Marie-Antoinette est transférée à la Conciergerie, surnommée « l’antichambre de la mort », sur l’île de la Cité, à Paris. Elle était jusqu’alors emprisonnée à la Tour du Temple avec les autres membres de la famille royale : son fils Charles, sa fille aînée Marie-Thérèse (surnommé « Charlotte ») et la sœur du roi, Elisabeth. Son mari, le roi Louis XVI, a été guillotiné le 21 janvier 1793 en place publique.

Ses enfants et ses biens lui sont arrachés. Le peuple réclame sa tête. Quatre ans après la prise de la Bastille, la Révolution chavire dans la violence. Le transfert de la reine veut calmer la haine du peuple. Mais l’emprisonnement ne suffit pas, le peuple veut un procès.

Marie-Antoinette devient dès lors un enjeu politique, une victime expiatoire, dans la bataille pour le pouvoir que se livrent les Révolutionnaires.

Marie-Antoinette quittant la Conciergerie, le 16 octobre 1793, William Hamilton (1751-1801) © Coll. Musée de la Révolution française. L'agrandissement montre le tableau de Georges Cain illustrant le même événement mais réalisé en 1885, Paris, musée Carnavalet.

Robespierre, président du Club des Jacobins, est arrivé au pouvoir par son extrémisme. Mais il est menacé par plus extrémiste que lui. Il veut que la Révolution élève les citoyens jusqu’à la vertu. Sa position vis-à-vis du procès de la reine est ambivalente. Il est rassuré que le peuple se concentre sur Marie-Antoinette plutôt que sur d’autres problèmes. Mais une fois la « veuve Capet » éliminée, quelle sera la prochaine obsession ? Il préfère donc se pencher sur la longue liste des opposants politiques.

Jacques-René Hébert (1757-1794) est le plus dangereux rival de Robespierre. Il parie sur la bassesse du peuple dont il aime attiser la violence avec son journal populiste et ordurier, le Père Duchesne. Il use de tous les moyens pour que le peuple déteste la « veuve Capet ».

Marie Antoinette à la Conciergerie, Oscar Rex, XIXe siècle. Tableau dépeigant Marie-Antoinette sous la garde permanente de ses geoliers.Antoine Fouquier-Tinville (1746-1795), président du Tribunal révolutionnaire, représente également une menace. Le procès de la reine lui apporterait gloire et pouvoir. Robespierre se méfie des ambitieux, surtout que si le procès est un succès, il sait qu’il n’en aura pas le mérite alors que, s’il échoue, c’est lui qui sera pointé du doigt.

Une caractéristique est commune aux Révolutionnaires : la volonté de nettoyer la société des héritages de l’Ancien Régime. Sous la Révolution, il est d’ailleurs interdit d’utiliser un titre de noblesse sauf en ajoutant « ci-devant » pour préciser que le titre existait avant la Révolution. Marie-Antoinette est donc appelée la « ci-devant Reine ». Mais l’idéologie révolutionnaire est propre à chacun et les rivalités entre ses adhérents sont nombreuses, exacerbées par le cas de la « veuve Capet. »

La reine déchue est sous haute surveillance. Le Comité de Salut public décrète que deux gendarmes doivent rester en permanence avec elle dans sa cellule. Nuit et jour sous le regard de deux hommes, elle est humiliée.

Procès de Marie-Antoinette le 15 octobre 1793, dessin de Pierre Bouillon, Paris, musée Carnavalet, 1793. Hébert est représenté assis au premier plan, devant l'accusateur public Fouquier-Tinville. L'agrandissement montre l'exécution de Marie-Antoinette le 16 octobre 1793, Vizille, Musée de la Révolution française. Henri Sanson brandit la tête de Marie-Antoinette à la foule.

Le complot de l’œillet

Alors que Marie-Antoinette souffre terriblement et secrètement d’un cancer de l’utérus dans sa cellule, la Révolution se renforce. La loi des suspects est votée. Si un individu ne peut pas présenter de certificat de bonne citoyenneté, il est emprisonné. Une armée républicaine, composée exclusivement de sans-culottes, est créée pour aider la justice.

Des milliers d’opposants sont arrêtés et le pouvoir du Tribunal révolutionnaire décuplé. La Convention vote finalement le procès de la « putain couronnée » comme la surnomme Hébert.

Alexandre Gonsse de Rougeville (1761-1814). L'agrandissement montre la couverture de l'ouvrage d'Alexandre Dumas, Le chevalier de Maison-Rouge, Paris, impr. De la Vve Dondey-Dupré, 1846, 112 p. Archives départementales du Pas-de-Calais, DR. Après trois tentatives d’évasion qui se sont soldés par un échec au Temple, un nouveau complot visant à faire évader la reine est fomentée par Jean-Baptiste Michonis (1735-1794) et le chevalier Alexandre Gonsse de Rougeville (1761-1814), dont Alexandre Dumas fera son chevalier de la Maison-Rouge.

Les deux hommes entrent en contact avec la reine le 28 août 1793. En s’inclinant devant la reine, Rougeville fait tomber deux œillets. Des messages sont enroulés dans les pétales. La reine, qui les récupère discrètement, y lit ces mots « J’ai des hommes et de l’argent. » Elle répond qu’elle est prête à leur faire confiance.

L’évasion est prévue dans la nuit du 2 au 3 septembre. Tout a été calculé avec soin. De faux gendarmes l’escortent mais leur sortie est empêchée par un vrai garde qui les arrêtent.

C’était la dernière chance pour la reine de sauver sa tête. Elle est dépouillée de tout et sa cellule n’est plus qu’une salle vide.

Rougeville échappe à la traque de Fouquier mais sera fusillé pour trahison sous l’Empire de Napoléon. Michonis est lui guillotiné en juin 1794.

Le dernier matin de Marie-Antoinette, Louis Baader, XIXe siècle, Rennes, musée des Beaux-Arts. L'agrandissement dépeint l'exécution de Marie-Antoinette d'Autriche, reine de France, le 16 octobre 1793, Vizille, Musée de la Révolution française. Henri Sanson brandit la tête de Marie-Antoinette d'Autriche à la foule.

Du procès à la décapitation

Des pétitions affluent de toute la France, tout le monde veut la mort de Marie-Antoinette. Les Français veulent l’appeler « la veuve raccourcie ».

De son côté, la reine reste digne et ne craint pas la mort. « Jamais ils n’oseront m’exécuter, jamais. » pense-t-elle. Elle croit obtenir le soutien de son pays d’origine, l’Autriche, qui l’a offerte à la France 23 ans plus tôt pour sceller une alliance. Mais l’Autriche à plus à gagner dans un guerre de conquête avec la République. La procès peut commencer...

Marie-Antoinette au Tribunal révolutionnaire, gravure d’Alphonse François d’après Paul Delaroche, 1857, Washington, Library of Congress. L'agrandissement montre l'acte de condamnation à mort de Marie-Antoinette par le Tribunal révolutionnaire, Archives nationales.Il s’ouvre le 14 octobre 1793. Quinze jurés vont juger la reine. Ils ne sont évidemment pas choisis au hasard. Ce sont tous des proches de Robespierre, Fouquier ou Hébert. Les Révolutionnaires veulent faire croire que le procès est juste et impartial mais en réalité il n’en est rien.  

Ces hommes qui s’apprêtent à la juger n’auraient jamais pu l’approcher dans cet autre monde qu’ils ont mis à terre.

Plusieurs chefs d’accusation visent Marie-Antoinette. Elle aurait dilapidé les fortunes de la France et entretenu des relations avec les ennemis de la République. Pendant deux jours, elle se bat avec force et dignité. Même lorsqu’elle apprend que son fils l’accuse d’attouchements sexuels.

Elle apparaît comme une battante, une femme forte prête à tout pour s’en sortir mais son sort est scellé. Il l’était déjà avant le procès. La peine capitale est votée.

C’est la conscience tranquille, se jugeant innocente, qu’elle monte sur l’échafaud le 16 octobre 1793, à 11 heures. Sa dernière lettre est destinée à sa sœur Elisabeth, elle la conclue par « Pensez toujours à moi ». Elle ne savait pas que le monde entier continuerait de penser à elle pendant plus de deux siècles, créant un véritable mythe autour de sa personne.

Les défenseurs de Marie-Antoinette sont arrêtés mais le tourbillon infernal de la Terreur emporte tout le monde sur son passage. La majorité des jurés qui ont voté la mort par décapitation de Marie-Antoinette trouve la mort peu de temps après le procès. L’opinion publique est versatile...

Le procès de Marie-Antoinette n’est que le premier de la longue et sanglante liste des procès politiques de la Terreur. Hébert est guillotiné cinq mois après le procès avec ses partisans. Robespierre est guillotiné le 28 juillet 1794, victime lui-aussi de la Terreur qu’il a pourtant mis en place.

La Révolution a dévoré ses enfants. Un Directoire est alors mis en place mais c’est un gouvernement qui ne gouverne pas. Il est à la merci du premier homme fort venu. Un certain Napoléon Bonaparte...

Publié ou mis à jour le : 2019-10-18 16:01:51

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