14 juin 2017 : Nos patriotes, film de Gabriel Le Bomin, raconte l’histoire d’Addi Bâ, engagé volontaire dans un bataillon de tirailleurs sénégalais pendant la Seconde Guerre mondiale. Échappé d’un camp de prisonniers, il intègre un réseau de résistance et tue un soldat allemand, d’où une répression brutale sur les habitants de la région.
L’histoire est inspirée par la biographie romancée de l’écrivain guinéen Tierno Monénembo, Le terroriste noir (Le Seuil 2012). Elle a été couronnée par de nombreux prix mais le film qu’en a tiré Gabriel Le Bomin ne restera pas quant à lui dans les annales du cinéma : scénario réducteur ; poncifs à la pelle : institutrice secourable, noir séducteur mais victime d’un racisme primaire, héros qui refuse de parler sous la torture…
Le film a toutefois le mérite de rappeler l’épopée des tirailleurs sénégalais qui combattirent loyalement sous les couleurs de l’armée française pendant un siècle. Cette épopée fait aussi l’objet en ce moment d’une exposition itinérante : « Les tirailleurs sénégalais avant, pendant et après la Première guerre mondiale » ;
L’apport des tirailleurs sénégalais
Les bataillons de tirailleurs sénégalais furent créés en 1857 par Faidherbe, gouverneur du Sénégal d’où leur nom. Le terme désigne plus généralement les troupes coloniales venues de l’ensemble de l’Afrique noire.
Elles ont participé à la conquête et à la pacification de Madagascar (1895-1905), à la campagne du Maroc (1908-1914), sous les ordres du colonel puis général Mangin auteur de l’ouvrage La Force Noire (1910) qui préconisait de faire appel aux valeureux soldats des colonies pour contrebalancer la puissance de l’Allemagne.
Au cours de la Première Guerre mondiale, ce sont environ 200 000 « tirailleurs sénégalais » qui participèrent au combat en France, les uns volontaires, d’autres recrutés de force, et une grande partie venus en 1918 grâce à l’action persuasive de Blaise Diagne, premier député africain de l’Assemblée Nationale. Plus de 12% y trouvèrent la mort notamment au Chemin des Dames et beaucoup revinrent dans leur pays blessés, malades ou invalides.
Le tirailleur sénégalais dans l’imaginaire français
Leurs combats ont modifié le regard ironique, méfiant et parfois racialiste que portaient les Français avant le conflit sur les Africains. Ils ont été chaleureusement applaudis lors des fêtes de la Victoire, leur bravoure, leur fidélité et leur gentillesse ont été reconnues alors que l’Allemagne déclenchait contre eux la campagne raciste de « La Honte noire ».
Plusieurs ont aussi trouvé dans la fraternité des combats des raisons de faire progresser leurs revendications d’égalité et de mettre en question la conception paternaliste d’une Afrique que les blancs doivent conduire vers le progrès et qui s’exprimera dans la campagne publicitaire « Y a bon Banania » ou dans Tintin au Congo.
En marche vers l'oubli
Pendant la Seconde Guerre mondiale, environ 170 000 Africains participent aux combats pendant la bataille de France puis à Bir-Hakeim ou après le débarquement de Provence.
Beaucoup y ont perdu la vie, parfois massacrés par vengeance par les Allemands ou faits prisonniers. À la demande des Américains, des opérations de « blanchiment » ont lieu à la fin de la guerre, les tirailleurs étant renvoyés dans leurs pays et remplacés par des combattants FFI.
Certains démobilisés mal traités et mal payés se révoltent. Il s’ensuit une répression féroce le 1er décembre 1944 à Thiaroye (70 morts et de nombreux blessés). Elle reste pour nombre d’Africains une tache sur l’honneur de la France.
On retrouve des tirailleurs sénégalais aux côtés des troupes métropolitaines dans les guerres coloniales menées en Indochine et en Algérie comme dans la répression du soulèvement populaire à Madagascar. Les régiments de tirailleurs sénégalais ont été supprimés au moment des indépendances africaines.
Quelques références
. Myron Echenberg : les tirailleurs sénégalais en Afrique Occidentale française (1857-1960), Karthala 2009.
. Samuel Mbajum : les combattants africains dits « Tirailleurs Sénégalais au secours de la France (1857-1945) Riveneuve éditions 2013
. Marc Michel : les Africains et la Grande Guerre (Karthala 2003 réédition 2014)
. Exposition itinérante La Caravane de la Mémoire « les tirailleurs sénégalais avant, pendant et après la Première Guerre mondiale » : réalisée par Solidarité Internationale et labellisée par la commission du centenaire, elle est visible en 2017 à Plombières-les-Bains, Bapaume, Compiègne, Cenon…
Renseignements : tél : 09 65 32 98 35 et 06 20 30 35 06.
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Jacquet (11-07-2017 11:42:11)
Je n'ai pas le souvenir d'unités de Tirailleurs Sénégalais opérant en Algérie.Pour moi ,elles furent dissoutes en 1954.