150 ans après sa mort, le 8 mars 1869, Hector Berlioz est un compositeur célèbre dans le monde entier. Il a obtenu un triomphe précoce avec la Symphonie fantastique en 1830, à Paris, mais a eu ensuite beaucoup de mal à percer dans son propre pays…
Berlioz est le plus grand de nos compositeurs romantiques et l’un des plus célèbres compositeurs français. Personnage historique, il a figuré sur le dernier billet de 10 francs et le gouvernement français songe enfin à le faire entrer au Panthéon où il serait le premier musicien à être admis.
Pourtant, de son vivant, sa musique n’a pas toujours été appréciée par les Français, tant par le public que par ses confrères et les critiques, lui-même critique de métier ayant eu la dent assez dure envers ses contemporains. Étonnamment, il a bénéficié à l’étranger d’un bien meilleur accueil.
Voici ci-dessus un extrait du Requiem de Berlioz enregistré à Bordeaux le 15 décembre 2012, avec une symphonie dirigée par l’une des rares femmes chef d’orchestre de France, Éliane Lavail.
Un compositeur surtout joué à l’étranger
Hector Berlioz n’a presque pas pratiqué d’instruments, excepté la guitare et le flageolet mais avait le sens inné des grandes masses orchestrales ce que l’on retrouve dans plusieurs de ses œuvres grandiloquentes. Son requiem, dont le vrai nom est Grande Messe des morts, est l’œuvre qui demande l’effectif le plus pléthorique, 400 musiciens et chanteurs (voir ci-dessus).
Ses autres œuvres religieuses, comme le Te Deum, ou de circonstance, telle que la Symphonie funèbre et triomphale, exigent aussi de nombreux interprètes.
Ses opéras sont difficiles à monter. Les Troyens, œuvre en cinq actes, dure plus de 5 heures et nécessite des prima dona différentes pour les deux parties. La Damnation de Faust est plus une cantate dramatique qu’un véritable opéra.
Quant à Benvenuto Cellini, c’est aussi une œuvre inaboutie et difficile à monter. Il faut dire que se piquant de littérature, Berlioz écrivait lui-même une partie des livrets de ses opéras ou de ses oratorios et que la dramaturgie s’en ressent.
Ses œuvres symphoniques ont connu une meilleure réussite. Tout le monde connaît sa Symphonie Fantastique, mais aussi, parfois sans le savoir, sa prodigieuse Ouverture du Carnaval Romain, la merveilleuse musique avec un grand solo d’alto d’Harold en Italie, d’après Lord Byron ou ses superbes Nuits d’été sur des poèmes de Théophile Gautier.
Même si les Français revendiquent maintenant haut et fort son appartenance à notre patrimoine musical, Berlioz est beaucoup plus apprécié des Anglais qui le programment encore abondamment. Les grands chefs d’orchestre britanniques l’ont souvent joué : Sir Colin Davis, Sir John-Elliot Gardiner…ont beaucoup contribué à sa redécouverte.
Plus que de sa musique, Berlioz a surtout vécu de sa plume. En plus de ses livrets, il a en effet beaucoup écrit. Il était critique musical pour de nombreux journaux et a entretenu une abondante correspondance avec nombre de gens célèbres ainsi qu’avec ses épouses successives. Il a aussi rédigé un Grand traité d’instrumentation, publié en 1843, qui fait encore autorité et des Mémoires parues après sa mort.
Un jeune ambitieux à la conquête de Paris
Venant des Alpes (Dauphiné), comme l’indique bien son patronyme se terminant par oz, Hector Berlioz est né à La Côte-Saint-André (Isère) le 11 décembre 1803, d’un père médecin, et aurait dû continuer dans cette voie.
Il a donc reçu une solide éducation et obtenu son baccalauréat à Grenoble en mars 1821. Logiquement, il entre à l’École de Médecine à Paris mais sa préférence va vers la musique. Il travaille auprès de Reicha et surtout de Lesueur au Conservatoire de musique.
Ses parents lui ayant coupé en partie les vivres, il subvient à ses besoins grâce à l’aide de ses amis, de leçons auprès de quelques élèves et de sa participation au chœur du Théâtre des Nouveautés. Surtout il écrit des articles pour des journaux, ce qui assurera plus tard l’essentiel de ses revenus.
En 1826, il se présente pour la première fois au Prix de Rome. Il échouera à obtenir le Grand Prix quatre fois de suite et ce n’est qu’à la cinquième tentative, en 1830, qu’il le recevra pour sa cantate La mort de Sardanapale, qui rappelle le chef-d’œuvre pictural de Delacroix, présenté dix ans plus tôt. La cantate sera peu jouée mais resservira dans d’autres œuvres.
Avant de partir pour la villa Médicis, il compose la Symphonie fantastique... en vue de séduire l'actrice Harriet Smithson ! Le 5 décembre 1830, soit six ans après la Neuvième Symphonie de Beethoven, l’oeuvre est créée à la société des concerts du Conservatoire de Paris. Le succès dépasse ses espérances auprès du public (comme auprès de son actrice).
En 1839, le compositeur créera aussi dans la même salle de concerts Roméo et Juliette, une symphonie dramatique d’après Shakespeare. La salle existe toujours, dans la rue du Conservatoire (9e arrondissement). Elle n’a guère changé depuis Berlioz mais elle est rarement ouverte au public.
Sa Grande Messe des morts est créée à l’église des Invalides en 1837 et, en 1840, il dirige lui-même en grand uniforme et armé d’un sabre la Grande Symphonie funèbre et triomphale place de la Bastille, au pied de la colonne de Juillet, pour célébrer les dix ans de la révolution de 1830, les « Trois Glorieuses ». Cherchant toujours à être bien en vue des puissants, il compose une décennie plus tard son Te Deum en l’honneur du nouvel empereur des Français, Napoléon III.
Mais Berlioz est profondément affecté par l'indifférence qui accueille en 1846 la Damnation de Faust. « La France, au point de vue musical, n'est qu'un pays de crétins et de gredins ; il faudrait être diablement chauvin pour ne pas le reconnaître », écrit-il dans une lettre à Joseph d'Ortigue le 15 mars 1848.
Couvert de dettes, il entame de nombreux voyages à l’étranger où sa musique est plus appréciée qu’en France et part d’abord pour la Russie où il est très bien reçu, puis pour l’Angleterre avec moins de succès. Dans les années 1850, son ami Liszt popularise sa musique en Allemagne où ses opéras reçoivent un bon accueil, ce qui poussera Berlioz à poursuivre dans le grand opéra avec Les Troyens en 1858.
Errances sentimentales
Si la vie professionnelle du compositeur a connu de grand succès et quelques revers, sa vie conjugale a été quant à elle une série d’échecs. Il s’est entiché d’actrices ou de chanteuses pas toujours recommandables. Notamment l'actrice anglaise Harriet Smithson pour qui il a eu un coup de foudre alors qu'elle interprétait les personnages shakespeariens d'Ophélie et de Juliette en 1827.
Après avoir essayé de la séduire par correspondance, le compositeur a cherché à la conquérir par sa musique en créant pour elle la fameuse Symphonie fantastique ! On peut y voir une véritable autobiographie autant qu’une déclaration d'amour. Il épousera sa dulcinée en 1833 à Paris, à l’ambassade de Grande-Bretagne, avec Franz Liszt parmi les témoins. Mais le ménage étant mal assorti, ils se sépareront en 1844 et elle mourra en 1854.
Dès 1842, Berlioz file un nouveau grand amour avec la cantatrice Marie Recio avec qui il se remariera 12 ans plus tard.
Son père meurt la même année, en 1854, lui laissant un héritage qui améliore ses finances. Il crée encore une sorte d’oratorio en trois parties l’Enfance du Christ en 1864, un opéra-comique féérique d’après Shakespeare, Béatrice et Bénédicte, en 1862. Il termine la seconde partie des Troyens créés au Théâtre Lyrique à Paris en 1863.
Son épouse, qui l'assiste aussi dans son travail, meurt le 13 juin 1862, à 48 ans. Lui-même la rejoint dans la mort quelques années plus tard, le 8 mars 1869. Il repose depuis lors au cimetière parisien de Montmartre.
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