Pendant plus d'une douzaine d'années, de 1955 à son assassinat en 1968, ce pasteur noir d'Atlanta a lutté contre la ségrégation raciale pratiquée dans le sud des États-Unis par des actions non-violentes conformes à l'enseignement du Mahatma Gandhi...
Chaque année, le troisième lundi de janvier, les habitants des États-Unis commémorent le jour de Martin Luther King junior, qui est né à Atlanta (Géorgie) le 15 janvier 1929. Cet anniversaire est l'occasion de rappeler son action en faveur de l'émancipation des noirs et sa mort tragique.
Un apôtre de la non-violence
Issu d'une famille honorable d'Atlanta, Martin Luther King suit les traces de son père, pasteur baptiste de l'église Ebenezer.
Pendant ses études à Boston, il rencontre une étudiante, Coretta, qui devient sa femme en 1953 et lui donnera quatre enfants. C'est en 1953 aussi qu'il devient pasteur baptiste à Montgomery (Alabama).
La célébrité lui vient deux ans plus tard, quand une couturière noire de 42 ans, Rosa Parks, secrétaire de l'Association pour la Promotion des Personnes de Couleur (National Association for the Advancement of Colored People, NAACP), refuse de céder sa place à un blanc, le 1er décembre 1955.
Le pasteur est porté à la tête du mouvement de protestation. S'inspirant des actions non-violentes conduites par Gandhi aux Indes contre le colonisateur britannique, il organise un boycott de la compagnie d'autobus de la ville, coupable de tolérer la ségrégation dans ses véhicules.
Les noirs de Montgomery choisissent jour après jour de marcher plutôt que de prendre l'autobus. Cela dure un an. Privée de recettes, la compagnie doit rendre les armes et met fin à la ségrégation dans ses autobus. L'affaire prend une ampleur nationale et la Cour constitutionnelle déclare la ségrégation dans les bus inconstitutionnelle !
Martin Luther King prend alors la tête du Mouvement pour les droits civiques et, en 1957, fonde la Southern Christian Leadership Conference (SCLC, Conférence des dirigeants chrétiens du Sud) qui va jouer un rôle moteur au sein du Mouvement.
Il vient aussi en appui des étudiants du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC) qui ont du mal à faire avancer leurs revendications à Albany (Georgie), face à l'habileté du sheriff local, Pritchett, lequel évite avec soin toute provocation et procède à des arrestations sans violence.
Martin Luther King recueille plus de succès à Birmingham (Alabama), au printemps 1963, avec des actions non-violentes telles que des sit-in destinés à briser la ségrégation dans les restaurants et les cafés. Il est lui-même arrêté le 13 avril 1963 et relâché une semaine plus tard sur une intervention du président John Fitzgerald Kennedy.
Le 2 mai 1963, le gouverneur George Wallace fait réprimer des manifestations avec la plus extrême violence, en employant même des chiens policiers contre des enfants. L'émotion est immense d'autant que le 11 mai suivant, Martin Luther King échappe à un attentat à la bombe. Les débordements redoublent au point que l'attorney general (le ministre de la Justice) Robert Kennedy dépêche la Garde nationale sur place.
Le pasteur baptiste, désormais célèbre dans le pays entier et plus seulement dans le Sud, triomphe le 28 août 1963 à l'occasion de la Marche sur Washington. Devant 250 000 sympathisants, sur les marches du Mémorial Lincoln de la capitale fédérale, il prononce alors son plus fameux discours : « I have a dream... » (« Je fais un rêve... »).
Extraits :
- « I have a dream that one day little black boys and black girls will be able to join hands with little white boys and white girls as sisters and brothers... »
« Je fais un rêve qu'un jour, les petits enfants noirs et les petits enfants blancs pourront se prendre par la main comme le font les frères et sœurs ».
- « When the architects of our republic wrote the magnificent words of the Constitution and the Declaration of Independence, they were signing a promissory note to which every American was to fall heir. This note was a promise that all men, yes, black men as well as white men, would be guaranteed to the inalienable rights of life liberty and the pursuit of happiness. »
« Quand les architectes de la république américaine écrivirent les textes magnifiques de la Constitution et de la Déclaration d’Indépendance, ils signèrent un billet à ordre que chaque Américain allait retrouver dans son héritage. C’était la promesse que chacun – oui, les Noirs tout autant que les Blancs – serait assuré de son droit inaliénable à la vie, à la liberté et à la quête du bonheur. ».
La violence toujours recommencée
Mais la haine a bientôt raison de la non-violence. Le dimanche 15 septembre 1963, une bombe déposée dans une église de Birmingham par des nostalgiques du Ku Klux Klan tue quatre fillettes. J. Edgar Hoover, patron tout-puissant du FBI (la police fédérale), animé par un anticommunisme viscéral et le mépris des Noirs, fait espionner King et son entourage. Il tente de démontrer ses liens avec les communistes. Il tente aussi de le déstabiliser en accumulant les preuves de ses innombrables infidélités conjugales.
Peu après l'assassinat du président Kennedy, de premières émeutes éclatent dans les ghettos noirs. Il devient urgent d'agir. Le nouveau président, Lindon Baines Johnson, bien que n'ayant aucune empathie pour le pasteur noir, signe en sa présence, le 2 juillet 1964, la loi sur les droits civiques qui met fin à toute forme de ségrégation (Civil Rights Act).
Le 14 octobre 1964, Martin Luther King, accompagné de son épouse Coretta, reçoit à Oslo le Prix Nobel de la paix. Fort de cette consécration, il s'engage dans un dernier combat non-violent en vue de mettre un terme aux obstacles administratifs qui empêchent les noirs d'exercer leur droit de vote, en particulier dans les États du Sud (questionnaire scolaire, taxe, parrainage...). Il centre son action sur la petite ville de Selma, dans l'Alabama, le fief du gouverneur raciste George Wallace.
Après plusieurs incidents violents et meurtriers, notamment lors du « Bloody Sunday » (dimanche sanglant, 7 mars 1965), la troisième marche, le 25 mars 1965, fait basculer l'opinion publique américaine et convainc le président de signer le 6 août 1965 le Voting Rights Acts.
Mais le Mouvement pour les droits civiques est de plus en plus contesté et concurrencé par des mouvements qui prônent la violence, comme les Black Muslims (Musulmans noirs), dont le chef, Malcolm X, a été assassiné le 21 février 1965.
Année après année, les violences rythment désormais la marche des noirs vers l'émancipation civique. Après Watts, faubourg de Los Angeles, les 11-17 août 1965 (34 morts), voici que flambent les ghettos de Chicago, en juillet 1966, puis de Detroit et Newark, en juillet 1967.
Une mort chargée d'espoir
C'est dans cette atmosphère de tension que le pasteur est assassiné à Memphis. Son meurtrier disparaît dans la nature mais se dénoncera près d'un an plus tard. C'est un repris de justice blanc, James Earl Ray. Il sera condamné à la prison à vie.
Sitôt connue la mort du pasteur, les ghettos noirs d'une centaine de villes américaines sombrent dans des émeutes d'une extrême violence. Émeutes et incendies affectent même la capitale fédérale, jusqu'à 200 mètres de la Maison Blanche. 75 000 gardes nationaux sont déployés dans les rues.
Cet Holy Week Uprising (« Soulèvement de la Semaine Sainte ») fait un total de 39 morts et des dégâts comme les États-Unis n'en ont pas connu depuis la guerre de Sécession.
Le pasteur est cependant inhumé à Atlanta dans un grand recueillement, au milieu de près de cent mille personnes, y compris bien entendu toutes les sommités du pays.
Aux Jeux Olympiques de Mexico, qui suivent le drame de quelques mois, des champions noirs américains lèvent le poing sur le podium et tournent le dos à la bannière étoilée. La même année, des professeurs admettent le principe de développer la place des noirs et des minorités dans l'enseignement de l'histoire. C'est le début du mouvement PC (« politically correct »).
La décennie qui suit est marquée par un profond bouleversement des esprits et une crise morale sans précédent. Les tensions raciales s'apaisent peu à peu. En ce début du XXIe siècle, l'intégration des noirs (« african-americans »), qui représentent un dixième de la population américaine, ne soulève plus guère d'opposition même si ce groupe reste handicapé par un grand retard économique et social.
Les États-Unis
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Marguerite (30-08-2013 16:50:28)
J.J.Rousseau disait que parce qu'il n'était pas programmé,l'Homme était libre et qu'il avait la faculté de se perfectionner. Comment croire à la perfectibilité quand il faut la violence pour ab... Lire la suite
elisabeth drye (28-08-2013 22:35:25)
Magnifique discours, magnifique personnage, quelle leçon ! Merci à Hérodote de m'avoir permis d'entendre son discours tout au long. Je n'en connaissais que des bribes.