La couleur de la victoire

Un monde en noir et blanc

27 juillet 2016 : Race (titre français : La couleur de la victoire) est un film germano-canadien réalisé par un Australien né en Jamaïque, Stephen Hopkins.

Il raconte les exploits de Jesse Owens, l'athlète afro-américain qui a bouleversé les Jeux Olympiques de Berlin en 1936, il y a tout juste 80 ans.

DemainLe film se laisse voir. La technique est correcte, même si les stades en images de synthèse ne font pas illusion, et l'on suit sans trop d'ennui pendant deux heures les aventures sportives et intimes de l'athlète noir et de son entraîneur à l'Université de l'Ohio (Cleveland). Mais il faut oublier de suite le contexte historique et la prétention moralisante du film.

Passons sur l'absence criante de ressemblance entre les acteurs et leurs personnages, à part peut-être pour l'actrice qui incarne la cinéaste Leni Riefenstahl. Celle-ci reçut de Hitler mission de filmer les Jeux de Berlin et en tira un film-culte, Olympia (Les dieux du stade). Le plus ridicule est assurément l'interprète de Josef Goebbels, dont on se demande en regardant le film comment il a pu mystifier des dizaines de millions d'hommes.

En sortant de la projection, on se prend à rêver de ce qu'aurait produit Steven Spielberg avec un tel sujet. Hélas, loin de la subtilité du Pont des espions ou de Lincoln, nous avons ici un film manichéen qui aligne les poncifs et les anachronismes. Gageons que les scénaristes ont puisé leurs informations sur wikipedia et facebook bien plus que sur les bancs de l'école ou dans les livres.

Le scénario pèche par la confusion de plusieurs histoires : d'abord les relations entre Jesse Owens et son entraîneur, une demi-fiction sur laquelle nous n'avons rien à dire, ensuite la question noire aux États-Unis, à peine ébauchée alors que le film se déroule pendant la période la plus dure de la ségrégation, enfin le débat sur le boycott éventuel des Jeux du fait de la politique antisémite de Hitler.

Il entretient la confusion entre antisémitisme nazi et racisme anti-noir.

Dans les faits, c'est seulement l'antisémitisme réactivé par les lois de Nuremberg de septembre 1935 qui a suscité débat aux États-Unis, plus spécialement à New York, plus grande ville juive du monde.

Les sportifs noirs tels Eulace Peacock, Jesse Owens et Ralph Metcalfe étaient quant à eux très désireux de concourir. Ils avaient le soutien des médias afro-américains qui pensaient que leurs médailles seraient un camouflet aux théories nazies tout comme aux pratiques ségrégationnistes américaines (lois dites « Jim Crow »).

18 noirs (16 hommes et deux femmes) se déplacèrent en définitive à Berlin, soit trois fois qu'aux Jeux de Los Angeles de 1932. Contrairement à leurs espoirs, leurs médailles n'ont rien apporté à leur retour à la cause noire. Triste réalité que n'aborde pas le film.

La couleur de la victoire présente par ailleurs une caricature de l'Allemagne en 1935-1936.

Les deux fois où des Américains se hasardent dans les rues de Berlin, ils tombent nez à nez avec une rafle de pauvres gens (des Juifs ?). Un peu comme si chaque fois qu'un Américain débarquait en France en 2016, il tombait sur un fou à la kalachnikov !

Enfin, on n'échappe pas à la rumeur postérieure selon laquelle Hitler aurait quitté la tribune pour ne pas avoir à saluer Owens.

La conclusion qui s'en dégage : si les nazis avaient été aussi stupides que ceux montrés dans le film, on se demande comment ils auraient pu entraîner le monde dans le cataclysme. De pareils films n'aident pas le grand public à comprendre les ressorts de l'Histoire et moins encore à aborder la complexité de l'actualité, avec ses rumeurs et ses mensonges.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2023-04-04 18:03:40

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