Le Code Hays

Trente ans d’autocensure hollywoodienne

Blasphème, sexe, violence, homosexualité, toxicomanie ou encore prostitution sont des thèmes souvent traités par le cinéma aujourd’hui. Mais pendant plus de trente ans, ils furent formellement interdits. C’est l’industrie américaine du cinéma qui a mis en place le code Hays en 1934. Dans un contexte où les scandales font rage à Hollywood, le but est de décourager les tentatives de censure officielle. 

Si le code Hays donne du fil à retordre aux cinéastes, ces derniers ne vont pas manquer d’inventivité pour le contourner ! Paradoxalement, cette censure a alors permis au cinéma américain de conserver, voire d’accroître, son indépendance et sa créativité.

Charlotte Chaulin

Cary Grant et Eva-Marie Saint dans La mort aux trousses (1959) d' Alfred Hitchcock. Le code Hays interdit les baisers de plus de trente secondes.

Des scandales à l’origine de la censure

C’est dans un climat de liberté, dans la France de la Belle Époque d’abord, que le cinéma fait son apparition à la toute fin du XIXème siècle. Les Américains veulent très tôt poser des règles et plusieurs États mettent en place des bureaux de censure. Ainsi, un film peut être autorisé dans un État du nord mais interdit de projection dans le sud. Un film censuré, c’est une grosse perte financière. Pour éviter de compromettre son indépendance, et son économie, l’industrie du film fonde alors son propre organisme d’autorégulation en 1916, la National Association of the Motion Picture Industry (NAMPI).

Dans les années 1920, au moment où le cinéma est élevé au rang de « septième art » par le critique franco-italien Ricciotto Canudo, le voilà entaché par des événements qui se trament en coulisse. Des scandales éclatent à Hollywood. Érigée au milieu de nulle part sur les hauteurs de Los Angeles, la cité du cinéma se révèle aussi excentrique dans ses productions à l’écran que derrière l’écran de fumée que dissipe la presse.

En pleine prohibition, on apprend que le petit milieu du cinéma se croit au-dessus des lois. Ces privilégiés s’occupent comme ils peuvent : sexe, prostitution, jeux d’argent. Alcool et drogues à gogo circulent sur les plateaux de tournage.

William Hays (1879-1954) président de la Motion Picture Producers and Distributors of America. En agrandissement : une salle de cinéma à New York en 1917.En septembre 1921, les studios ne parviennent pas à étouffer l’affaire Arbuckle, qui choque profondément le pays. L’acteur comique Roscoe Arbuckle est accusé d’avoir violé et tué une jeune comédienne, Virginia Rappe, au cours d’une orgie à San Fransisco. La star adulée du grand public devient aux yeux de tous un monstre sanguinaire. 

C’est le scandale de trop pour l’Amérique puritaine qui entend faire le procès de l’industrie du cinéma, perçue comme lieu de débauche. Bien que le pays soit à majorité protestant, ce sont les puissantes ligues catholiques qui mettent la pression sur Hollywood. À la messe, une fois le sermon terminé, on jure de ne pas aller voir les films boudés par l’Église.

En 1922, la NAMPI est remplacée par la Motion Pictures Producers and Distributors Association (qui deviendra en 1945 la Motion Picture Association of America et défend aujourd’hui encore les intérêts des six plus grands studios hollywoodiens).

L’association est présidée par l’avocat presbytérien et républicain William Hays qui réfléchit à un code de bonne conduite. Le texte du code qui porte son nom est rédigé en 1929 par deux catholiques Martin Quigley (1890-1964), éditeur catholique, et Daniel A. Lord (1888-1965), prêtre jésuite. Tout le monde devrait s’y retrouver : les catholiques et tous ceux que le cinéma et ses nombreux scandales pouvaient choquer mais aussi l’industrie du film qui conserve son indépendance en étant à l’origine de sa propre censure. 

Il faut attendre 1934 pour que le code soit réellement appliqué. Durant cet intervalle de quatre ans, émerge le « précode ». Les cinéastes outrepassent leurs libertés et s’adaptent à leur nouveau public, que la Grande Dépression a transformé. Ils racontent des parcours de gangsters ou de femmes déchues qui usent de leur charme pour s’élever socialement, auxquels le public s’identifie facilement.

Ils montrent à l’écran de la violence et du sexe. Parfois les deux en même temps. « C'est un pistolet que tu as dans ta poche ? Ou c'est juste que tu es content de me voir ? » demande Mae West en se collant à son partenaire dans Lady Louen 1933. 

Le code Hays n’est finalement que très peu appliqué. Il faut attendre l’arrivée du très catholique Joseph Breen à la tête de la Commission de censure en 1934 pour qu'il soit respecté. 

Les cinéastes obligés de ruser

Évidemment, même si l’industrie du film se protège habilement avec ce système d’autocensure, les cinéastes rouspètent. Certains se plient à la règle, comme le réalisateur de Tarzan s’évade (1936), Richard Thorpe, qui fait enfiler une robe à la comédienne Maureen O’Sullivan, interprète de Jane, jusqu’alors en bikini léopard.

D’autres comptent bien écrire et réaliser leurs œuvres comme ils les conçoivent, ou du moins s’en rapprocher au maximum. Alors pour cela, il faut ruser ! 

Le meilleur d’entre eux, c’est Alfred Hitchcock. Maître du suspense, il est aussi le maître dans l’art d’éviter la censure. Dans Les Enchaînés (1946), il parvient même à filmer l’une des scènes de baiser les plus sensuelles du cinéma. Comment procède-t-il alors que le code Hays interdit toute scène de plus de trois secondes ? Avec le chronomètre en main tout simplement. Le baiser langoureux d'Ingrid Bergman et Cary Grant est entrecoupé de dialogues, ce qui permet de respecter ainsi le code et d'offrir finalement aux spectateurs un baiser de près de trois minutes !

Publié ou mis à jour le : 2020-12-11 16:00:44

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