Robespierre (1758 - 1794)

L'Incorruptible

Le 31 mars 1790, Maximilien de Robespierre est élu président du Club des Jacobins. C'est ainsi que le futur « dictateur » sort de l'anonymat des 1139 députés de l'Assemblée Constituante.

Sous la Convention, après la chute de la royauté, il va donner toute sa mesure comme chef de file de la Montagne (la gauche républicaine) et président du Comité de Salut public (le gouvernement révolutionnaire). Sa carrière sera brève et fulgurante, sujette à maintes controverses encore brûlantes...

Fabienne Manière

Portrait de Maximilien Robespierre par Adélaïde Labille-Guiard, exposé au Salon de 1791 (collection privée)

Un jeune homme solitaire

Maximilien de Robespierre, Arras, 1783 (Louis Léopold Boilly, palais des beaux-arts de Lille)Le jeune avocat d'Arras (31 ans) a eu jusque-là une vie très effacée. Fils d'un avocat d'Arras, qui appartient à la petite noblesse de robe, il a perdu très tôt ses parents et a été élevé par son grand-père maternel, un brasseur d'Arras, prospère et pieux.

Garçon solitaire au sourire rare, il effectue des études au collège des Oratoriens d'Arras avant que l'évêque d'Arras ne l'envoie compléter son instruction au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Parmi ses condisciples du lycée parisien figure Camille Desmoulins. Élève brillant, Robespierre est choisi pour prononcer un éloge du roi Louis XVI, un jour où celui-ci passe devant le lycée.

À 21 ans, au terme de ses études, il devient avocat comme l'était son père et vivote à Arras avec sa soeur Charlotte. Séduit par les écrits sentimentaux de Rousseau, introverti, studieux, il ne fréquente pas de femme et n'a guère d'amis. Il n'en est pas moins élégant jusqu'à la manie.

Au tribunal de l'Église, où il plaide, il se signale une fois par la défense du paratonnerre de Benjamin Franklin ! Quelques maladresses affectent le déroulement de sa carrière... C'est alors que surviennent les élections aux états généraux, en 1789.

Sa vie bascule...

Un orateur passionné

Maximilien Robespierre en costume de député du tiers_état (auteur anonyme)Élu député du tiers état d'Arras, Robespierre témoigne d'emblée de son empathie pour le peuple en revendiquant un suffrage universel et non plus censitaire. Il se montre discret à l'assemblée mais assidu à un café de Versailles fréquenté par des députés bretons et auquel on donnera le nom de club breton.

À l'automne 1789, le roi et l'Assemblée se transportent à Paris. Le club breton s'installe de son côté dans le couvent désaffecté des Jacobins (c'est aujourd'hui un immeuble commercial au milieu de la place du marché Saint-Honoré). Robespierre prend pension dans une modeste chambre chez le menuisier Duplay, rue Saint-Honoré, se vouant tout entier à la Révolution.

Tandis qu'à la tribune de l'Assemblée, Robespierre suscite des ricanements avec sa voix éraillée et son emphase, il va donner toute sa mesure au club des Jacobins (ex-club breton). Ce haut lieu de l'agitation révolutionnaire est fréquenté par les députés comme par les artisans de la ville, les « sans-culottes », qui sont séduits par les discours passionnels et abstraits, au demeurant bien préparés, de Robespierre.

Le club des Jacobins (gravure révolutionnaire)

Le tribun du peuple

Son flair politique lui permet de suivre le courant révolutionnaire et d'exprimer les passions populaires tout en évitant de s'égarer dans les extrêmes. Son détachement des plaisirs terrestres refroidit les opposants et lui vaut le qualificatif d'« incorruptible défenseur du peuple ».

Maximilien de Robespierre (Paris, musée Carnavalet)Le rousseauisme de Robespierre se retrouve dans son idéalisme et par exemple son engagement contre la peine de mort : « Je viens prier non les dieux, mais les législateurs, qui doivent être les organes et les interprètes des lois éternelles que la Divinité a dictées aux hommes, d'effacer du code des Français les lois de sang qui commandent des meurtres juridiques, et que repoussent leurs mœurs et leur constitution nouvelle. Je veux leur prouver, 1° que la peine de mort est essentiellement injuste ; 2° qu'elle n'est pas la plus réprimante des peines, et qu'elle multiplie les crimes beaucoup plus qu'elle ne les prévient... » (discours du 30 mai 1791 devant l'Assemblée Constituante).

Absent de la plupart des journées révolutionnaires, le tribun les théorise à merveille. Il participe toutefois à l'insurrection du Champ-de-Mars du 17 juillet 1791, au cours de laquelle des républicains demandent la déposition du roi, coupable d'avoir tenté de s'enfuir.

Il s'ensuit une scission au club des Jacobins. Barnave et la majorité des députés s'en retirent et se replient dans le couvent des Feuillants où ils vont animer un club modéré, partisan du maintien de la monarchie constitutionnelle. Le club des Jacobins, animé par Robespierre, conserve toutefois la faveur des sans-culottes et essaime avec succès dans tout le royaume.

Robespierre à la tribune (dessin de S. Lesueur, musée Carnavalet, Paris)L'Assemblée constituante n'en poursuit pas moins ses travaux et avant qu'elle se sépare, Robespierre suggère à ses collègues députés qu'il soit interdit à tous de se représenter dans la nouvelle Assemblée législative, le 1er octobre 1791. Cette suggestion lui est inspirée par la méfiance que lui inspire l'assemblée issue des 1états généraux, où dominent aristocrates et ecclésiastiques. Mais elle va avoir de très graves conséquences sur la nouvelle assemblée...

Au printemps de l'année suivante, en réponse à l'arrogante déclaration de Pillnitz du 27 août 1791, par laquelle les souverains européens exigeaient le rétablissement de Louis XVI dans la plénitude de ses droits, chacun en appelle à la guerre. Le roi parce qu'il espère une défaite de la Révolution et les Jacobins par désir de porter les droits de l'Homme au-delà des frontières ! Leur chef de file, Brissot, arrive même à placer ses partisans, les Brissotins (ou Girondins) au gouvernement !

Isolé, Robespierre est l'un des rares à appréhender la guerre. « Personne n'aime les missionnaires armés » rappelle-t-il fort justement à la tribune le 2 janvier 1792. « Domptons d'abord nos ennemis du dedans et ensuite nous marcherons à tous les tyrans de la terre ». Il n'est pas écouté mais au plus fort de l'invasion, c'est à lui qu'on fera appel pour sauver le pays.

Le Comité de Salut public (aquarelle anonyme)

Sauver la Révolution en dépit de tout

Les premières déconvenues de la guerre provoquent la chute de la monarchie et la formation d'une nouvelle assemblée, la Convention, le 20 septembre 1792. Réélu député, Robespierre se hisse d'emblée parmi les chefs de file de la « Montagne ». Il se signale par son intervention Le 3 décembre 1792, à la tribune de l'assemblée, il plaide en vain pour que l'on n'intente pas un procès à Louis XVI mais qu'on le déclare sur le champ coupable de crime contre l'humanité.

Maximilien Robespierre (buste en terre cuite de Claude-André Deseine, 1791, musée de la Révolution française, Vizille)L'« Incorruptible » organise ensuite l'élimination des Girondins, trop modérés à ses yeux pour faire face aux épreuves qui menacent la République : ses chefs sont proscrits le 31 mai 1793.

Par la force de son verbe, la radicalité de ses démonstrations et ses fulgurances visionnaires, Robespierre s'affirme dès lors comme l'homme fort de la Révolution. Il va personnifier celle-ci à partir de son entrée le 27 juillet 1793 au Comité de Salut Public (le gouvernement révolutionnaire), dont il va devenir le président sans en avoir le titre.

Dans un célèbre discours du 5 février 1794, il en appelle à la terreur pour sauver la Révolution menacée de l'intérieur comme de l'extérieur et lui donne une justification inattendue : « La terreur n'est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ; elle est moins un principe particulier qu'une conséquence du principe général de la démocratie, appliqué aux plus pressants besoins de la patrie ». Dans la tragédie et l'urgence, il n'est plus question d'abolir la peine de mort !...

Robespierre exécutant le bourreau (gravure révolutionnaire hostile à l'Incorruptible)Dictateur de fait après l'exécution de son principal rival Georges Danton, le 5 avril 1794, il relance donc la terreur et même la Grande Terreur par le décret du 22 Prairial An II. Cette Terreur est destinée dans son esprit à terroriser les opposants et les complices de l'envahisseur. Elle doit frapper les esprits tout en restant limitée.

Mais les commissaires de la République missionnés dans tout le pays vont outrepasser les consignes et multiplier les excès, souvent par pur sadisme comme Carrier à Nantes ou Fouché à Lyon. Dès le lendemain de la chute de Robespierre, ces mêmes hommes qui l'auront conduit à la guillotine s'empresseront de lui faire porter la responsabilité de tous leurs crimes ! 

En attendant, Robespierre, toujours légaliste et imprégné de spiritualité, tente d'imposer l'éphémère culte de l'Être suprême en remplacement du christianisme, ce qui a le don d'exaspérer nombre de révolutionnaires athées ou indifférents à la religion...

Gagnés par la lassitude et la peur, rassurés par les victoires des armées françaises sur le front, les députés de la Convention finissent par s'insurger et décrètent l'arrestation de Robespierre et de ses proches le 9 thermidor An II (27 juillet 1794).

Épuisé par une nuit blanche, Robespierre se défend avec maladresse. Il est mis hors-la-loi et transféré à l'Hôtel de Ville. Il s'ensuit un bref combat entre la troupe et les sans-culottes qui entourent le prisonnier, au cours duquel celui-ci est blessé à la mâchoire.

À ses partisans qui lui suggèrent de reprendre le pouvoir, il répond : « Au nom de qui ? » Car, en bon avocat, il ne saurait violer la légalité républicaine.

L'« Incorruptible » est guillotiné le lendemain 10 thermidor An II (28 juillet 1794), de même que Saint-Just, Couthon, son jeune frère Augustin et quelques dizaines d'autres robespierristes demeurés fidèles.

Robespierre et Saint-Just partant pour la guillotine (Alfred Mouillard, 1884, Paris, galerie Dijol)

Bibliographie

On peut lire un petit essai de Max Gallo, intéressant mais touffu, sur la psychologie de l'Incorruptible : Maximilien Robespierre, histoire d'une solitude (Livre de poche). Pour apprécier le style emphatique du personnage et de l'époque, il vaut la peine de jeter aussi un oeil sur Robespierre : Discours et Rapports à la Convention (10/18). Le néophyte a intérêt à aborder la Révolution par un livre de référence tel que La Révolution française (Pierre Gaxotte, Livre de poche).

Publié ou mis à jour le : 2024-02-08 20:59:12

Voir les 5 commentaires sur cet article

NIBEA (29-04-2019 12:37:20)

Voir aussi l'ouvrage de Jean-Clément Martin: Robespierre, la fabrication d'un monstre, Perrin ed., 2016.

jpdaumalle (29-10-2015 11:37:38)

Je partage tout fait les points de vue exposés par les lecteurs précédents .En ce qui concerne la bibliographie,le Robespierre d'Hervé Leuwers chez Fayard est très intéressant Cordialement ... Lire la suite

omerre (07-03-2015 18:28:41)

mon dieu quelle caricature de robespierre ,que d'erreurs dans ce texte , dommage , pour avoir une véritable idée de robespierre allez voir la video de henri guillemin , passionnant et donne une autr... Lire la suite

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