Par un concours de circonstances extraordinaire, le comte Henri d'Anjou, dit Henri Plantagenêt, ceint la couronne d'Angleterre le 19 décembre 1154. Le nouveau roi, sous le nom d'Henri II, inaugure la dynastie dite des Plantagenêt.
Son règne est marqué par d'incessantes querelles avec sa propre femme, Aliénor d'Aquitaine, et ses fils, Henri Court-Mantel, Richard Coeur de Lion, Jean sans Terre, ainsi qu'avec l'évêque Thomas Becket, assassiné par sa faute, et bien sûr le roi de France Louis VII Le Jeune, premier mari de sa femme...
Henri est le fils aîné du comte d'Anjou Geoffroy (ou Geoffroi) V le Bel, aussi appelé « Plantagenêt » du fait que son père Foulque avait coutume de porter une branche de genêt piquée dans son chapeau... Ce nom deviendra celui de la dynastie.
Henri est aussi par sa mère Mathilde, le petit-fils du roi d'Angleterre Henri Ier Beauclerc et l'arrière-petit-fils de Guillaume le Conquérant.
Henri Ier Beauclerc ayant perdu ses fils dans le naufrage de la Blanche Nef, à la Noël 1120, Mathilde est proclamée « dame des Anglais » (et non reine) mais ses prétentions sont contestées par son cousin, le comte de Boulogne Étienne de Blois, petit-fils de Guillaume le Conquérant par sa mère.
En 1153, après quinze ans d'anarchie, Étienne, qui a perdu son fils aîné Eustache, se résigne à désigner le fils de Mathilde pour lui succéder. Sa mort, survenue le 25 octobre 1154, ouvre le chemin du trône à Henri Plantagenêt, qui a entretemps hérité de son père l'Anjou, le Maine et la Touraine.
Le postulant au trône a épousé la duchesse Aliénor d'Aquitaine deux ans plus tôt, le 18 mai 1152, à Poitiers, deux mois après qu'elle eut divorcé du roi de France Louis VII le Jeune ! Le couple baigne dans le bonheur. Aliénor, qui n'avait eu que des filles avec son premier mari, a déjà un garçon du second ! Pendant qu'elle pouponne et met en ordre ses domaines aquitain et poitevin, Henri se rend en Angleterre pour préparer sa prochaine promotion...
Le jeune et fringant comte Henri tombe au cours de son séjour outre-Manche sous le charme d'une jeune et blonde anglaise, Rosamonde Clifford, fille d'un baron local. Leur romance durera vingt ans et ne va pas peu contribuer à altérer le bonheur d'Aliénor. Le destin légendaire de la favorite (« fair Rosamund ») que l'on croira à tort morte empoisonnée sur ordre de la reine, inspirera de grands poètes comme Chaucer.
Par leur couronnement, Henri et Aliénor apportent à l'Angleterre un vaste domaine qui couvre l'Ouest et le Sud-Ouest de la France, de la Somme aux Pyrénées, de Calais à Bordeaux, auquel on donnera le nom d'« Empire angevin » ! Ce sera la source de querelles interminables avec le roi de France auquel les deux nouveaux souverains doivent l'hommage féodal pour leurs possessions du Continent.
Aliénor donne le jour à plusieurs filles et fils, dont Henri (1155), Richard, le futur Coeur de Lion (1157) et Geoffroy (1158). L'avenir de la dynastie semble assurer. Mais l'entente n'est plus. La reine, irritée par l'infidélité de son jeune époux, prolonge ses séjours dans son cher Poitou.
En 1166, Henri II défait les Bretons et obtient pour son fils Geoffroy la main de Constance, héritière du duché. Sa puissance paraît alors immense et l'avenir des plus prometteurs.
La reine, à 45 ans, met au monde son dernier enfant, encore un fils, Jean. Henri II ne prévoit pas de le doter, aussi restera-t-il dans l'Histoire sous le nom de Jean sans Terre. Par contre, selon la tradition familiale, le roi envisage de léguer à son fils aîné Henri le trône d'Angleterre et le duché de Normandie, à Richard, le préféré d'Aliénor, l'Aquitaine et l'Anjou, et à Geoffroy, la Bretagne.
Mais de premiers nuages s'amoncellent sur l'empire anglo-angevin. De manière inattendue, ils viennent d'un fidèle du roi, Thomas Becket. Anglais de basse extraction, il a servi avec dévouement le trône en qualité de chancelier. Le roi a cru habile de le faire élire archevêque de Cantorbéry, espérant par son intermédiaire manoeuvrer l'Église d'Angleterre à sa guise. Las ! Sitôt élu, son ancien ami et complice prend à coeur les intérêts de l'Église.
Comme le roi veut s'approprier certains impôts locaux, l'archevêque proteste. Le roi réunit alors un synode à Southampton et le fait condamner comme parjure et traître. Thomas Becket ne cède pas. Il excommunie les membres du synode et s'enfuit en France auprès de Louis VII. Le roi capétien mais aussi le pape menacent de se mêler de l'affaire.
Henri II, troublé, approche Louis VII et les deux souverains concluent à Montmirail (près de La Ferté-Bernard), le 6 janvier 1169, non plus une simple trêve mais une paix perpétuelle, consacrée par une promesse de mariage entre Alix (9 ans) fille de Louis VII, et Richard (11 ans). Henri II confirme par ailleurs le partage de ses domaines entre ses trois premiers fils. Il fait un peu plus tard sacrer son fils Henri pour asseoir la dynastie.
Henri le Jeune, surnommé Court-Mantel en raison de ses habitudes vestimentaires, arrogant et vindicatif, ne se satisfait pas de cet honneur. Il réclame de jouir sans délai de la Normandie ! Son père refuse. Première dispute. Le 25 décembre 1170, le roi réunit sa famille et ses principaux vassaux comme chaque année, à Chinon. Cette réunion rituelle, appelée « plaid », se signale par l'absence remarquée d'Henri Court-Mantel.
Le 29 décembre, de l'autre côté de la Manche, à Cantorbéry, l'archevêque Thomas Becket est assassiné au pied de son autel par une poignée de chevaliers. Ces derniers croyaient ce faisant exprimer la volonté du roi qui s'était exclamé dans un moment de colère : « Un homme qui a mangé mon pain, qui vint à ma cour pauvre et nu, ose lever le talon et me frapper au visage. Personne ne me vengera donc de l'insolence de ce prêtre ? » Le meurtre de l'archevêque soulève une émotion considérable dans les cours européennes. Henri II en est tenu pour responsable et doit se soumettre à une pénitence humiliante.
Là-dessus, le roi corrige le partage de son héritage en attribuant à son fils Jean les châteaux de Chinon, Loudun et Mirebeau. Henri Court-Mantel proteste contre ce vol d'héritage. Il complote avec quelques grands vassaux du Limousin. Quand son père vient le chercher, il s'enfuit en catimini. Henri II, dépité, convoque sa famille à Gisors mais Henri Court-Mantel, de son côté, fait mander à sa mère d'engager ses frères Richard et Geoffroy en sa faveur.
Aliénor hésite. Ira-t-elle à Gisors ? S'y fera-t-elle accompagner de ses fils ? La raison politique voudrait qu'elle ramène l'harmonie dans sa famille. Mais son amertume d'amoureuse trompée et d'épouse humiliée l'emporte au final : elle entraîne ses fils dans la révolte.
Henri II réagit avec détermination. À la tête d'une armée de mercenaires brabançons (originaires du Brabant, la région de Bruxelles), il arrive à Chinon, s'empare d'Aliénor et l'incarcère dans la tour de Salisbury, près de Londres. La reine s'y morfondra pendant dix ans. Là-dessus, le roi revient sur le Continent. Le 23 septembre 1174, Court-Mantel se réconcilie avec son père. C'est un peu plus tard le tour de Richard.
Habilement, Henri II impose à son fils Richard de ramener à la soumission les seigneurs d'Aquitaine qui l'ont accompagné dans la rébellion. Richard s'engage sans mesure dans cette entreprise qui va le détacher de ses sujets. À la tête de ses mercenaires, les cottereaux, il attaque les forteresses et ravage les terres.
Pendant ce temps, en Angleterre, son père ose abuser d'Alix de France, adolescente promise en mariage à Richard. La malheureuse petite princesse (14 ans) remplace Rosamonde dans le lit du vieux roi quadragénaire.
Précaire, l'entente familiale est mise à mal par la mort d'Henri Court-Mantel, frappé de maladie. Comme Richard devient le nouvel héritier du trône d'Angleterre, Henri projette de transférer l'Anjou et l'Aquitaine à Jean, son fils préféré. Protestation de Richard, qui s'est attaché à ses domaines continentaux, comme sa mère et malgré les ravages qu'il y a exercés. À nouveau il se rebelle et entraîne Geoffroy avec lui.
À la Noël 1184, Henri II réunit sa famille à Cantorbéry pour un plaid solennel. Il libère Aliénor et rend à Richard l'Aquitaine et l'Anjou. Nouveau drame : le 19 août 1186, Geoffroy meurt, piétiné par des chevaux, lors d'un tournoi à la cour du roi de France Philippe Auguste. Il laisse un héritier, Arthur (ou Artus) de Bretagne.
Le roi capétien, fils tardif de Louis VII le Jeune, veut profiter de la situation pour abattre les Plantagenêt. Une guerre se prépare quand soudain, coup de tonnerre, survient la nouvelle terrible : Jérusalem vient de tomber aux mains des Sarrasins ! Un nouveau voyage en Terre sainte (autrement dit une croisade) s'impose, quarante ans après le précédent. Richard se croise sans attendre.
Philippe II Auguste et Henri II conviennent de se croiser également mais ne se hâtent pas... Richard, une nouvelle fois, se révolte contre son père et Jean se joint à lui. Henri II meurt d'une attaque cardiaque le 6 juillet 1189 à Chinon, abattu par la nouvelle de la trahison de son fils préféré et tourmenté par le remords d'avoir commandité l'assassinat de son fidèle ami, le pieux archevêque Thomas Becket.
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L'État issu de Guillaume le Bâtard se singularise par la primauté du droit sur l'arbitraire, dans les relations entre le souverain et les différentes classes sociales. Cet État de droit est à l'origine de la puissance anglaise...
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Bourdon (11-08-2024 12:32:46)
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