Tour de France

Quand le vélo fait rayonner la France autour du monde

En juillet 1903, le premier Tour de France cycliste consacre le succès d'une invention vieille d'à peine deux décennies, la bicyclette, affectueusement surnommée « petite reine ».

Cette épreuve s'acquiert immédiatement un immense succès tant dans la classe ouvrière que dans la bourgeoisie. Elle va traverser les épreuves du XXe siècle sans dommage, en se renouvelant sans cesse, et demeure l'épreuve cycliste la plus populaire du monde. C'est aussi l'événement sportif le plus médiatique en concurrence avec les Jeux Olympiques d'été, nés 9 ans plus tôt, et la Coupe du Monde de football, fondée en 1930.

Après un purgatoire de deux décennies en bonne partie lié à des affaires de dopage, le Tour de France est redevenu en 2019 l'ambassadeur planétaire d'un pays riche de ses traditions, de ses paysages et de sa convivialité...

Egan Bernal, né le 13 janvier 1997 en Colombie, devient le 28 juillet 2019 le premier Sud-Américain à remporter le Tour de France, DR

Une épreuve populaire envers et contre tout

Au tournant du XXe siècle, la bicyclette jouit d'un grand prestige et plusieurs courses sur route (Bordeaux-Paris, Paris-Roubaix, Paris-Brest-Paris...) ou sur piste attirent un nombreux public. En 1903, le journal L'Auto dirigé par Henri Desgrange a l'idée d'une course par étapes. Le Tour de France cycliste est né. D'une année sur l'autre, il va gagner en popularité et grâce à lui, les Français de toutes classes sociales vont se familiariser année après année avec la géographie de leur pays et l'extrême diversité de ses paysages et de son relief. 

Eugène Christophe reçoit le maillot jaune à Grenoble en juillet 1919Interrompu par la Première Guerre mondiale, il reprend dès le 29 juin 1919, au lendemain de la signature du traité de Versailles !

Le 19 juillet, au départ de la onzième étape, Grenoble-Genève, le vainqueur provisoire au classement général, Eugène Christophe, reçoit pour la première fois un maillot jaune, de la couleur de L'Auto (de même, plus tard, le vainqueur du Tour d’Italie portera un maillot rose, de la couleur des pages de La Gazzetta dello sport).

Le 22 juin 1924, le grand reporter Albert Londres, de retour d'une enquête sur le bagne de Cayenne, arrive sur la première étape du Tour (Paris-Le Havre). Le soir, à Coutances, deux coureurs lui dévoilent, non sans exagération, les pressions auxquelles sont soumis les coureurs et, pour la première fois, font allusion à ce que l'on appellera plus tard le doping ou le dopage. Albert Londres tire de leur témoignage un article pour Le Petit Parisien sous un intitulé qui fera florès : « Les forçats de la route ».

Le quotidien communiste L'Humanité saute sur l'occasion pour dénoncer la « mascarade du Tour » dont les ouvriers n'ont que faire... mais il se ravise très vite quand il s'aperçoit que ses lecteurs, tout prolétaire qu'ils sont, apprécient cette mascarade qui permet à des humbles comme eux de dépasser leurs limites et d'accéder à la gloire.

En 1930, Henri Desgrange décide que le Tour de France ne se jouera plus en individuel mais en équipe, avec des équipes nationales ! C'est ainsi que le 2 juillet 1930, cinq équipes nationales de huit coureurs chacune sont au départ (France, Italie, Belgique, Allemagne et Espagne).

Quoiqu'il en soit, c'est toujours aux champions, aux « géants de la route » que s'intéresse le public.

En 1930 et 1931, une autre innovation réveille l'intérêt du public avec l'apparition de la caravane publicitaire. Celle-ci précède les coureurs et distribue à la volée des babioles aux petits et grands spectateurs qui attendent sur le bord de la chaussée de voir leurs champions. Le succès est immédiat et les mécènes se bousculent pour être de la caravane.

Année après année, le succès ne se dément pas. La caravane, c'est aujourd'hui deux cents véhicules et plus de dix millions d'objets distribués, au point que l'on soupçonne certains (grands) enfants de se porter sur la route du Tour davantage pour cela que pour applaudir les coureurs...

L'accordéoniste Yvette Horner promeut la liqueur Suze dans la caravane du Tour de France 1954

En 1937, le champion italien Gino Bartali, dit « Gino le Pieux », fait une chute malencontreuse entre Grenoble et Briançon. Blessé, il veut néanmoins continuer et ensuite aller faire ses dévotions à sainte Thérèse de Lisieux. Mais les autorités italiennes, aux ordres de Mussolini, l'en empêchent.

Le champion cycliste Juste parmi les Justes Gino Bartali (Ponte a Ema, Toscane, 18 juillet 1914 ; 5 mai 2000 ) et son fils AndreaL'année suivante enfin, il remporte le Tour. Sur le podium, dans le bois de Vincennes où s'effectue rituellement l'arrivée, au lieu et place du salut fasciste, il fait... un signe de croix !

Se refusant toujours à prendre la carte du parti fasciste, il rentre néanmoins dans son pays. Pendant la guerre, comme beaucoup d'autres coureurs, il sera dispensé d'aller sur le front en raison d'un rythme cardiaque trop faible ! Sous couvert de poursuivre son entraînement, il assurera le transport de faux papiers au bénéfice des Juifs. Discret sur son engagement dans la Résistance, il sera fait « Juste parmi les Justes » à Yad Vashem (Jérusalem) en 2013, peu après sa mort...

La Seconde Guerre mondiale interrompt une nouvelle fois le Tour de France.

Enfin la Libération. Les Français endurent malgré tout les épreuves du rationnement, de la reconstruction et des guerres coloniales. La reprise du Tour de France devient dans ces conditions un impératif de salubrité publique. L'épreuve est relancée en 1947 à l'initiative de L'Équipe, quotidien fondé par Jacques Goddet en remplacement de L'Auto, interdit pour faits présumés de collaboration.

L'année suivante, le 25 juillet 1948, les rares possesseurs d'un poste de télévision peuvent assister à l'arrivée en direct du Tour au Parc des Princes... mais il faudra attendre encore dix ans pour voir sur le petit écran un morceau d'étape en direct, sur le col de l'Aubisque ! L'élan est néanmoins donné et va élargir la notoriété de l'épreuve à la planète entière, bien au-delà des passionnés du sport.

Première ascension du mont Ventoux (Montpellier-Avignon) avec Louison Bobet, le 22 juillet 1951

En 1954, signe de son internationalisation, le Tour de France part pour la première fois d'une ville étrangère, Amsterdam. Les « Trente Glorieuses » font la part belle aux Français. Le premier est le Breton Louison Bobet (1925-1983), vainqueur en 1953, 1954 et 1955, devenu une légende vivante, plus encore que le Normand Jacques Anquetil (1934-1987), quintuple vainqueur (1957, 1961, 1962, 1963 et 1964).

Le 20 juillet 1969, tandis que Neil Armstrong s'apprête à poser le pied sur la Lune, Eddy Merckx (24 ans) offre à son pays, à la veille de la fête nationale belge, une première victoire dans le Tour depuis celle de Sylvère Maes, trente ans plus tôt ! Il arrive avec plus de 17 minutes d'avance sur Robert Pingeon, Raymond Poulidor et Felice Gimondi... 

En juillet 1998 survient le cataclysme ! Tandis que les Français n'ont d'yeux que pour leur équipe de football, victorieuse de la Coupe du Monde, le soigneur de l'équipe Festina est arrêté par la douane à la frontière franco-belge avec dans le coffre de sa voiture quantité de médicaments, des capsules d'amphétamines et surtout 235 ampoules d'érythropoïétine (EPO), un produit qui multiplie les globules rouges. Richard Virenque et ses huit coéquipiers de Festina se voient exclus du Tour.

Le vainqueur du Tour lui-même, Marco Pantani, est suspecté de dopage l'année suivante. Moralement détruit, il meurt d'un excès de médicaments dans une chambre d'hôtel en 2004, à 34 ans. Le dopage est un mal ancien auquel la mort prématurée de Louison Bobet, Jacques Anquetil ou encore Laurent Fignon n'est sans doute pas étrangère. Il est à l'origine de la mort de Tom Simpson, qui s'est effondré au sommet du mont Ventoux le 13 juillet 1967, victime de la chaleur et d'un excès d'amphétamines. Il n'est hélas pas limité au cyclisme mais c'est dans cette discipline qu'il est dénoncé avec le plus de vigueur depuis l'affaire Festina et le cas Lance Armstrong.

Lance Armstrong est un champion américain né en 1971. Soigné pour un cancer des testicules en 1996, il remonte en selle non sans courage et participe au Tour de France. Il va remporter l'épreuve sept années consécutives, de 1999 à 2005, un exploit sans précédent. Lui-même se veut calculateur, froid, avide avant tout d'argent plus que de gloire. Pas de quoi lui attirer la sympathie du public. Et en 2012, ce que chacun suspectait est confirmé par l'Agence américaine antidopage : Lance Armstrong a bien abusé de substances illicites dès 1998. Du coup, tous ses titres lui sont retirés et le Tour de France n'a officiellement pas de vainqueur entre 1999 et 2005 !

Une étape sur le Tour de France cycliste de 2011 (DR)

Retour en grâce

Le Tour de France a depuis lors peu à peu regagné la faveur du public, au prix de sévères purges.

Dans ses débuts, la compétition a été seulement suivie par les riverains de la route, venus en spectateurs. Le reste de la population en avait connaissance à travers les articles très enlevés de la presse écrite. Les plus remarqués demeurent ceux de l'écrivain et journaliste Antoine Blondin (1922-1991) qui a contribué par son talent à forger la légende du Tour. Arrivé sur le Tour par hasard en 1954, il va le suivre avec passion jusqu'en 1982, allant jusqu'à affirmer : « Je préfère le maillot jaune à l'habit vert [celui des académiciens]  ». À partir de 1930, le Tour a été aussi suivi par la radio. Dans les années 1950, enfin, il a été télévisé en direct. Il allait du coup grandir en réputation et changer de nature...

Aujourd'hui, les spectateurs directs demeurent toujours très nombreux sur le bord des routes (environ 12 millions), avides tout autant de voir les coureurs que de courir eux-mêmes après les véhicules de la caravane publicitaire. Mais l'essentiel se passe devant le petit écran.

La compétition est filmée à hauteur d'homme et de plus en plus en hélicoptère, offrant de magnifiques vues sur les paysages de France. Dans le monde entier, pour 3,5 milliards de téléspectateurs, l'exploit sportif devient ainsi un prétexte à découvrir le patrimoine national, d'autant que le parcours change chaque année...


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Sports et loisirs
Publié ou mis à jour le : 2019-07-29 11:04:55

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