Histoire religieuse

Marie, au coeur de la foi catholique

Notre-Dame de Paris, dont l’incendie et la restauration ont ému le monde entier, est consacrée comme son nom l’indique à Marie, mère de Jésus-Christ.

Giovanni da Milano, Couronnement de la Vierge, XIVe siècle, musée national des Beaux-Arts de Buenos Aires. Agrandissement : Andrea del Sarto, Assomption de la Vierge, 1530, Florence, Galerie Palatine.C’est environ la moitié des cathédrales françaises (170 au total) qui portent le nom de Notre-Dame ! Près de la moitié de toutes les églises, en France comme dans le reste du monde catholique, se réfèrent aussi à la Vierge Marie, l’une de ses autres appellations.

Et la Vierge est aussi le personnage le plus souvent représenté dans l’art occidental. C’est dire son importance dans la foi catholique. À rendre jaloux Dieu le Père et son Fils, pour ne rien dire du Saint Esprit !

Aucune autre religion n’accorde autant d’importance à une figure féminine. Cette primauté, qui remonte à l’aube du Moyen Âge, se reflète encore dans la culture française et dans notre civilisation dont la France a longtemps été le cœur.

On ne peut comprendre la place de la femme dans la société occidentale, plus émancipée (ou moins soumise) que dans toute autre société, sans aborder la ferveur religieuse qui a entouré la figure de Marie au « beau Moyen Âge », l’Âge des cathédrales (XIe-XIIIe siècles).

André Larané, avec la contribution de Claudia Peiró (Buenos Aires)

Fresque de Piero della Francesca, Madonna del Parto, vers 1459, Commune de Monterchi (Italie). La Vierge enceinte peu représentée dans l'iconographie chrétienne.

Une jeune fille sortie de nulle part

Andrea Mantegna, La Vierge et l'enfant qui dort, vers 1465, Berlin, Gemäldegalerie. Agrandissement : attribué à Giovanni di Pietro, La Vierge et l'enfant, vers le XVe siècle, Le Mans, musée de Tessé.Dénommée Marie (en hébreu, Miryam), la mère de Jésus-Christ a été reconnue par le concile d'Éphèse, en 431, comme étant vraiment la « Mère de Dieu » (Théotokos).

C'est le premier des quatre dogmes qui concernent Marie, le deuxième, également débattu à Éphèse, est sa conception virginale : elle aurait conçu son fils Jésus par l'intercession du Saint Esprit en conservant sa virginité.

Les deux autres dogmes, qui découlent de la dévotion populaire, sont son Immaculée Conception et son Assomption au ciel : à sa mort, elle aurait été élevée au ciel et non pas inhumée comme une quelconque mortelle. occupe à ce titre une place centrale dans la foi chrétienne.

Le dogme de l'Immaculée Conception a été proclamé par le pape Pie IX en 1854. Il découle d'une croyance populaire qui remonte à Byzance et au haut Moyen Âge. Selon celle-ci, la mère du Christ aurait été « conçue avant tous les siècles » et épargnée dès sa conception par le péché originel. Pour les chrétiens, toutefois, tout commence... neuf mois avant Noël et la célébration de la naissance du Christ.

Des quatre Évangiles canoniques, c'est-à-dire ceux que l'Église reconnaît comme valables, celui de Luc donne le plus d’informations sur Marie et l’enfance de Jésus, avec notamment l’Annonciation et la Visitation. Matthieu raconte plutôt le point de vue de Joseph, son fiancé. Un ange lui apparaît en songe et lui explique qu'il ne doit pas répudier la jeune fille malgré sa grossesse, car tout est la volonté de Dieu. Quant à Marc et Jean, ils débutent leur récit avec Jésus adulte.  

Le soi-disant Protoévangélique de Jacques, évangile apocryphe et non reconnu par l’Église, raconte à sa manière la conception réputée miraculeuse de Marie, fille de Joachim et Anne. Son récit va nourrir comme les autres l'iconographie médiévale. La Naissance de la Vierge est célébrée le 8 septembre.

Les affaires sérieuses commencent avec l'Annonciation, autrement dit l'annonce faite à Marie de la prochaine naissance du Christ. L'Église la célèbre le 25 mars.

L'Annonciation (1438 à 1450, fresque de Fra Angelico, couvent Saint-Marc, Florence)

Le Caravage, L'Annonciation, entre 1608 et 1610, musée des Beaux-Arts de Nancy. Agrandissement : Francisco Goya, L'Annonciation, vers 1785, Collection Duchesse d'Osuna (Séville).« L'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée du nom de Nazareth, à une jeune fille accordée en mariage à un homme nommé Joseph, de la famille de David ; cette jeune fille s'appelait Marie. L'ange entra auprès d'elle et lui dit : "Sois joyeuse, toi qui as la faveur de Dieu, le Seigneur est avec toi"... » (Évangile selon Saint Luc, I, 28). 

La chose surprend d'autant plus Marie qu'elle est seulement fiancée à Joseph et donc vierge. Sa viriginité sera d'ailleurs beaucoup débattue au concile d'Éphèse déjà évoqué.  

Là-dessus vient la Visitation. Fêtée le 31 mai dans le calendrier actuel, elle désigne la visite de Marie à sa cousine Élizabeth.

Celle-ci, bien que très âgée, portait en son sein, depuis six mois, un enfant qui fut plus tard connu sous le nom de Jean-Baptiste car il baptisait les juifs dans le Jourdain.

Marie venait d'apprendre qu'elle était elle-même enceinte de Jésus et sa cousine la salua par ces mots : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de vos entrailles est béni... » (Évangile selon Saint Luc, I, 42). Ces paroles sont entrées dans la première partie du « Je vous salue Marie », juste après la salutation de l’ange Gabriel.

Marie y répondit par le cantique du Magnificat :
« Mon âme exalte le Seigneur
et mon esprit s'est rempli d'allégresse
À cause de Dieu, mon Sauveur,
parce qu'il a porté son regard sur son humble servante. »

La Nativité, vue par le Maître de Moulins, avec à droite le donateur,: le chancelier et cardinal Jean Rolin (vers 1480, panneau 55x71 cm, musée Rolin, Autun, France)

Luc dit de Marie qu'après s'être rendue à Bethléem avec son mari Joseph, à l'occasion d'un recensement, « elle a donné naissance à son fils premier-né. » Ce mot pourrait laisser penser que le couple a eu d'autres enfants après Jésus. C’est un débat sans fin, qui divise les chrétiens, puisque les catholiques soutiennent que ce n’est pas le cas et les protestants que c’est le cas.

Dans certains passages des Évangiles, on parle des « frères de Jésus », mais ce n'est pas une preuve concluante, car le mot a un sens large. D'autre part, certains écrits laissent penser que Josephaurait été veuf quand il se fiança selon la tradition à la très jeune Marie. Il aurait donc pu avoir des enfants de son précédent mariage. Certains exégètes pensent qu’il s’agissait des frères de Jésus auxquels font allusion les Évangiles.

Toujours est-il qu'après la naissance de Jésus et sa présentation au Temple pour la circoncision rituelle, les apparitions de Marie se font rares mais cruciales.

Il y a d'abord les noces de Cana qui marquent le début de la représentation publique de son fils et que raconte Jean (2, 1-11) :
« Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus y était. Jésus aussi fut invité à ces noces avec ses disciples.
Le vin venant à manquer, la mère de Jésus lui dit :
— Ils n’ont pas de vin.
Jésus lui répondit :
— Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore venue.
Sa mère dit aux servants :
— Tout ce qu’il vous dira, faites-le. »

Et Jésus d'accomplir son premier miracle en transformant l'eau en vin !...

Cette déférence de Jésus à l’égard de sa mère est significative de son attitude plus générale à l’égard des femmes. Il ne craint-il pas de bousculer les pratiques patriarcales de ses contemporains. Ainsi, il prend la défense de la prostituée et protège la femme adultère de la mort par lapidation imposée par la coutume de l'époque.

Les noces de Cana (fresque, 1305, Giotto di Bondone, dit Giotto, chapelle des Scrovegni, Padoue, Italie)

Au terme de sa prédication, Jésus se voit condamné à mort par le préfet romain Ponce Pilate à la demande des instances juives. Sa mère l'assiste pendant son agonie sur la croix, ainsi que des femmes pieuses et des disciples, dont Jean.

À la fin de sa vie, après la mort de son fils, sa résurrection et son Ascension, Marie aurait vécu et serait morte à Jérusalem ou, selon d'autres traditions, à Éphèse, en Asie Mineure, accompagnée de l'apôtre Jean. À Éphèse, la maison qui l'aurait abritée (la « Maison de la Vierge ») attire encore de nombreux pèlerins.

Selon une tradition ancienne, la Vierge aurait à sa mort été immédiatement « assumée » au ciel (du latin assumere, « prendre avec soi »). Cette Assomption est commémorée tous les 15 août depuis une injonction de l'empereur byzantin Maurice, en 600. C'est l'une des principales fêtes catholiques dédiées à la Vierge. Elle est devenue un dogme de l'Église catholique le 1er novembre 1950. Elle est aussi célébrée avec ferveur par l'Église orthodoxe sous le nom de Dormition.

Pieta (juillet 1890, Vincent Van Gogh, musée du Vatican)Dans l'iconographie catholique, Marie est le plus souvent représentée avec l'enfant Jésus dans les bras ou en Pietà, c'est-à-dire avec le corps de son fils crucifié sur ses genoux.

Le Concile de Trente, au XVIe siècle, recommanda aussi les représentations de l'Assomption et de l'Immaculée Conception.

Dans la première, Marie est transportée au ciel par des anges ; dans la seconde, on la voit debout sur le globe, écrasant sous ses pieds le serpent du péché, avec une couronne de douze étoiles et la lune, également sous ses pieds, qui évoquent la femme du chapitre douze de l'Apocalypse : « Un grand signe apparut dans le ciel : une femme vêtue du soleil, avec la lune sous les pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles. »

Après la Réforme de Luther (XVIe siècle), les protestants ont maintenu les dogmes sur la virginité et la maternité divine de Marie mais n'ont pas adhéré aux deux derniers (Immaculée Conception et Assomption), car pour eux, le salut ne vient que du Christ. Parmi les confessions protestantes, il n'existe pas de culte de Marie.

Notons pour finir que le Coran, le livre saint musulman, mentionne Marie 34 fois, principalement en relation avec Jésus (« Jésus, fils de Marie »). Mais il déclare aussi, par exemple, Marie « choisie parmi toutes les femmes de la création » et « maîtresse du paradis » (III, 42). L'Annonciation est racontée à deux reprises. Dans l'un d'eux, les anges annoncent à Marie qu'elle engendrera un fils qui s'appellera Al Masih, Isa ibn Maryam (le Messie, Jésus, fils de Marie) et qui sera célèbre. Joseph n'est pas mentionné dans le Coran. 

Assomption de la Vierge (Francisco Goya, église paroissiale de Chinchon, Espagne)

La Vierge en soutien de l'émancipation féminine !

Faut-il s'en étonner ? Né dans une société patriarcale comme toutes les autres grandes religions, le christianisme, en s'étendant sur la rive nord de la Méditerranée, va accorder une place de premier choix à une femme, la Vierge. Ce phénomène va accompagner un premier mouvement d'émancipation des femmes sans équivalent dans les autres sociétés...


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Religion, religions
Publié ou mis à jour le : 2024-12-09 08:31:19

Voir les 6 commentaires sur cet article

Kourdane (27-12-2024 12:45:35)

La religion catholique est un syncrétisme. Une accumulation de croyances qui ont été agrégées au fur et à mesure des nécessités politiques des hiérarques. Il en est de même pour toutes les... Lire la suite

Bernard (11-12-2024 15:31:32)

La figure de Marie dans le Christianisme est très intéressante à étudier : - Dans un monothéisme déjà fragilisé par le Mystère de la Sainte-Trinité, les saints et a fortiori Marie occupent ... Lire la suite

Roland Berger (10-12-2024 17:58:15)

L'Église s'est inventée un puissant moyen pour cacher sa misogynie. La prêtrise est encore interdite aux femmes.

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