« Immense ! » C'est le terme qui devait venir à la bouche des générations d'explorateurs européens qui se sont lancés dans la traversée de l'océan Pacifique à la suite de Magellan.
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L'océan Pacifique recouvre 166 millions de km2 mais n'est occupé que par 25 000 îles : récifs coralliens (atolls), îlots et archipels volcaniques.
Nous avons représenté sur la carte ci-contre les itinéraires des explorateurs qui l'ont parcouru à leurs risques et périls du XVIe au XVIIIe siècles...
Découverte par voie de terre en 1513 par Balboa, la « mer du Sud » représente à elle seule le tiers de notre planète puisqu'elle s'étend sur près de 17 000 km dans sa largeur.
Et ce ne sont pas les quelque 25 000 îles et morceaux de terre plus ou moins abordables, plus ou moins habités, qui ont facilité la tâche des découvreurs.
Entre quête du paradis et descente aux enfers, la conquête du Pacifique reste l'une des pages les plus fascinantes de l'histoire de la découverte du globe.
Le 20 novembre 1520, à la sortie du détroit labyrinthique qui porte aujourd'hui son nom, le Portugais Fernand de Magellan ressent un tel soulagement face à l'océan apparemment calme qui s'offrait à lui qu'il le baptise bien naïvement « Grand Océan Pacifique ».
Persuadé d'atteindre rapidement les îles à épices tant convoitées, il s'élance sans soupçonner qu'il lui faudra supporter plus de 100 jours de navigation éprouvante et de famine avant d'apercevoir la terre accueillante des îles Mariannes.
Tué aux Philippines pour avoir pris part à des querelles locales, il laisse la gloire à Del Cano de boucler le premier tour du monde, en compagnie de seulement 17 rescapés.
Ainsi s'ouvre la seconde vague d'exploration du Pacifique, déjà conquis par les ancêtres des Polynésiens dès 400 après J.-C., certainement en suivant les oiseaux migrateurs.
Les Espagnols s'élancent vers l'inconnu. Jusqu'au début du XVIIe siècle, ils multiplient les expéditions dont les plus célèbres restent celles de Mendana et Queirós.
Pressé d'ouvrir de nouvelles routes vers les richesses de l'Extrême-Orient à partir de la Nouvelle-Espagne (Mexique) et du Pérou, Álvaro de Mendana trouve la mort au cours de sa deuxième expédition, en 1595, après avoir découvert les îles Marquises.
Les Espagnols souhaitent avant tout établir une liaison régulière entre les deux rives du nord-Pacifique pour faciliter notamment le développement des Philippines. Si la navigation vers l'Est ne pose pas de difficulté grâce aux vents portants, il en va tout autrement pour le retour : les vaisseaux doivent en effet rejoindre les abords du Japon pour profiter des vents dominants ouest-est.
Les mythiques « galions de Manille » effectuent ainsi en deux ou trois ans le tour du Pacifique entre Acapulco et Manille pour échanger l'argent des Amériques contre des épices et des soieries chinoises.
Le pilote Pedro de Queirós, qui a participé au dernier voyage de Mendana, lance en 1596 sa propre expédition avec la conviction d'avoir été élu par Dieu pour découvrir un nouveau continent.
Rêveur apostolique, celui qui se surnomme le « second Colomb » dicte à ses équipages des décrets de moralité et leur interdit d'agrémenter leurs longues journées par des parties de cartes ou de dés.
La rigueur morale n'empêche pas ce personnage mégalomane de se perdre à son tour au milieu des îles. Il ne doit son salut qu'à la découverte de l'île Espiritu Santo, aux Nouvelles-Hébrides, avant de parvenir à rejoindre le Mexique, non sans que son vaisseau ait été (volontairement, dit-on) séparé du second navire de l'expédition, rentré également plus tard à bon port.
Monopolisé par les Espagnols qui se contentent des routes commerciales déjà tracées, le Pacifique est encore très mal connu au début du XVIIe siècle. C'est alors que les Hollandais, établis en Indonésie, commencent à s'y intéresser.
À partir de sa base de Batavia (Djakarta), la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales (ou VOC) lance une série d'expéditions.
En 1606, Willem Janszoon aborde ainsi une île-continent qu'il baptise Nouvelle-Hollande. Elle sera en 1824 renommée Australie.
Mais l'expédition la plus célèbre est menée par Abel Tasman : en 1642-1643, celui-ci reconnaît la Nouvelle-Zélande et des archipels comme Tonga et Fidji. Le 24 novembre 1642, il découvre une île verdoyante au sud de l'Australie à laquelle il donne le nom du gouverneur des Indes néerlandaises, Van Diemen. En 1853, elle sera rebaptisée de son nom : Tasmanie.
Ces découvertes ne font que repousser plus loin le mythique continent austral dont chacun rêve puisque l'île de la Nouvelle-Hollande (Australie) est décidément trop « petite » et décevante pour être assimilée aux contrées fabuleuses recherchées.
Un grand point d'interrogation a longtemps recouvert les cartes du monde : mais où diable se cache ce continent austral que nombre de philosophes, géographes et rêveurs appellent de leurs voeux ?
Nécessaire, selon certains, à l'équilibre du monde pour faire contrepoids aux terres de l'hémisphère Nord, il est aussi le lieu de tous les possibles, un pays de cocagne offrant son harmonie à ses « bons sauvages ».
Certains navigateurs comme Quiros ont contribué par leurs allégations ou imprécisions à relancer le mythe jusqu'à ce que James Cook lui porte un coup fatal en parcourant de long en large les étendues du Pacifique : il n'existe pas de continent austral autre que l'Australie dont il démontre l'insularité...
Le XVIIe siècle est également l'âge d'or de la flibuste. Un aventurier, l'Anglais William Dampier, multiplie les attaques contre les établissements espagnols de la région avant de mener des missions de reconnaissance. Il atteint ainsi les îles de la Nouvelle-Bretagne... et recueille Alexandre Selkirk, naufragé volontaire qui inspira le personnage de Robinson Crusoë.
Bon navigateur, Dampier est aussi un observateur perspicace qui sait faire partager ses aventures à des lecteurs de plus en plus attirés par les mers du Sud. Cet engouement tombe à point nommé pour le gouvernement anglais : avec le début de la guerre de Succession d'Autriche (1740), il est temps pour lui d'aller titiller les Espagnols dans leurs possessions d'outre-mer.
C'est la mission de George Anson qui réussit un coup d'éclat en s'emparant des trésors du galion de Manille. Si son tour du monde se révèle catastrophique sur le plan humain, cet amiral participe à la relance des expéditions en offrant au public un récit qui nourrit largement « la folie Pacifique » dont la France et l'Angleterre sont les victimes enthousiastes.
L'époque des Lumières se prête à la naissance d'une seconde ère des découvertes.
Le mythe de l'Eldorado, toujours vivace, se déplace de la Colombie vers le Pacifique. Sous l'influence d'écrivains comme Charles de Brosses, auteur d'une Histoire des navigations aux terres australes (1756), les gouvernements et les savants prennent la relève des marchands et des aventuriers, les sciences de la navigation se développent et les conditions de vie du marin s'améliorent nettement.
Après 1760, la compétition entre les États se transporte sur les océans : il est temps de profiter de la paix pour lancer les marines de guerre vers l'inconnu.
« Le 25 au soir, après avoir quitté l'île de l'Ascension après un tour du monde, en 1769, on [Bougainville et ses hommes] aperçut un navire au vent et de l'avant à nous, nous le conservâmes pendant la nuit, et le lendemain nous le joignîmes; c'était le Swallow [de l'Anglais Carteret].
J'offris à M. Carteret tous les services qu'on peut se rendre à la mer. Il n'avait besoin de rien ; mais, sur ce qu'il me dit qu'on lui avait remis au Cap des lettres pour France, j'envoyai les chercher à son bord. Il me fit présent d'une flèche qu'il avait eue dans une des îles rencontrées dans son voyage autour du monde, voyage qu'il fut bien loin de nous soupçonner d'avoir fait. Son navire était fort petit, marchait très mal, et quand nous eûmes pris congé de lui, nous le laissâmes comme à l'ancre. Combien il a dû souffrir dans une aussi mauvaise embarcation ! » (Louis-Antoine de Bougainville, Voyage autour du monde, 1771).
Byron, Wallis et Carteret, Cook, Bougainville, etc. Entre 1763 et 1792, ce ne sont pas moins de dix circumnavigations qui se succèdent pour mettre fin aux zones blanches encore trop visibles sur les cartes et rapporter, sinon des richesses et des possessions nouvelles, du moins l'éternelle gloire d'être le premier à parcourir et décrire l'outre-mer.
Parmi ces périples, les trois expéditions menées par James Cook se distinguent par la qualité de leur préparation et l'ampleur de leurs résultats.
En traversant à plusieurs reprises le Pacifique de part en part, l'Anglais lève les dernières zones d'ombre et met définitivement fin à la théorie du continent austral. En dix ans, il rapporte dans ses malles plus d'informations sur cette région que ses prédécesseurs ne l'ont fait en deux siècles !
Désormais connu dans ses grandes lignes, le Pacifique n'en reste pas moins à explorer et à étudier en détail.
D'autres navigateurs se portent volontaires pour cette mission où prestige, avancée de la science et enjeux politiques et commerciaux restent liés.
Pour ce qui concerne la France, citons Lapérouse dont la célèbre mais tragique entreprise, en 1785, a marqué les mémoires. En 1791, Louis XVI, soucieux de son sort, mandate sans succès le chevalier Antoine d'Entrecasteaux pour partir à sa recherche.
Dix ans plus tard, une nouvelle expédition scientifique part pour les terres australes sous le commandement de Nicolas Baudin. Louis de Freycinet, qui a participé à cette expédition, part à son tour en 1817-1820 avec une pléiade de savants à bord de L'Uranie (et un passager clandestin : sa femme).
En 1822, son second Louis Duperrey prend le relais avec un remarquable voyage scientifique qui le mène des Malouines aux Tuamotu avec La Coquille.
César Dumont d'Urville, après avoir secondé Duperrey, part en 1826 à la recherche des restes de l'expédition Lapérouse avec L'Astrolabe.
C'est ainsi que, grâce à l'opiniâtreté de ces marins et à la curiosité inlassable des scientifiques qui les ont accompagnés, l'océan Pacifique passa peu à peu du mythe à la réalité, même s'il garde encore aujourd'hui une place à part dans l'imaginaire européen.
Quel peut être le lien entre un explorateur des mers du Sud et une déesse grecque ?
La réponse est au Louvre : c'est en effet Dumont d'Urville qui, lors d'une mission dans les îles grecques en 1820, repéra la Vénus de Milo et la fit acheter par la France.
La suite de sa carrière fut tout aussi brillante : les collections scientifiques rapportées de ses trois expéditions dans le Pacifique et en Antarctique firent la joie des conservateurs des musées, notamment celui de la Marine qui recueillit les restes de l'expédition Lapérouse, enfin localisée.
Le souvenir du navigateur est encore aujourd'hui omniprésent sur le continent antarctique : la Terre Adélie, par exemple, baptisée ainsi en l'honneur de son épouse, abrite depuis 1956 la base scientifique Dumont d'Urville.
Vasco Núñez de Balboa (Esp.), 1513
Fernand Magellan (Port.) et Antonio Pigafetta (It.), 1519-1522
Francis Drake (GB), 1577-1581
Alvaro de Mendana (Esp.), 1595-1596
Pedro Fernández de Quirós (Esp.), 1605-1606
Abel Tasman (Hol.), 1642-1643
William Dampier (GB), 1699-1700
George Anson (GB), 1740-1744
John Byron (GB), 1764-1766
Samuel Wallis (GB), 1766-1768
Philip Carteret (GB), 1766-1769
Louis-Antoine de Bougainville (F.), 1766-1769
James Cook (GB), 1768-1771, 1772-1775, 1776-1779
Jean-François Galaup de Lapérouse (F.), 1785-1788
Joseph Bruni d'Entrecasteaux (F.), 1791-1794
Nicolas Thomas Baudin (F.), 1800-1803
Louis Claude de Freycinet (F.), 1817-1820
Louis Isidore Duperrey (F.), 1817-1820, 1822-1825
Jules Dumont d'Urville (F.), 1822-1825, 1826-1829, 1837-1840.
Les grandes explorations
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Voir les 8 commentaires sur cet article
Nettlebay (11-08-2017 00:35:14)
Bonjour. Concernant Alexandre Selkirk, je suis un peu surpris. Wikipedia ne dit pas la même chose. Qui fait erreur ? https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Selkirk
Nettlebay (11-08-2017 00:29:02)
Bonjour. Concernant Alexandre Selkirk, je suis un peu surpris. Wikipedia ne dit pas la même chose. Qui fait erreur ? https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Selkirk
Ghislain (22-04-2012 18:37:37)
Bonjour, cet inventaire de noms ne saurait être complet sans mentionner l'USEXEX, à la tête de laquelle Charles Wilkes arriva le premier (à un jour près semble t il) sur le continent antarctique,... Lire la suite