La dynastie des Song

Les Song du Nord (960-1127)

La dynastie des Song est l’une des plus brillantes et des plus importantes de l’Histoire de la Chine impériale. Elle est la vingtième des vingt-quatre dynasties impériales auxquelles l’historiographie officielle a consacré une histoire officielle depuis la fondation de l’empire en -221. Certains historiens n’ont pas hésité à comparer cette période des Song à notre Renaissance tant leurs apports sur le plan culturel, leurs innovations tant institutionnelles qu’économiques ont marqué l’histoire chinoise jusqu’à la fin de l’empire en 1911. Cependant, si les empereurs Song régnèrent près de trois cent vingt ans — seuls les Han (-206-220) ont fait mieux —, leur pouvoir s’est exercé sur un espace bien moins étendu qu’à d’autres époques.

Carte 1. L?empire des Song et les empires et royaumes voisins (960-1127) © C. Lamouroux, La dynastie des Song, p. 29 (DR Les Belles Lettres)La menace que différents empires des steppes ne cessèrent de faire peser sur les frontières au nord explique pour une bonne part cette circonstance.

Fondée en 960, la dynastie dut abandonner la grande plaine du fleuve Jaune et sa capitale Kaifeng pour se réfugier au Sud en 1127. Elle disparut pour de bon cent cinquante ans plus tard, après que les Mongols furent entrés dans sa seconde capitale, Hangzhou, en 1276 et que l’enfant proclamé empereur par quelques fidèles en fuite eut trouvé la mort en 1279.

C’est la raison pour laquelle la postérité différencie les «  Song du Nord  » des «  Song du Sud  », une distinction que nous reprenons ici avant de préciser les principaux traits d’une histoire institutionnelle, sociale, économique et intellectuelle qui fit de l’ancienne Chine aristocratique un empire bureaucratique et un carrefour terrestre et maritime, reliant l’Asie du Nord aux mers du Sud.

Christian Lamouroux
La dynastie des Song (960-1279) / Histoire générale de la Chine

Christian Lamouroux est l'auteur de La dynastie des Song (960-1279). Cet ouvrage a été honoré en 2022 du prix du duc d’Aumale de l’Institut de France (Paris, Les Belles Lettres, 2022, 816 pages, illustrations et cartes, 35 €).

Il s'intègre dans une série de dix volumes sur l'Histoire générale de la Chine. C'est le quatrième titre de la série après les dynasties Qin et Han (-221 à 220), la République Populaire de Chine (1949-2018) et la République de Chine (1912-1949). Six autres titres sont projetés par Les Belles Lettres.
Très documenté et d'une écriture limpide, le livre s'appuie sur les travaux les plus récents des historiens chinois et japonais.

Détail du Qingming Shang He Tu (Le Jour de Qingming au bord de la rivière) Zhang Zeduan, XIIe siècle, Dynastie Song, Musée national du palais. Agrandissement : Jeux dans le basin de Jinming, représentation de Kaifeng, Zhang Zeduan, XIIe siècle, période des Song du Nord, XIIe siècle.

Guerre et paix (960-1022)

Le fondateur de la dynastie, l’empereur Taizu — il est de tradition de reprendre l’appellation posthume des empereurs —, commença par réunifier la plaine du Nord et les royaumes du Sud qui s’étaient constitués en pouvoirs autonomes à la fin de l’empire des Tang, disparu en 907.

Portrait assis de l?empereur Taizu, Dynastie Song, Taipei, Musée national du palais.Cette stratégie lui apparut d’autant plus nécessaire que sa frontière au nord restait sous la menace du puissant empire Khitan-Liao, lequel avait réuni sous son autorité plusieurs peuples des steppes l’année même de la disparition des Tang. Ces guerres d’unification prirent fin en 979, précisément à la suite d’une campagne désastreuse contre cet empire du Nord.

Les opérations avaient été décidées et conduites par Taizong, monté sur le trône en 976 après la mort de son frère aîné Taizu. Les défaites l’incitèrent à retirer sa confiance à ses officiers, eux-mêmes le jugeant incapable de les conduire à la victoire. Ces tensions expliquent la décision de Taizong d’ouvrir grandes les vannes des examens pour s’assurer le service des meilleurs lettrés de l’empire.

L'empereur Taizong, Taipei, Musée national du palais. Agrandissement : Portrait assis de l'empereur Zhenzong, Taipei, Musée national du palais.Dès lors, soutenus par un empereur soucieux de renouveler les bases sociales de son autorité, ces fonctionnaires civils s’employèrent à mettre en place des routines administratives d’évaluation et de contrôle. Ces procédures transformèrent en profondeur la nature du pouvoir impérial et consacrèrent leur hégémonie sur les militaires, alors même que les armées restaient le rempart indispensable des Song face à l’empire khitan des Liao.

Dès le début du règne de Zhenzong, le fils de Taizong, la guerre reprit avec les Khitan dont la cavalerie finit par menacer la capitale des Song. Après un traité de paix signé en janvier 1005, lequel obligeait les Song à verser un tribut annuel aux Liao, Zhenzong suivit à partir de 1008 une politique qui proclama une «  ère de Grande paix  ».

Tout en poursuivant le recrutement massif des lettrés, il entreprit de donner une légitimité religieuse à son autorité grâce à une série de sacrifices prestigieux dont les rituels sacralisaient depuis l’Antiquité l’empereur et sa cour. C’est à la faveur de ce contexte mystique que l’administration put jeter les bases d’une fiscalité qui garantit dès lors à l’empereur un pouvoir absolu sur les finances publiques.

Le grand charroi impérial et la garde impériale en uniforme d'apparat. Encre et couleurs sur soie, daté de 1053 (musée national de Chine, Pékin).

Guerre et réformes (1022-1067)

La dyarchie inhérente à la régence qui suivit la mort de Zhenzong en 1022 permit aux précepteurs et conseillers du jeune empereur Renzong de commencer à définir les principes d’une bonne gouvernance. Il s’agissait là d’une première offensive destinée à libérer la cour et son administration de l’idéologie de la «  Grande paix  » qui muselait toute critique depuis une vingtaine d’années. En même temps, ce mouvement dégageait un consensus parmi les lettrés, soucieux de renforcer leur tutelle sur l’empereur.

L'empereur Renzong, Taipei, Musée national du palais. Agrandissement : Vaisravana - Pisha Meng, Gardien du Nord, divinité Tangut, rouleau sur soie, XIIIe siècle, Saint-Pétersbourg, Musée de l'Ermitage. La grande affaire du règne fut la guerre dans le Nord-Ouest (régions actuelles du Gansu-Ningxia) contre les Tangut, dont le jeune roi se proclama empereur en 1038. Après plusieurs désastres, les Song réussirent à stabiliser la situation en 1040 grâce à une réorganisation des armées et à une stratégie de guerre prolongée conçue par plusieurs grands lettrés.

Dès la paix de 1044, qui imposait un tribut annuel en faveur des Tangut, de nouvelles tensions apparurent à la cour : entre lettrés et militaires, eux qui n’avaient guère brillé durant les opérations, mais aussi parmi les lettrés. En effet, plusieurs fonctionnaires sortis grandis du conflit lancèrent aussitôt un programme systématique de réformes. Celui-ci visait à favoriser l’émergence d’une bureaucratie moins pléthorique, libérée de ceux qui tenaient leurs titres et positions des seuls privilèges familiaux.

Érudit dans la prairie, Anonyme, Dynastie Song, XIIe siècle. Agrandissement : Carte des étoiles pour le globe céleste de Su Song, publié pour la première fois en 1092, dans le livre de Su connu sous le nom de Xin Yi Xiang Fa YaL’accent mis sur le mérite exigeait de faire de l’éducation une priorité : on créa donc des écoles publiques au niveau local et on modifia le contenu des concours, seules mesures qui survécurent à l’échec de cette politique, survenu dès 1045.

Las des querelles, l’empereur imposa des mesures d’apaisement qui permirent au gouvernement de faire face aux problèmes financiers de plus en plus pressants, mais aussi à des mutineries de soldats et à des insurrections consécutives à une pression fiscale accrue et aux désordres monétaires engendrés par la guerre, sans parler des caprices de plus en plus violents du fleuve Jaune dans toute la plaine du nord.

Vieilli et malade, Renzong prit ses distances avec les affaires de la cour et mourut alors qu’une nouvelle génération de lettrés avait profité de cette pause pour élaborer de nouvelles vues sur la gouvernance de l’empire.

Réformes et factions (1067-1127)

C’est sous Shenzong, monté sur le trône en 1067 après la mort prématurée de son père Yingzong, que le pouvoir dynastique connut une mutation décisive. Le jeune empereur de 19 ans appela de ses vœux des réformes qui devaient servir son ambition : prendre une revanche sur les Tangut, puis reconquérir les territoires cédés aux Khitan depuis le milieu du Xe siècle.

L'empereur Shenzong, Taipei, Musée national du palais. Agrandissement : le Premier ministre Wang Anshi.Wang Anshi, son Grand conseiller, formula aussitôt une nouvelle politique, visant à l’accroissement des revenus de l’administration. Il avait en effet la conviction que le gouvernement devait mettre fin aux entreprises des «  monopoleurs  », les grands marchands accusés de contrôler les prix et les échanges et de priver l’administration des moyens financiers nécessaires à son action en sapant ainsi les liens entre le peuple et son souverain.

On classe généralement les dix réformes de Wang en trois catégories : des réformes économiques et financières destinées à enrichir l’État ; des réformes militaires visant à renforcer les armées ; des réformes concernant le recrutement et la gestion du personnel administratif, touchant jusqu’au système des examens.

Entre 1069 et 1073, Wang instaura donc plusieurs systèmes permettant à l’administration de faire des économies, mais aussi des profits : achat et revente des grains, crédit public à des taux plus avantageux que ceux des prêteurs privés, et surtout établissement de comptoirs marchands chargés d’opérer grâce à des fonds publics des achats massifs pour casser la spéculation. Le quasi-monopole commercial de l’administration dépendait de l’accroissement de la masse monétaire : le niveau annuel des fontes annuelles atteignit six milliards de pièces au début des années 1080 !

Une monnaie d'une sapèque de l'empereur Hui Zong (1101-1125), ère Xuan He (1119-1125). Agrandissement : Matrice d'impression de billets, XIIe siècle, Pékin, musée de l'imprimerie de Chine.Face à ces mesures financières et économiques qu’accompagnaient la militarisation de la société et le contrôle du contenu des examens, une forte opposition se structura pour dénoncer les dérives des réformes. Les dispositifs en effet résistèrent peu de temps aux tentations prédatrices des nouveaux bureaux : la population, à commencer par les plus pauvres, se retrouvait démunie face à des fonctionnaires jugés sur leur capacité à assurer des profits à la cour ! Enfin, les projets irrédentistes de Shenzong impliquaient une guerre contre les Tangut, or celle-ci conduisit à de nouveaux désastres qui ruinèrent les espoirs et la santé de l’empereur.

L'empereur Zhezong, Taipei, Musée national du palais. Agrandissement : l'empereur Huizong, Taipei, Musée national du palais.Mort en 1085, Shenzong laissait un corps politique définitivement miné par les divisions. Désormais, la cour n’était plus le lieu des arbitrages entre factions lettrées : le programme du gouvernement résultait directement de la volonté de l’empereur, soucieux dès lors de placer au pouvoir un parti, lequel trouvait légitime d’ostraciser et de persécuter tous ceux qui s’opposaient à la cour.

Qu’ils se réclament des réformes ou s’y opposent, les opportunistes avaient le champ libre. C’est ce qu’illustrent les règnes des deux fils de Shenzong. À la contre-réforme menée sous la régence qui ouvrit le règne de Zhezong entre 1085 et 1093 succéda entre 1093 et 1100 une reprise des réformes, voulue par l’empereur. À la suite de quoi, après quelques hésitations, Huizong, son frère, ouvrit un nouveau chapitre en confiant de façon quasiment continue à un groupe de fidèles, dont ses suivants et des eunuques du Palais, le soin de conduire plusieurs réformes.

Grues de bon augure au-dessus du palais, 1112, Empereur Huizong,  Liaoning Provincial Museum. Agrandissement : Détail de Mille li de rivières et montagnes, Wang Ximeng, 1113, Dynastie des Song du Nord, Pékin, Musée du Palais.

Les unes visaient à montrer la bienveillance de l’empereur par la création de dispensaires et d’hospices ou encore par la réorganisation des examens. Les autres magnifiaient le règne d’un authentique empereur-lettré, connu encore aujourd’hui pour ses collections de peintures, de calligraphies et d’objets rares, réunies dans tout l’empire pour converger vers sa capitale. On persuada en outre Huizong qu’il serait celui qui assurerait enfin la reconquête des territoires frontaliers perdus au xe siècle. Les Song s’allièrent alors avec la nouvelle puissance du Nord, les Jurchen, leur donnant de fait l’occasion de découvrir leurs faiblesses. En deux campagnes, les armées Jurchen, qui venaient de détruire les Liao, prirent le contrôle de la plaine du Nord, mirent à sac Kaifeng en 1127 et emmenèrent en captivité Huizong et son fils, Qinzong, en faveur duquel l’empereur avait abdiqué dans la tourmente.


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Histoire de la Chine
Publié ou mis à jour le : 2024-04-30 17:57:32

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