25 mars 2014 : la société Aristophil a ramené de Genève à Paris le sulfureux manuscrit du marquis de Sade. Il sera bientôt présenté au public à l'Hôtel de La Salle, siège de la société.
Le marquis Donatien de Sade (1740-1814), qui fut incarcéré au total pendant vingt-sept ans, profita si l'on peut dire de son oisiveté forcée pour mettre par écrit les délires de son imagination libertine.
À la Bastille, en 1785, dans la crainte de voir ses manuscrits saisis, il mit au net le plus précieux d'entre eux, Les Cent-Vingt journées de Sodome, sur d'étroits feuillets de 11,5 cm, couverts recto-verso d'une écriture très fine et collés bout à bout jusqu'à former un rouleau de douze mètres qu'il rangea dans un étui en cuir, dans un interstice de sa cellule.
Arriva ce qui devait arriver ; dans la nuit du 3 au 4 juillet 1789, le gouverneur de la forteresse le fit transférer sans avertissement à l'hospice de Charenton. Quelques jours plus tard, le 11 juillet (trois jours avant la prise de la Bastille), un certain Arnoux de Saint-Maximin (Provence) serait entré dans la cellule à la faveur de l'état des lieux et se serait emparé de l'étui et du manuscrit. Ainsi commença l'épopée clandestine du plus sulfureux texte érotique en langue française.
Le rouleau devint la propriété de la famille des marquis de Villeneuve-Trans, qui le conserva pendant trois générations. À la fin du XIXe siècle, il fut vendu à un psychiatre berlinois Iwan Bloch. En 1904, comme l'on sortait d'un siècle de pudibonderie bourgeoise, il eut l'audace de publier, sous le pseudonyme d’Eugène Dühren, une première version du texte, avec toutefois de nombreuses erreurs de transcription.
En 1929, Charles de Noailles, dont l'épouse Marie-Laure descendait du marquis de Sade par sa mère, racheta le manuscrit et en publia, de 1931 à 1935, une édition limitée aux « bibliophiles souscripteurs » pour éviter la censure. En 1982, Nathalie de Noailles, leur fille, confia le texte à l'éditeur Jean Grouet, qui souhaitait l'étudier mais quelques mois plus tard, quand ce dernier lui restitua le coffret, l'étui en cuir était vide ! L'éditeur indélicat avait dérobé le manuscrit et avait trouvé moyen de le revendre pour 300.000 francs au collectionneur suisse de livres rares et érotiques, Gérard Nordmann.
Au terme d'une série d'actions juridiques, l'acheteur fit valoir sa bonne foi et obtint la propriété du rouleau qu'il put présenter au public pour la première fois à la fondation Martin Bodmer près de Genève, en 2004.
Les 120 jours de Sodome arrivent aujourd'hui au terme de leurs pérégrinations...
L'hôtel de La Salle expose le rouleau de Sade
Par un coup de maître, Gérard Lhéritier, fondateur d'Aristophil, a donc racheté le rouleau mythique du marquis de Sade pour la somme rondelette de sept millions d'euros !
Après l'avoir en vain « offert » à la Bibliothèque Nationale de France (BNF) en contrepartie d'une déduction fiscale, il se propose de l'exposer à partir de septembre 2014 au rez-de-chaussée de l'hôtel de La Salle. Le manuscrit ne sera pas dépaysé dans cet édifice aristocratique du XVIIIe siècle aux dorures et lambris peints. La salle d'exposition sera accessible aux visiteurs du musée des Lettres et manuscrits.
Peut-être aussi le rouleau figurera-t-il au musée d'Orsay à l'automne 2014, dans le cadre d'une grande exposition sur le visible et l'invisible destinée à commémorer le bicentenaire de la disparition du « divin marquis » (2 décembre 1814).
Gérard Lhéritier, gestionnaire en patrimoine, a fondé en 1990 la société Aristophil. Ce fonds d'investissement d'un type inédit achète partout dans le monde des manuscrits rares et prestigieux et les revend en indivision à des pools d'épargnants. Ceux-ci peuvent défiscaliser leur placement au titre du mécénat, en attendant que leur manuscrit, conservé dans une chambre forte, soit revendu avec profit par Aristophil.
Aristophil dispose au total d'un fonds de près de cent mille manuscrits pour une valeur estimée à 850 millions d'euros. À des fins de promotion, la société a ouvert un beau musée des Lettres et manuscrits, 222, boulevard Saint-Germain (Paris 7e). Elle a par ailleurs installé son siège dans le très bel hôtel de La Salle, 21 rue de l'Université (Paris 7e)...
En mars 2015, insensibles au mécénat, les inspecteurs de la répression des fraudes ont vu dans cette entreprise une variante de la « pyramide de Ponzi » et mis en examen son fondateur.
Voir : Le « dernier libertin » |
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Publié ou mis à jour le : 2016-06-30 14:08:57
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