Dans ses limites actuelles, dessinées par les Français en 1923, l'État du Liban a une superficie de 10 452 km2. C'est l'équivalent du département de la Gironde et un peu plus que la Corse ! Mais il est très peuplé avec environ six millions d'habitants en 2020, soit une densité exceptionnelle de près de 600 habitants/km2.
La démographie et le poids respectif des différentes communautés religieuses demeurent très incertaines car aucun recensement général n'a été effectué depuis 1932, sous le mandat français (1920-1946). Un fait qui s'explique par les implications qu'auraient ses résultats sur le partage politique du pouvoir entre chrétiens, musulmans chiites et sunnites, druzes, etc.
Autrefois qualifié de « Suisse du Moyen-Orient » en raison de sa prospérité et de la bonne entente de ses communautés, le Liban a sombré en 1975 dans une spirale irrépressible de violence et de pauvreté sous l'effet des guerres régionales, faisant hélas la démonstration que rien n'est jamais complètement acquis. En l'espace d'une génération, il est tombé en 2021 au rang d'État failli. Sinistre avertissement pour les pays dits développées qui seraient tentés de sacrifier leur cohésion nationale et étatique (note).
Le Mont-Liban
Le pays doit son nom à une montagne, le Mont-Liban (ou mont Liban). Autrefois couvert de belles forêts de cèdres, il s'élève jusqu'à 3083 mètres au-dessus du littoral méditerranéen. Il est bordé d'étroites plaines littorales séparées par des promontoires rocheux. Les climats vont du tropical au montagnard en passant par le méditerranéen et le subdésertique (dans la plaine de la Bekaa, à l'est du mont Liban). Les paysages sont à couper le souffle.
Le Mont-Liban est essentiellement peuplé de Maronites, une confession chrétienne orientale néanmoins rattachée à Rome et au pape. Il compte aussi de nombreux Druzes, musulmans en marge de l'islam orthodoxe, ainsi que diverses communautés opprimées par les Turcs : Arméniens, Grecs orthodoxes ou catholiques, Kurdes...
Les habitants ont longtemps vécu repliés dans leurs villages, dans des clans jaloux de leur autonomie, sous l'autorité de seigneurs, les « émirs de la montagne », qui ont mené la vie dure au sultan d'Istamboul. Ils ont aussi émigré en très grand nombre sur tous les continents à partir du milieu du XIXe siècle.
Montagne et mer
Au XIXe siècle, le sultan ottoman mit fin à l'autonomie de ces communautés et pour consolider son autorité, n'hésita pas à les monter les unes contre les autres. S'ensuivirent alors les premiers massacres de chrétiens. Les Occidentaux intervinrent. La France, qui se présentait comme la protectrice des chrétiens de l'empire ottoman depuis un accord conclu entre François Ier et Soliman le Magnifique, envoya un contingent sur place le 16 août 1860.
Après la Première Guerre mondiale, sur les dépouilles de l'empire ottoman, la France s'attribue un mandat sur la région et, pour faire droit aux revendications des communautés chrétiennes de la montagne, découpe dans cet ensemble l'État du Liban. Au Mont-Liban sont adjoints la vallée orientale de la Bekaa et les plaines littorales, où, dans la haute Antiquité, s'était épanouie la civilisation phénicienne, à l'origine de notre alphabet. La frontière avec la Syrie, également sous protectorat français, correspond à la ligne de crête de l'Anti-Liban.
Le protectorat français du Liban inclut de la sorte de nombreuses confessions chrétiennes, outre les Maronites (Arméniens, Grecs orthodoxes ou catholiques, Assyro-Chaldéens etc), globalement majoritaires, mais aussi d'importantes communautés musulmanes chiites et sunnites à forte natalité.
Prenant acte de la diversité religieuse, les Français ont doté en 1926 le Liban d'une Constitution qui a officialisé le « communautarisme politique ».
Elle reconnaît dix-sept confessions. Parmi les douze confessions chrétiennes, certaines sont rattachées à Rome (Maronites, Grecs catholiques, Arméniens catholiques, Syriaques catholiques, Chaldéens catholiques), d'autres ne reconnaissant pas l'autorité du pape (Grecs orthodoxes, Arméniens orthodoxes, Chaldéens orthodoxes, Syriaques monophysites). S'y ajoutent les catholiques latins et les protestants. Les musulmans, plus nombreux depuis l'installation des Palestiniens, se partagent en sunnites et chiites, auxquels s'ajoutent des communautés syncrétiques, les Alaouites et les Druzes. Enfin, il faut compter une très petite minorité juive.
Ce communautarisme a été entériné par un Pacte national (non écrit) formulé le 22 novembre 1943, au moment de l'indépendance. Il en résulte que chacune des 17 communautés religieuses a ses propres députés. Le président de la république doit encore aujourd'hui être un chrétien maronite, le chef du gouvernement un musulman sunnite et le président de la Chambre des députés un musulman chiite.
Sur cette base communautariste, l'indépendance a été suivie de trois décennies plutôt heureuses, prospères et paisibles, une exception au Moyen-Orient.
Rupture de l'équilibre démographique
Mais les communautés libanaises n'ont pu longtemps échapper aux convulsions régionales
Le savant équilibre politique du pays a été déséquilibré par la faible fécondité des communautés chrétiennes et l'émigration. Qui plus est, le Liban a accueilli après 1948 des Palestiniens très majoritairement musulmans (environ 400 000) chassés par le conflit entre Israël et ses voisins). Enfin, la guerre civile en Syrie, à partir de 2011, a entraîné l'afflux au Liban d'environ 1,5 millions de réfugiés essentiellement sunnites.
En conséquence, les chrétiens maronites, majoritaires dans le pays jusque dans les années 1970-1980, ne représentent plus qu'un quart environ de la population libanaise en ce début du XXIe siècle, l'ensemble des confessions chrétiennes étant désormais minoritaires (environ 40% de la population libanaise en 2020). Les Druzes représenteraient un dixième de la population. Les autres communautés dominantes sont les sunnites et surtout les chiites, qui bénéficient du soutien actif de l'Iran et prétendent représenter désormais à eux seuls 40% de la population du pays.
Ces déséquilibres démographiques ont produit une longue guerre civile...
Les troubles civils ont débuté le 13 avril 1975 quand des militants du parti social nationaliste syrien tentèrent d'assassiner un dirigeant chrétien lors de la consécration d'une église.
Il s'ensuivit un accrochage meurtrier entre les Phalanges, milices paramilitaires chrétiennes, et des militants palestiniens. La guérilla urbaine dégénéra en guerre civile après le massacre des chrétiens de Damou en janvier 1976.
Les milices chrétiennes affrontèrent dès lors les milices palestiennes établies dans le pays puis les milices chiites. Le dictateur syrien Hafez el-Assad sauta sur l'occasion pour intervenir avec ses troupes en soutien des milices chiites.
En 1982, ce fut au tour des troupes israéliennes d'envahir le pays. Des troupes françaises et américaines mandatées par l'ONU furent victimes d'un double attentat le 23 octobre 1983. Face à la menace de chaos, elles se résignèrent à se retirer de même que l'armée israélienne.
Le Liban subit enfin une occupation par les troupes syriennes en 1987 et les accords de Taëf (Arabie séoudite), le 23 octobre 1989, fit espérer la fin de la guerre civile... au prix d'un protectorat syrien. Bénéficiant tout à la fois du soutien de la Syrie et de l'Iran, les chiites, jusqu'alors tenus en marge de la vie politique, acquirent plus de visibilité. Le Hezbollah, bras armé de leur communauté, allait désormais s'imposer comme l'acteur majeur du pays...
Les autres milices ne désarmèrent pas pour autant et la classe politique ne se résigna pas à passer sous les ordres de Damas. Après l'assassinat de l'ex-Premier ministre sunnite Rafic Hariri dans un attentat à la voiture piégée, le 14 février 2005, le peuple libanais, pour une fois réuni, organisa d'immenses manifestations et contraignit la Syrie à retirer ses troupes du Liban au terme de ce que l'on appelle pompeusement la « révolution du cèdre ».
Le temps de l'illusion
Timidement, malgré la « cantonisation » du pays, la persistance des milices, la prééminence du Hezbollah et les incursions périodiques des voisins israéliens et syriens, un nouveau Liban tenta de se construire sur les ruines du passé avec les pétrodollars des émirats du Golfe Persique et les dollars de la diaspora libanaise, plus nombreuse et bien évidemment beaucoup plus riche que la population libanaise elle-même.
Un homme, Riad Salamé, gouverneur de la banque centrale à partir de 1992, allait habilement faire « fructifier » ces pétrodollars et dollars en promettant à leurs détenteurs un taux d'intérêt exorbitant (20%) tout en indexant la livre libanaise sur le dollar américain. C'est ainsi que sans rien produire ni exporter, sans autre recette que les devises apportées par les touristes du Golfe, l'État, les milices, et dans une moindre mesure les citoyens, allaient pouvoir vivre à crédit au moins pendant la première décennie du XXIe siècle.
Mais la guerre civile en Syrie, consécutive au si mal nommé « printemps arabe », réveilla les démons de la discorde et fit sombrer pour de bon le Liban dans le sous-développement et la faim, sans que les six chefs communautaires : les chiites Hassan Nasrallah (Hezbollah) et Nabih Berri (Amal), le sunnite Saad Hariri, les chrétiens Michel Aoun, président de la République, et Samir Gagea (Forces libanaises) et le Druze Walid Joumblatt, tentent quoi que ce soit pour réformer un système clientéliste très profitable pour ce qui les concerne.
L'évocation quelque peu mythique des Cananéens et des Phéniciens ne fait plus recette au « pays du Cèdre ».
La Syrie et le Levant
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B.QUERRY (22-11-2013 17:07:17)
Liban Pourquoi mon beau pays, poursuivi par le sort, Faut-il te supporter cette situation, De subir en ton cœur une autre destruction. Mais étant le petit, tu as forcément tort. La médite... Lire la suite