Chaque début de siècle ferait-il surgir de nouvelles Vénus préhistoriques ? Le fait est qu’au début du XXe siècle et du nôtre, de nombreuses statuettes du Paléolithique supérieur représentant des femmes ont été découvertes. 250 spécimens environ ont été ainsi découverts à travers toute l’Europe et jusqu’au fin fond de la Sibérie.
Qui étaient ces femmes ? Quel but poursuivaient les sculpteurs… ou sculptrices ? De quels pouvoirs étaient investies ces statuettes ? Préhistoriens et archéologues ont déjà formulé plusieurs hypothèses...
Les Vénus de la Préhistoire
La première Vénus a été trouvée en 1864 en Dordogne dans l’abri préhistorique de Laugerie-Basse aux Eyzies-de-Tayac par le marquis Paul de Vibraye, archéologue amateur.
Cette figurine féminine de 75 mm de haut, sculptée dans l’ivoire de mammouth, a été attribuée à la période magdalénienne récente, soit entre 21 000 et 14 000 avant le présent (BP, soit Before Present en anglais).
Sans tête, ni bras, ni pieds, la poitrine plate, elle fut appelée dans un premier temps « l’idole impudique » en raison de sa fente vulvaire bien visible et en opposition à la « Vénus pudique » de l’Antiquité. Le marquis la renomma quelques années après la Vénus impudique. Il fut le premier à associer le terme de Vénus à une statuette de la Préhistoire.
D’autres Vénus suivirnt. Trente ans après la découverte de Paul de Vibraye, Edouard Piette découvrit en 1894 dans les Landes la Vénus de Brassempouy, appelée également Dame à la capuche. C'est ensuite en 1922 la découverte de la Vénus de Lespugue, dans le Comminges.
Ressemblant à cette dernière, la Vénus de Dolní Věstonice, fut trouvée en République tchèque en 1925.
La statuette la plus ancienne daterait de 35 000 à 40 000 ans BP. Découverte en 2008, en Allemagne, dans le Jura Souabe, la Vénus de Hohle Fels en ivoire de mammouth fait reculer de près de 10 000 ans la date de la première apparition de ce type de représentation féminine, jusqu’alors attribuée au Gravettien.
Plus récemment encore, en 2014, quinze Vénus de Renancourt ont été retrouvées à Amiens. Sculptées dans la craie, ces statuettes mesurent entre 3 et 12 cm et sont datées de 23 000 ans.
Même fessier proéminent, mêmes seins tombants, il se pourrait que le site de Renancourt ait pu être un atelier de fabrication de figurines féminines. Les archéologues tentent encore aujourd’hui de comprendre le statut de ces objets et leurs fonctions.
Un mystère, une fécondité... artistique
La majorité de ces statuettes représentent des parentés culturelles et semblent obéir à une convention géométrique. De petite taille, entre 3 et 25 centimètres, certaines devaient probablement être transportées, telle la Vénus au cou perforé de Grimaldi. D’autres étaient peintes avec de l’ocre, comme la Vénus de Willendorf et la Vénus de Laussel.
Objet de culte, expression du désir charnel, de l’existence d’une société matriarcale, objet magique, ludique ? Culte de la déesse-mère ? Amulettes propitiatoires destinées à aider l’enfantement, avec les organes de la maternité manifestement exagérés : seins, fesses et hanches (Willendorf, Renancourt) ? Art pur comme la belle figure de Brassempouy ? Les interprétations ne manquent pas et les recherches se poursuivent. Si toutes ces statuettes ne sont pas stéatopyges (avec un dessier proéminent), la partie centrale, ventrale est pourtant très souvent mise en avant.
« Certaines de ces Vénus ont été retrouvées dans des fosses de rebut. C'est le cas notamment sur le site de Kostienki, dans la Vallée du Don, en Russie. Elles auraient donc été jetées intentionnellement (...). Étaient-elles des symboles de fécondité ? Servaient-elles aux femmes pendant la période de grossesse et devait-on les détruire ensuite ? », s’interroge la paléontologue Claudine Cohen.
Selon l’historien de l’art Leroy D. McDermott, les figurines féminines ont été sculptées par les femmes elles-mêmes au moment où elles étaient enceintes (note). Elles se seraient représentées telles qu'elles se percevaient en baissant la tête.
Le mystère continue d'entourer ces émouvantes « Vénus ». Difficile d’en tirer des renseignements sur le statut des « Européennes » au Paléolithique supérieur. Mais gardons-nous en tout cas d’y voir une représentation réaliste des femmes de l’époque.
Bibliographie
Nathalie Rouquerol et Fañch Moal, La Vénus de Lespugue révélée, 2018, Locus Solus,
Philippe Grosos, Signe et forme, 2017, Les Éditions du Cerf,
Claudine Cohen, Femmes de la Préhistoire, 2016, Belin.
Si aujourd’hui, le mot Vénus fait, dans l’imaginaire collectif, référence à la déesse de l’Antiquité Aphrodite, il évoque encore en 1922, date de la découverte de la Venus de Lespugue, la tragique histoire de Saartje Baartman, jeune femme boshiman, réduite en esclavage et exhibée dans toutes les capitales d’Europe tel un phénomène de foire pour son large postérieur.
Connue sous le surnom de la « Vénus Hottentote », Saartje Baartman meurt en 1815 à Paris. Le moulage de son corps et ses organes génitaux, disséqués par le naturaliste Georges Cuvier, seront exhibés tout au long des XIXe et XXe siècles au Muséum d’Histoire naturelle puis au musée de l’Homme (ouvert en 1937). Sa dépouille n’a été rendue aux descendants de son peuple d’Afrique australe qu’en 2002.
Aussi les archéologues et préhistoriens actuels préfèrent-ils le terme « statuette », « figurine », ou encore « Dame » pour désigner les statuettes provenant de la Préhistoire.
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