Les historiens appellent Moyen Âge (ou période intermédiaire) la longue période de l'Histoire occidentale qui court de la fin de l'Antiquité à la découverte de l'Amérique (1492).
Le haut Moyen Âge désigne les siècles les plus obscurs de cette période. Il débouche sur la division de l’ancien empire romain entre trois empires très différents :
• l'empire byzantin, resté très proche du modèle antique,
• l'empire arabo-musulman, en rupture avec le passé chrétien de l'Occident,
• l'empire de Charlemagne, vague réminiscence de l'empire romain, marqué par ses racines germaniques et coupé de l'Orient antique du fait de l'invasion arabe.
Vers l'An 800, tandis que règne à Bagdad le calife Haroun al-Rachid, Charlemagne règne à Aix-la-Chapelle, près du Rhin, sur l'Empire d'Occident. À Constantinople, sur le Bosphore, Irène gouverne l'empire byzantin.
Haroun al-Rachid, Charlemagne, Irène... Ces trois personnages magnifiés par la légende symbolisent une période de transition. Sous les cendres de l'empire romain, un monde nouveau est en train de germer mais les contemporains n'en ont guère conscience.
Autour de la Méditerranée, la paysannerie vit dans une extrême misère. La paix est sans cesse violée et, qui plus est, de nouvelles vagues d'envahisseurs se profilent au nord et à l'est (Vikings, Magyars).
Le haut Moyen Âge se clôt aux alentours de l'An Mil avec l'émergence des États modernes et l'épanouissement en Europe d’une nouvelle civilisation, la nôtre.
La tradition qui désigne l'année 476 comme marquant la fin de l'Antiquité n'a aucune signification historique en-dehors de l'Europe occidentale (l'année 476 se signale seulement par la déposition à Ravenne, en Italie, d'un enfant-empereur sans pouvoir). Cette tradition trouve son origine dans la volonté des historiens français du XIXe siècle de faire remonter les origines de leur pays à Clovis, roi des Francs et fondateur de la dynastie mérovingienne, qui vécut à cette époque (vers 465-511).
Après la mort de mort de Mahomet, les Arabes profitent des guerres et des querelles qui divisent Perses et Byzantins pour conquérir la Syrie, l’Égypte, la Mésopotamie (devenue Irak) et la Perse elle-même. Ils atteignent les portes de la Chine et l’Afrique du nord. Les populations se soumettent sans trop de difficultés à ces conquérants qui se contentent de leur imposer un tribut.
Une troupe de musulmans, sous la conduite d’un chef dénommé Tarik, traverse le détroit qui sépare l’Afrique de l’Espagne. Le lieu du débarquement prend le nom de djebel al-Tarik (la montagne de Tarik), dont nous avons fait... Gibraltar. Les envahisseurs s’emparent de l’Espagne et peu après, un prince arabe fonde à Cordoue, en Andalousie, un émirat indépendant.
Les califes, chefs suprêmes des musulmans, résident quant à eux à Damas, capitale de la Syrie. Enfin, ils se transportent sur les bords du Tigre, non loin de l’antique Babylone, dans une ville nouvelle dénommée Bagdad (en persan, Don de Dieu). La ville est aussi surnommée en arabe Dar as Salam (la Cité de la Paix).
Toutes les richesses du monde méditerranéen affluent vers Bagdad, faisant de cette cité d’un à deux millions d’habitants la plus prestigieuse et la plus grande de son époque.
Carrefour entre les mondes grec, persan et indien, Bagdad atteint son apogée sous le règne du calife Haroun al-Rachid (786-809). Elle offre alors l'exemple d'une civilisation raffinée dont les contes des Mille et une Nuits nous conservent le souvenir. Ses commerçants entretiennent des relations avec le monde entier. Ses poètes chantent le vin et l'amour. Ses mathématiciens empruntent aux Indiens la numérotation moderne et le zéro...
Dans tout l’empire mais aussi dans l’émirat indépendant de Cordoue, en Espagne, et dans le royaume du Maroc, s’épanouit un artisanat prospère. Les Arabes développent l’irrigation et introduisent de nouvelles cultures en Occident : riz, haricot, chanvre, canne à sucre, mûrier,...
L'empire de Bagdad décline très vite sous l'effet de l'incurie administrative, des injustices sociales, des révoltes d'esclaves et des tensions entre chiites et sunnites, deux formes rivales de l’islam apparues un demi-siècle après la mort de Mahomet.
La prospérité de l’empire repose en effet sur des bases fragiles : l'oppression de la paysannerie par les dignitaires et l'esclavage.
Les commerçants de Venise font fortune en livrant aux musulmans des prisonniers de guerre originaires des régions slaves de l'Est de l'Europe, encore païennes.
C'est ainsi que le mot Esclavon (ou esclave), synonyme de Slave, se substitue au latin servus (que l'on retrouve dans servile et serf) pour désigner une personne privée de liberté. Mais ce commerce se tarit à mesure que les Slaves se convertissent au christianisme.
Les Arabes se tournent vers l'Afrique noire, où l'esclavage est une institution solidement établie. Le trafic d'esclaves noirs vers l'Orient arabe va prospérer pendant plus d'un millénaire. Il va concerner dix à quinze millions d'individus, soit à peu près autant que la traite européenne entre 1500 et 1800. La plupart des esclaves sont émasculés pour empêcher qu'ils ne fassent souche et parce que le réapprovisionnement est facile et bon marché.
De nombreux esclaves noirs travaillent très durement dans les zones marécageuses du sud de l'Irak. N'en pouvant plus d'être maltraités, ils s'insurgent mais leur révolte est réprimée sans concession au prix de 500.000 à 2,5 millions de victimes ! Cette épreuve ébranle l’empire arabe.
Un peu plus tard, le calife al Qadir interdit toute nouvelle interprétation du Coran (1019). C'est un coup d'arrêt brutal au développement de l'esprit critique et aux innovations intellectuelles et scientifiques dans l'empire arabe. C’est le début d’un inexorable déclin.
Tandis que les premiers califes s’emparaient de l’Orient et atteignaient les Pyrénées, l’Occident chrétien sombrait dans la barbarie sous la conduite désordonnée des descendants de Clovis.
Un sursaut se produit avec un chef énergique, Charles Martel, qui arrête une incursion arabe aux environs de Poitiers (25 octobre 732). Son petit-fils Charles reçoit la couronne royale à la place de l’héritier mérovingien. Et le 25 décembre 800, à Rome, le souverain pontife lui confère le titre inédit d'« Empereur des Romains ». L’Histoire le connaît sous le nom de Charlemagne (une déformation du latin Carolus Magnus, qui signifie Charles le Grand).
Bien qu’illettré, Charlemagne révèle des qualités exceptionnelles comme chef de guerre et plus encore comme administrateur. C’est au point que certains historiens parlent de son long règne (774-814) comme d’une première Renaissance ! À Aix-la-Chapelle, sa capitale, qu’il a choisie en raison d’une source thermale propice à sa santé, il fait venir des moines irlandais et anglo-saxons qui rétablissent l’enseignement du latin et son usage comme langue administrative. On leur doit d’utiliser encore beaucoup de mots d’origine latine dans notre langue de tous les jours. On leur doit aussi l’écriture caroline avec des lettres attachées.
Chaque année ou presque, Charlemagne fait la guerre. Il court d’un bout à l’autre de son empire pour repousser les envahisseurs et soumettre les rebelles (Saxons, Lombards, Arabes d’Espagne, Aquitains, Bretons, Croates, Avars du Danube,…). Son empire s’étend de l’Elbe (Allemagne) à l’Ebre (Espagne). En Italie, il s’arrête du côté de Ravenne, là où commencent les États du pape.
Charlemagne n’ayant qu’un fils survivant, celui-ci maintient l’unité de l’empire. Mais lorsqu’il décède à son tour, ses trois fils se déchirent l’héritage.
À Strasbourg, Charles le Chauve et Louis le Germanique font serment d’alliance contre le cadet, Lothaire (14 février 842). Le premier s’exprime dans la langue tudesque des soldats de son frère et, réciproquement, le deuxième dans la langue romane. Le tudesque donnera le jour à l’allemand et le roman au français. Ces serments de Strasbourg la première trace que nous avons des langues modernes.
Ces querelles d’héritage surviennent au plus mauvais moment, lorsque font irruption en Occident de nouvelles vagues d’envahisseurs. Les Vikings venus de Scandinavie sèment la terreur le long des grands fleuves (Seine, Loire,…). Les Sarrasins s'établissent en Sicile et en Provence. Ils poussent des razzias jusqu'à Rome et dans les Vosges. Les Magyars ou Hongrois, venus de Sibérie, effectuent des chevauchées jusqu'à... Nîmes.
Moins d’un siècle après sa fondation, l’empire de Charlemagne est au plus mal. Les héritiers du grand empereur, incompétents, délèguent à chacun de leurs meilleurs guerriers la défense d'une portion du territoire. Ainsi, la plupart des terres passent sous la coupe d'un seigneur qui en perçoit les revenus. En échange d’une participation à la guerre, ces seigneurs obtiennent de leur souverain le droit de léguer leur terre à leur fils aîné.
Mais dans cette atmosphère de fin du monde émergent les premiers signes d’un renouveau. Il va sans dire que les contemporains n’en ont aucune conscience. En Bourgogne, en un lieu inculte appelé Cluny , une poignée de moines obtiennent du duc d’Aquitaine le droit d’installer une abbaye qui, chose nouvelle, n’aura de comptes à rendre qu’au pape. Très vite, les abbés de Cluny acquièrent une autorité morale très forte dans toute la chrétienté occidentale. Ils en usent pour adoucir les mœurs des guerriers et des rois.
Le roi carolingien Charles le Simple conclut un accord avec les Vikings et les établit à l’embouchure de la Seine, dans une région qui va prendre leur nom (Normandie). Les nouveaux-venus vont désormais mettre leur énergie au service de la chrétienté. Quant aux Sarrasins établis près de l’actuel port de Saint-Tropez, dans le massif des Maures, ils sont purement et simplement chassés.
De l’autre côté du Rhin, les grands seigneurs, lassés par l’ineptie des héritiers carolingiens, élisent l’un des leurs à leur tête : Conrad de Franconie. Ils lui confèrent le titre de roi (24 septembre 911). Cette élection marque la naissance de l’Allemagne. Sur son lit de mort, Conrad 1er désigne pour successeur le duc Henri de Saxe, dit l'Oiseleur.
Le fils et successeur de ce dernier, Otton 1er , se porte au-devant d’une bande de Hongrois. Il les défait sur le champ de bataille du Lechfeld, près de Vienne. Sa victoire a un immense retentissement dans la chrétienté occidentale. Elle met un terme définitif aux grandes invasions. Désormais, pendant plus de mille ans, l’Europe occidentale ne va plus connaître aucune immigration significative d’où que ce soit.
Fort de sa victoire, Otton 1er ne se contente pas du titre de roi d’Allemagne. Il se fait couronner à Rome roi des Romains et… « Empereur et Auguste ». Le Saxon prétend de la sorte restaurer l'empire carolingien.
Comme tous ses successeurs, il tient d’ailleurs à s'asseoir sur le trône de pierre de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle, à la place de Charlemagne. L’empire d’Otton, ou 1er Reich allemand, sera plus tard connu sous le nom de Saint Empire romain germanique. Il sera supprimé par Napoléon 1er en 1803.
En Francie occidentale, ancien nom de la France, les grands seigneurs suivent l’exemple de leurs homologues d’Outre-Rhin. Ils élisent à leur tête l’un des leurs, le comte de Paris Hugues Capet, et lui confèrent le titre de roi (3 juillet 987). Les héritiers directs de Charlemagne passent à la trappe. Une page se tourne.
En Chine, où la dynastie des T’ang a depuis longtemps laissé la place à la division et à l’anarchie, un guerrier du nom de T’ai-tsou s’empare du pouvoir en 960. Il restaure l’unité de l’empire et fonde la grande dynastie des Song.
L'Atlas historique de Franz Schrader (1922)
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