Allemand né au Danemark et établi en France, Jean-Joseph Vonschriltz a été tué à la guerre en 1709, pour la plus grande gloire du Roi-Soleil !
Il laisse une veuve et deux fils. Cette deuxième partie est le récit de leur histoire.
Sur les traces de leur père
En matière de généalogie, la recherche n’est souvent rendue possible que par la production de documents liés à un dysfonctionnement du système. Jean-Joseph Vonschriltz ayant été tué à Malplaquet le 11 septembre 1709, le roi Louis XIV alloua une pension de 300 livres à sa veuve Antoinette Jumelet le 20 avril 1710. Mais le décès de celle-ci , le 7 mars 1731, interrompit tout versement, mettant ses fils Jean-Baptiste et Louis-Joseph, chargés de famille, en grande difficulté. Ils réclamèrent alors le rétablissement de la pension.
Le 14 octobre 1736, les deux frères Vonschriltz déposent une pétition accompagnée de nombreuses pièces justificatives. C’est ce dossier qu’on peut retrouver aux Archives du Service historique de la Défense à Vincennes (note).
Les enfants n’ont plus touché la pension depuis cinq ans. N’ayant pu vivre que d’emprunts, ils demandent au ministre de la Guerre Nicolas d’Angervilliers le rétablissement de la pension et l’augmentation des arrérages. Ainsi, le fils aîné Jean-Baptiste percevra cette pension jusqu’en 1745, date de son décès au service du régiment de Brissac cavalerie.
Du fait d’un privilège de la noblesse et sans que l’État se préoccupe des origines étrangères de cette famille, les deux fils ont donc suivi leur père et entamé des carrières militaires. La suite est un exemple de ce qu’on appellerait aujourd’hui l’intégration.
Jean-Baptiste, l’aîné (également appelé Patris Jean), dit Lefebvre, est au service de l’État en tant que cavalier depuis environ 1729 dans le régiment de cavalerie du duc de Brissac (dit « Royal Champagne »), compagnie de Felineau, régiment de cavalerie de La Mothe-Houdancourt.
Il est poignardé dans un détachement près « Saint-Benedicto » (des coups de sabre « au travers du corps » « dont il s’est parfaitement guéri ») lors des échauffourées qui se déroulent à San Benedetto Po en 1734, dans le contexte de la guerre de succession de Pologne, pendant la bataille de San Pietro. Au commandement du « Royal Champagne », régiment victorieux dans le Milanais, nous retrouvons le maréchal de Villars, blessé à la bataille de Malplaquet en 1709 et aujourd’hui âgé de 81 ans à la tête de ce bataillon prestigieux.
Une famille parisienne
Louis-Joseph Vonschriltz, dit Desmoulins, le fils cadet, est né à Paris vers 1706 dans le faubourg Saint-Marcel. Il s’est engagé le 30 avril 1725 pour six ans. Amené auprès d’Antoine de Gramont, duc de Louvigny, par Desmoulins, sergent de la compagnie du Régiment des gardes françaises, le surnom de son sergent sera accolé à son nom.
Le Régiment des gardes françaises, qui a également combattu à la bataille de Malplaquet, était composé principalement de Parisiens. Il servait la Maison du Roi, dont il assurait la protection. Soldat de la compagnie de M. de Terlaye, capitaine du régiment des gardes françaises, Louis-Joseph a servi cette compagnie pendant six ans en tant que « hautbois ».
Mesurant 5 pieds 4 pouces (1,62 m), un document le décrit comme suit : « cheveux et sourcils châtains, les yeux gris, le visage marqué de petite vérole. » Il épouse en 1727 une demoiselle Monchaussé avec laquelle il aura au moins six enfants.
Son beau-père, Pierre Monchaussé, est maître tailleur rue Charpentier. Depuis son congé du 28 août 1730, Louis-Joseph a quitté définitivement l’armée. Au civil, il est compagnon ciseleur et graveur. C’est lui qui propulse la famille dans l’élite de l’artisanat parisien du XVIIIe siècle. Son fils aîné, Charles-Louis, né peu après le mariage de ses parents, épouse en 1751, paroisse Saint-Gervais, une demoiselle Letrône. Un nom qu’on trouve fréquemment dans les généalogies parisiennes.
Son beau-père est charpentier. Lui est fondeur en cuivre. Avant la Révolution, il est fondeur ciseleur rue de la Mortellerie puis, peu avant sa mort, en 1793, rue du Marché Saint-Jean.
Parmi les familles alliées à ses frères et sœurs, on trouve les Taffoureau et les Rime (famille au service de la noblesse). Ignace est maître fondeur. Maurice Henry Vonschriltz, né vers 1747 paroisse Saint-Merri, est lui aussi ciseleur. On le retrouve à sa mort en 1805, sans enfant, « porteur d’eau au tonneau ». Il n’y aura guère de descendance masculine et le nom semble s’être éteint en France.
Les enfants de Charles-Louis Vonschriltz auront en revanche une descendance nombreuse. En effet, les deux aînés, Jean-Louis, « bourgeois de Paris » grande rue du Faubourg Saint-Antoine et Louis-Victor, émigrèrent au États-Unis en 1790. Comment vont-ils vivre le mirage américain ?
À suivre dans le dernier volet de cette saga…
Les artisans parisiens ont été recensés dans le fichier Laborde, consultable sur Gallica (Répertoire alphabétique de noms d'artistes et artisans, des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, relevés dans les anciens registres de l'État civil parisien par le marquis Léon de Laborde, dit "Fichier Laborde"). Ce fichier contribue à pallier la destruction des collections parisiennes pendant la Commune de Paris.
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