58 à 51 av. J.-C.

La guerre des Gaules et Vercingétorix

Au premier siècle avant notre ère, Rome domine tout le bassin méditerranéen mais la fière République ne souffre pas moins d'une grave crise politique interne.

Des généraux ambitieux, au premier rang desquels Jules César, voudraient s'emparer du pouvoir et mettre de l'ordre dans les institutions. César va y réussir après s'être acquis la gloire militaire par la soumission de la « Gaule chevelue » au terme de huit longues années de guerre.

Fabienne Manière
« Gallia est omnis divisa in partes tres... »

Jules César, désireux de cultiver sa popularité auprès des Romains, a magnifié ses opérations militaires dans le plus bel écrit de propagande qui soit : Commentaires sur la guerre des Gaules. Ce chef-d'oeuvre de littérature et de stratégie demeure essentiel pour la connaissance des lointaines origines de la France.

Le Sénat éloigne Jules César

En 58 av. J.-C., le Sénat, qui détient l'autorité suprême, offre à Jules César les pouvoirs militaires (imperium) en Gaule cisalpine, en Gaule transalpine et en Illyrie, avec quatre légions à son service.

Il lui confie la mission sous-jacente de conquérir le reste de la Gaule, autrement dit le territoire qui s'étend des Pyrénées au Rhin. Les Romains l'appellent « Gaule chevelue » du fait qu'elle est plus boisée que la région méditerranéenne. Cette dernière constitue depuis le siècle précédent une province romaine sous le nom de Gaule Narbonnaise. On l'appelle communément la « Province », d'où vient son nom actuel de Provence.

Le Sénat, qui craint l'ambition de Jules César, veut l'éloigner de Rome.

L'ambitieux et populaire consul, qui tient Rome en respect avec le triumvirat formé avec Crassus et Pompée, n'a cure de ses intentions cachées. Il voit dans la mission qui lui est confiée l'occasion d'obtenir la gloire militaire qui lui fait défaut. Tandis qu'il se consacre à l'enrôlement des légionnaires, il confie à des hommes de confiance (Cornelius, Balbus...) le soin de défendre ses intérêts à Rome.

La Gaule à la veille de la conquête romaine

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Le territoire entre Rhin et Pyrénées que César appelle Gaules dans son célèbre compte-rendu de la guerre des Gaules est composé d'environ 64 pays relativement divers et sans guère d'unité.

C'est un ensemble fortement peuplé, aux ressources agricoles et minières abondantes, mais dans lequel il serait hasardeux de chercher la France des origines. « Nos ancêtres les Gaulois » est un mythe sympathique, rien de plus.

La guerre des Gaules

La « Gaule chevelue », prospère mais divisée entre de multiples peuples celtes, suscite la convoitise des Romains comme des Germains d'outre-Rhin. C'est à qui arrivera le premier à l'occuper.

En 72 av. J.-C., Arioviste, le chef de la tribu germaine des Suèves, est appelé à l'aide par les Séquanes, que menacent les Éduens de Bourgogne, traditionnels alliés des Romains. Il en profite pour traverser le Rhin et s'établir dans la riche plaine d'Alsace après avoir défait une coalition régionale à Magetobriga, le 15 mars 60 av. J.-C. L'année suivante, il reçoit du Sénat romain le titre de « roi ami ».

– Première année de guerre :

C'est alors qu'intervient Jules César. Avant même d'arriver en Gaule Narbonnaise, vieille province romaine, il est sollicité par les Éduens qui subissent le contrecoup de leurs attaques contre les Séquanes. En effet, les Suèves d'Arioviste, appelés à la rescousse par ces derniers, bousculent les Helvètes et les poussent à émigrer vers la Saintonge, à travers le territoire des Éduens.

Sans perdre une minute, Jules César fait creuser des fossés le long du Rhône pour empêcher les Helvètes de franchir le fleuve. Là-dessus, il porte les effectifs de son armée à 40 000 hommes. Ceux-ci traversent les Alpes à marches forcées. Les Helvètes arrivent malgré tout à franchir la Saône et César doit les poursuivre jusqu'à Bibracte, un oppidum proche de l'actuelle Autun, avant de les renvoyer dans leur région d'origine.

Entre temps, profitant du désordre, Arioviste a pénétré en Bourgogne. Après avoir tenté de négocier avec lui, César le défait à Ochsenfeld (dans la région de l'actuelle Mulhouse) en 58 av. J.-C. et le repousse sans façon au-delà du Rhin. C'est à la nage que les Germains doivent traverser le fleuve.

L'approche de l'hiver amène César à suspendre les opérations et se replier en Gaule cisalpine, de l'autre côté des Alpes.

Dans les combats contre Germains et Gaulois, le général lui-même n'hésite pas à combattre au premier rang, ce qui contribue à accroître son prestige, parmi ses hommes comme parmi ses ennemis.

Entrevue de César et d'Arioviste en plaine d'Alsace (Schutzenberger, XIXe siècle)
– Deuxième année de guerre :

L'année suivante, en 57 av. J.-C., César mène une deuxième campagne pour soumettre les peuples de Belgique, au nord de la Seine : les Suessiones (de Soissons), les Bellovaques (de Beauvais), les Ambiens (d'Amiens), les Nerviens (du Hainaut) et les Éburons (de Tongeren - en français Tongres - une ville située entre Liège et Maastricht).

À Rome, le Sénat, enthousiaste, décrète quinze jours de supplications en remerciements aux dieux. Jules César en profite pour rencontrer à Lucques ses associés, Crassus et Pompée. Le triumvirat est raffermi.

– Troisième année de guerre :

En 56 av. J.-C., César lance une flotte contre les Vénètes, dans le golfe du Morbihan. La même année, son lieutenant Crassus (le fils du triumvir associé de Pompée et César) soumet les peuples aquitains. La plus grande partie de la Gaule chevelue fait désormais allégeance à César.

– Quatrième année de guerre :

Pendant l'hiver, à peine César est-il retourné de l'autre côté des Alpes qu'il apprend que deux tribus de Germains ont traversé le Rhin. Il se précipite à leur rencontre, ravage leur camp et lui-même traverse le Rhin dans l'autre sens, sur un pont de bateaux construit en dix jours dans la région de Cologne.

C'est la première fois que les Romains passent de l'autre côté du fleuve. Ils en profitent pour dévaster la Germanie et dissuader ses peuples de s'en prendre à la Gaule. Le Sénat, cette fois, décrète pas moins de vingt jours de supplications.

– Cinquième année de guerre :

À l'été 54 av. J.-C., César débarque en Bretagne (l'actuelle Angleterre) avec deux légions et 80 bateaux puis, une nouvelle fois, avec cinq légions pour battre l'armée de Cassivellaunus. Il emmène avec lui ses alliés et vassaux gaulois. Parmi eux, un très jeune officier de cavalerie du nom de Vercingétorix...

Après quatre ans de campagne, César peut croire la Gaule soumise. Il n'en est rien. Le feu couve sous la cendre. C'est ainsi que les Carnutes de la région de Cenabum (Orléans) tuent le roi que leur avait donné César. Une légion romaine doit les rappeler à l'ordre. Mais, encouragés par la rébellion des précédents, les Éburons de la région Tongres, en Belgique, se lèvent à leur tour contre l'occupant, sous la conduite de leur chef Ambiorix, allié à Induciomar, chef des Trévires.

En plein hiver, Ambiorix détruit une légion romaine et assiège le camp de Quintus Cicéron (frère du célèbre orateur du même nom). César secourt son lieutenant et saccage le pays des Éburons. Sénons et Carnutes feignent de se soumettre.

Mais la paix est sans cesse remise en cause et César, levant jusqu'à un total de dix légions, n'en finit pas d'éteindre les foyers d'insoumission. Il apprend par ailleurs que le triumvir Crassus a trouvé la mort à Carrhes, contre les Parthes. À Rome, l'autre triumvir, Pompée, a été élu seul consul, sans collègue. Un fait sans précédent.

– Sixième année de guerre :

Dans le courant de l'année 53 av. J.-C., le général romain convoque une assemblée des cités gauloises chez les Rèmes. Le Sénon Acco, considéré comme le « chef de la conjuration des Sénons et des Carnutes », est condamné à mort et exécuté.

Son sort indigne les chefs gaulois qui, à l'occasion de leur rassemblement annuel dans la forêt des Carnutes, près d'Orléans, décident de constituer une coalition contre l'envahisseur. Ils se placent sous les ordres du jeune Vercingétorix (20 ans), lequel est devenu chef des Arvernes, un peuple qui n'a jamais été occupé par les légions.

La rébellion éclate avec le massacre des citoyens romains de Cenabum, sans doute le 23 janvier 52 av. J.-C. César est en Italie quand il apprend la nouvelle. Il accourt à travers les Alpes et repousse l'armée des coalisés vers le nord.

Vercingétorix détruit tout sur son passage, selon la tactique de la « terre brûlée », afin d'affamer les Romains. Mais il commet l'erreur de céder aux supplications des habitants d'Avaricum (Bourges), capitale des Bituriges, et d'épargner leur ville. César s'empare de celle-ci et y trouve des approvisionnements grâce auxquels il peut reconstituer ses forces.

– Septième année de guerre :

Au printemps suivant, le général romain poursuit l'armée de Vercingétorix jusqu'en Auvergne.

Les Éduens eux-mêmes, traditionnels alliés des Romains, se rallient à Vercingétorix avec leur cavalerie. Le chef gaulois s'établit solidement à Gergovie, une place fortifiée proche de Clermont-Ferrand, d'où Jules César et ses six légions n'arrivent pas à le déloger. Le général, acculé, se réfugie avec ses légions chez les Lingons, un peuple resté fidèle à Rome, sur le plateau de Langres...

Vercingétorix appelle les Gaulois à la défense d'Alésia (Erhmann, XIXe siècle, Musée d'art Roger-Quillot, Clermont-Ferrand)Fort de ses premiers succès, Vercingétorix est plébiscité un peu plus tard à Bibracte par tous les représentants de la Gaule chevelue et projette rien moins que d'attaquer la Province (la Gaule narbonnaise).

César, menacé d'encerclement avec douze légions de trois à six mille hommes chacune, doit à tout prix forcer le passage vers le sud. Il doit éviter les Séquanes, sur la Saône, traverser le pays des Éduens, entre Jura et Saône, restés plus ou moins fidèles, et tâcher de franchir le Rhône par le seul pont libre, en aval de Genève.

C'est alors que se produit un retournement de situation décisif.

Comme le général romain tente de devancer Vercingétorix dans sa marche vers la Narbonnaise, des cavaliers gaulois lancent une attaque contre son armée. Ils sont repoussés par des cavaliers germains alliés à César et battent en retraite. Leur fuite désordonnée oblige Vercingétorix à se réfugier avec 80 000 hommes dans Alésia, un oppidum bien fortifié dans l'est de la Gaule.

César saute sur l'occasion pour en finir. Observant que l'oppidum est entouré de plusieurs collines, il organise un siège méthodique.

Les sapeurs romains construisent une double ligne de fortifications de 17 et 22 kilomètres de circonférence qui relie entre elles les différentes collines (contravallation à l'intérieur et circonvallation à l'extérieur). L'objectif de cette double fortification est d'empêcher toute sortie des assiégés et de les réduire à la famine, mais aussi de repousser l'armée gauloise qui se prépare à venir à leur secours.

Les assiégeants romains se laissent en quelque sorte assiéger eux-mêmes par l'armée gauloise de secours commandée par l'Arverne Vercassivellaunos, un cousin de Vercingétorix. Cette tactique porte ses fruits. 

L'armée de secours compte pas moins de 250 000 hommes mais elle est divisée et ses chefs sont désorientés par les lignes de fortifications romaines. Après un affrontement au pied du mont Réa avec les légions de Labienus, lieutenant de César, elle est obligée de battre en retraite et se fait battre par la cavalerie germaine au service de César.

La famine contraint les assiégés d'Alésia à rendre les armes, autrement dit à les jeter par-dessus les murailles, puis à livrer leur chef Vercingétorix et se rendre. Tous les captifs gaulois sont offerts comme esclaves aux légionnaires, à l'exception notable des Éduens dont César veut s'assurer le concours.

Enchaîné, Vercingétorix va suivre pendant quatre ans son vainqueur au cours de ses campagnes militaires. Il sera ensuite emprisonné à Rome pendant deux ans avant de figurer au triomphe de César et d'être étranglé dans sa cellule le soir même. 

– Huitième et dernière année de guerre :

L'année suivante, en 51 av. J.-C., César soumet quelques ultimes révoltes, dont celle d'Uxellodunum (Cahors). Il fait couper les mains de tous les défenseurs de cette ville. La Gaule tout entière fait soumission. Les huit ans de guerre lui auront coûté plusieurs centaines de milliers de morts, au moins autant de captifs réduits en esclavage et la destruction de dizaines de cités.

Épilogue

À Rome, dont César s'est éloigné huit ans plus tôt, il ne reste plus rien du premier triumvirat. Crassus a trouvé la mort ainsi que toute son armée en combattant les Parthes, en 53 avant JC, tandis que Pompée, resté à Rome, a reçu du Sénat les pleins pouvoirs pour mettre fin aux désordres causés par les factions de Clodius et Milon.

La mort de Julia, fille de César et épouse de Pompée, précipite la brouille entre les deux survivants du triumvirat... Jules César, fort de son succès en Gaule, se montre plus audacieux que son rival en gagnant Rome avec ses légions. 

Publié ou mis à jour le : 2021-12-28 19:34:43

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