Nous avons lu Toute la géographie du monde de Jean-Claude Barreau et Guillaume Bigot (Fayard, 2007, 412 pages, 22 euros)
Jean-Claude Barreau, électron libre, ancien prêtre, romancier et essayiste... travaille aujourd'hui avec Guillaume Bigot au pôle universitaire Léonard de Vinci (Nanterre). Les deux auteurs ont déjà publié il y a deux ans un ouvrage de vulgarisation apprécié : Toute l'Histoire du monde (Guillaume Bigot a publié plus récemment un passionnant essai : Populophobie).
Les Français sont plus que quiconque passionnés par l'Histoire mais délaissent la Géographie. Et pourtant...
Avec Toute la géographie du monde (Fayard), Jean-Claude Barreau et Guillaume Bigot nous démontrent la parfaite complémentarité de ces deux disciplines.
Ils nous présentent les 200 pays du monde actuel dans ce qui fait leur originalité, en montrant comment le climat ou encore le relief ont pu influer sur l'Histoire et la vie sociale.
Je ne résiste pas au plaisir de citer quelques lignes qui illustrent la philosophie de l'ouvrage :
«La mer Tyrrhénienne, entre Corse, Sardaigne et Sicile, est circonscrite par ces trois massifs montagneux insulaires et par une côte accueillante et douce, celle de Campanie. La Corse ne couvre que 8.000 kM2, la Sardaigne 24.000 et la Sicile presque 26.000. Les populations de ces trois îles sont d'importance inégale (...).
Ces trois îles ont beaucoup en commun. Ce sont des espèces de petits continents tournant le dos à la "Grande Bleue". Là se sont conservés des modes de vie et de pensée révolus ailleurs: libre pâture des moutons ou des chèvres (mortelle pour les arbres), enfermement en clans opposés, ce qui est propice aux vendettas et aux mafias...» (pages 75-76).
Faisant fi des conventions, les auteurs parcourent le monde en suivantles grands ensembles physiques comme par exemple la chaîne de montagnes qui s'étend des Pyrénées, à l'ouest, à l'Himalaya, à l'est !
Cela leur permet de mettre en évidence des similitudes entre des pays aussi éloignés géographiquement que la Suisse et le Népal: l'un et l'autre sont des pays enclavés dans leurs montagnes, farouchement attachés à leur indépendance et dont les habitants ont au fil des siècles servi comme mercenaires chez les souverains des plaines (les Suisses auprès du roi de France... et du pape, les Gurkas du Népal auprès du roi d'Angleterre).
Les auteurs se livrent aussi à un beau numéro de monographie en prenant pour cible le Vendômois et Vendôme, au sud-ouest de Paris et en détaillant les charmes de ce petit pays qui plonge ses racines jusque dans le passé gaulois.
Le livre n'est en rien professoral. Il se présente sous la forme d'un récit bien enlevé et vigoureux, fluide et d'une lecture agréable. Il est à la portée de tous les publics, professeurs, amateurs, étudiants et collégiens.
On y retrouve quelques piques dont est coutumier Jean-Claude Barreau, par exemple sur la France :
«La France est une nation artificielle et "politique" (...). Il y a davantage de différences entre un Alsacien (ethnie germanique), un Breton (ethnie celte), un Dunkerquois (ethnie flamande) et un Marseillais (Méditerranéen métissé) qu'entre, par exemple, un Serbe et un Croate (...). Parce qu'elle est un pays artificiel, la France est aussi depuis longtemps un pays exogame où l'on n'hésite pas à prendre femme hors communauté. Le Français peut tenir des propos raciste à l'occasion, mais quand une femme lui plaît, il ne craint pas de la prendre pour compagne quelle que soit la couleur de sa peau. C'est la vraie raison de l'hostilité des Français au "foulard islamique". Symboliquement, le "tchador" dit aux non-musulmans: "Ne touchez pas à nos femmes." Cette interdiction intolérable au Français exogame (...).» (page 126).
Le malaise actuel de la France puise son origine, selon les auteurs, dans l'attitude des élites à son égard. «Le principal nous semble être que beaucoup de ses dirigeants ne croient plus en elle», écrivent-ils. «Le complexe d'infériorité des dirigeants français, qui n'est nullement justifié, est dangereux pour notre langue» (page 143). A contrario, les Japonais, très attachés à leur langue et à leur culture,nous démontrent que cet attachement n'est pas incompatible (bien au contraire) avec d'excellentes performances économiques.
Toute la géographie du monde me semble au final utile tantpour la compréhensionde notre monde actuel que pour celle de l'Histoire.
On peut seulement regretter qu'il n'y ait pas davantage de cartes et qu'en particulier ne soient pas localisées les villes dont les noms apparaissent dans le texte.
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible