Chabadabada... Anouk Aimé, c'est d'abord le sourire d'une amoureuse, celle d'Un Homme et une femme de Claude Lelouch. Mais la comédienne incarne aussi le meilleur des cinémas français et italien des années 60 et 70 où son élégance et sa discrétion ont fait merveille. Rembobinons le film de sa vie pour mieux nous replonger dans cette grande époque du 7e art.
Une jeune fille bien sage...
Née le 27 avril 1932 à Paris, Nicole Dreyfus est une enfant sûre d'elle : elle sera artiste, comme ses parents, et pourquoi pas danseuse ? Mais pas facile de nourrir ce type d'ambition quand l’Occupation vous oblige à vous cacher en Charente pour éviter le sort des autres jeunes juifs.
Revenue dans la capitale, elle voit finalement ses rêves se concrétiser grâce à sa beauté de jolie brune et à un sacré coup de chance : repérée dans un restaurant par le réalisateur Henri Calef alors qu'elle n'a que 14 ans, la voilà sous les projecteurs du film La Maison sous la mer (1946). Elle y incarne la petite Anouk, personnage dont elle adoptera le prénom comme pseudonyme d'artiste, y ajoutant un élégant « Aimée » conseillé par Jacques Prévert.
Marcel Carné, Jacques Becker, André Cayatte... Le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle séduit les grands réalisateurs de ce qu'il est aujourd'hui convenu de désigner comme « The French Old Wave » (« La Vieille vague française »), âge d'or du cinéma hexagonal précédant la Nouvelle Vague des années 60.
Elle décroche ainsi le premier rôle des Amants de Vérone (1949) d'André Cayatte avant de donner la réplique à Gérard Philippe dans Pot-Bouille de Julien Duvivier (1957) et Montparnasse 19 de Jacques Becker (1958), où elle joue la compagne du peintre Modigliani.
… et bien téméraire
Mais la jeune Anouk Aimée ne se laisse pas enfermer dans ce type de personnages trop « classiques ».
En 1961, elle enfile des bas-résilles et se transforme en Lola sous le regard de Jacques Demy (1961). La voilà enfin danseuse, boa autour du cou et fume-cigarettes aux lèvres ! Chantonnant sur les airs de Michel Legrand, elle crève l'écran telle une Dietrich moderne, associant à jamais son image à celle de la ville de Nantes.
Il faut dire que la Nouvelle Vague et ses expérimentations n’effrayent pas la comédienne. Elle en a déjà fait l'expérience en Italie auprès du Maître, Federico Fellini, qui l'a transformée en grande bourgeoise dépravée, adepte de la Dolce vita (1960). C'est une révélation : « En rencontrant Fellini, j'ai commencé à aimer le cinéma. Jusque-là, le cinéma m'avait choisie, mais pas moi » expliquera-t-elle au journal Libération en 2022.
À la fois scandale et succès, le film ouvre la voie à Huit et demi (1963) où elle joue cette fois-ci l'épouse de Marcello Mastroianni. Sa participation à ces chefs-d'œuvre du cinéma a tendance à éclipser sa carrière en Italie, associée également aux noms de Vittorio de Sica (Le Jugement dernier, 1961) ou Dino Risi et Vittorio Gassman (Le Succès, 1963).
Avis de tempête
Le cinéma de papa, aux oubliettes ! Lorsqu'un groupe de jeunes gens, qui ont appris à observer et critiquer les films dans les Cahiers du cinéma, décident de laisser parler leurs envies, cela crée une révolution dans le cinéma.
Née en France à la fin des années 50, la Nouvelle Vague en a assez de ne pas retrouver son époque dans ce qu'on lui montre sur les écrans. Ces anticonformistes vont donc aller tourner dans les rues des histoires simples comme la vie. On joue avec la chronologie, on ignore les faux raccords, on improvise...
En quelques années, des films comme Les 400 coups (1959) de François Truffaut, À bout de souffle (1960) de Jean-Luc Godard ou Cléo de 5 à 7 (1962) d'Agnès Varda font souffler un air nouveau sur le cinéma.
Le phénomène n'est pas isolé puisque de l'autre côté des Alpes, le signal de l'émancipation artistique avait été donné par Federico Fellini avec La Strada (1954) où la fantaisie était reine. Les États-Unis, de leur côté, n'y resteront pas indifférents, se nourrissant de ces nouvelles sources d'inspiration pour donner naissance au Nouvel Hollywood et à ses réalisateurs-rois.
Amoureuse pour toujours
Mais c'est en 1966 que la carrière d'Anouk Aimée prend un virage sur les chapeaux de roues grâce à une banale histoire d'amour : son personnage, Anne, tombe sous le charme d'un séduisant coureur automobile.
Destin croisé de deux êtres meurtris qui hésitent face à l'évidence de leur attirance, Un Homme et une femme (1966) de Claude Lelouch propulse Anouk Aimée au rang de grande star romantique. Dès lors, récompenses (Golden Globe et nomination aux Oscars) et projets s'enchaînent, notamment les collaborations avec ce même réalisateur (sept films, de 1966 à 2010).
Si les personnages qu'elle incarne sont moins marquants, le public aime à la retrouver, que ce soit dans des drames américains (Le Rendez-vous de Sydney Lumet, 1969) ou des comédies françaises (Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants d'Yvan Attal, 2004), souvent dans un second rôle attachant. Elle meurt le 18 juin 2024, à Paris, à l'âge de 92 ans, 5 ans après avoir tourné son dernier film, Les Plus belles années d'une vie (Claude Lelouch).
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