La Régence à Paris

À l'aube des Lumières


La Régence à Paris (exposition du musée Carnavalet)À l’occasion du tricentenaire de la mort du Régent Philippe d’Orléans (3 décembre 1723), le musée Carnavalet (Paris) présente jusqu’au 25 février 2024 une très belle exposition dédiée à la Régence.

Cette courte période de notre Histoire (1715-1723) est néanmoins capitale car elle fit la transition entre le long règne personnel de Louis XIV (1661-1715) et le siècle des « Lumières » qui installa la modernité occidentale avant de déraper dans les affres de la Révolution.

Le musée par excellence de Paris

Dans le quartier du Marais, au cœur de Paris, le musée Carnavalet est installé dans un magnifique hôtel Renaissance où résida longtemps Madame de Sévigné. Ce musée de la Ville de Paris offre un magnifique panorama de toute l’Histoire de la capitale, la période révolutionnaire et le XIXe siècle étant très bien représentés.

Rupture avec l’ancienne monarchie

Le 2 septembre 1715, au lendemain de la mort du vieux Roi-Soleil, son neveu Philippe d’Orléans obtient du Parlement de Paris qu’il puisse gouverner le pays pendant la minorité du nouveau souverain, Louis XV (5 ans).

Augustin Justinat, Louis XV, roi de France, 1717 © Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Dist. RMN-Grand Palais / Photo : Christophe FouinLa Cour et les administrations quittent aussitôt Versailles et son étiquette trop pesante pour regagner Paris après 33 ans d’absence. Elles n’allaient y revenir qu’à la majorité du nouveau roi. Entretemps, le roi s’installe aux Tuileries et le Régent au Palais-Royal. La Cour se disperse dans les salons, contribuant à l’effervescence générale avec une liberté inédite. C’est l’esprit des Lumières (dico).

En 1721, Montesquieu publie ainsi les Lettres persanes, livre interdit par la censure mais qui connaît un grand succès : deux Persans de fantaisie, Usbek et Rica, y moquent les mœurs de la société parisienne. « La fureur de la plupart des Français, c’est d’avoir de l’esprit. Et la fureur de ceux qui veulent avoir de l’esprit, c’est de faire des livres » (Montesquieu, Lettres persanes, lettre LXIV, 1721).

L’exposition du musée Carnavalet met en exergue la rupture qui s’ensuit, pas seulement géographique mais aussi mentale, artistique et politique. Son parcours est très plaisant car il donne à voir des œuvres picturales bien sûr mais aussi des textes officiels, des lettres et des gravures, par exemple en rapport avec la traite des esclaves ou l’affaire Law, ainsi que des manuscrits comme les Mémoires du duc de Saint-Simon, en pattes de mouche ! Sans compter bien sûr des artefacts parfois surprenants (instruments de musique, pièces de mobilier, décors, etc.).

Paris, deuxième ville d’Europe après Londres, connaît alors un regain de croissance et de prestige. Elle connaît une intense effervescence culturelle dans tous les domaines avec des noms comme Voltaire, Marivaux, Montesquieu, Watteau... John Law invente (trop tôt) le papier monnaie et mène le pays à la banqueroute en 1720 mais avec pour résultat de relancer le commerce et solder la dette héritée de Louis XIV.

Jean-Baptiste Oudry, Le Petit Pont après l’incendie, 1718 CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

Le nom de Watteau est lié à Paris et à la Régence. Il est le peintre des comédiens italiens, des musiciens et des amours pastorales – en quelque sorte le double de Marivaux. Il accède à la célébrité en 1717, en entrant à l’Académie royale de peinture avec le Pèlerinage à l’île de Cythère. Notons aussi qu’à l’initiative du Régent, la Vénitienne Rosalba Carriera entre à l’Académie en 1720. Elle est hébergée dans l’hôtel du financier Pierre Crozat, surnommé « Le Pauvre » par opposition à son frère Antoine Crozat ! Ledit hôtel est aussi fréquenté par Watteau et le Régent qui y vient parfois écouter de la musique italienne.

Jean-Baptiste Santerre, Philippe, duc d’Orléans, régent de France (1674-1723) et Minerve (sous les traits présumés de Marie-Magdeleine de La Vieuville, comtesse de Parabere, sa maîtresse 1693-1750), 1717-1718 © Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Dist. RMN-Grand Palais / Photo : Gérard BlotLe Régent se révèle un esprit d’une rare intelligence, doué de tous les talents, y compris artistiques, soucieux de l’intérêt du royaume mais libertin dans tous les sens du terme et quelque peu velléitaire.

Le duc de Saint-Simon, dans ses Mémoires, évoque les « petits soupers » du Régent, quoiqu’il n’y ait jamais participé : « On disait des ordures à gorge déployée, et des impiétés à qui mieux mieux, et quand on avait bien fait du bruit, et qu’on était bien ivre, on s’allait coucher, et on recommençait le lendemain » (Duc de Saint-Simon, Mémoires, année 1716).

Le royaume entre dans une période de paix qui contraste avec le demi-siècle passé. Il bénéfice d’une première expansion démographique en lien avec l’amélioration lente des conditions de vie dans les campagnes. Mais il doit faire face aussi à une dernière éruption de peste à Marseille en 1721.

La haute noblesse et les privilégiés tendent à redresser la tête au détriment de l’intérêt général et il faudra beaucoup d’efforts au Régent comme à ses successeurs pour les ramener dans la soumission…

La Galerie dorée de l'hôtel de Toulouse, siège de la Banque de France

Notons que le musée propose également aux visiteurs de l’exposition la découverte, le samedi, de l’étonnante Galerie dorée de l’hôtel de Toulouse, anciennement hôtel de la Vrillière, près de la place des Victoires (1er arrondissement). Construit par François Mansart, cet hôtel fut somptueusement décoré entre 1713 et 1719 et l’on peut admirer la Galerie dorée, inspirée de la Galerie des Glaces de Versailles, ainsi que la salle du Conseil et la salle à manger du Conseil. Depuis la Révolution, l’hôtel est le siège de la Banque de France.

Le 15 juin 1722, Louis XV décide de retourner à Versailles. Le 25 octobre, il est sacré à Reims et l’année suivante le 22 février 1723, un nouveau lit de justice officialise sa majorité,. C’est la fin de la Régence. Philippe d’Orléans garde néanmoins le pouvoir avec le cardinal Guillaume Dubois, devenu Premier ministre. Mais celui-ci meurt le 10 août suivant. Le 3 décembre, l’ancien Régent décède à son tour. Son rival et ennemi  de toujours, le jeune duc de Bourbon, chef de la maison de Condé, devient Premier ministre.



Publié ou mis à jour le : 2023-11-12 10:34:38

mcae.fr (14-11-2023 08:34:52)

Les lumières du XVIIIe siècle n’éclairent que la bourgeoisie qui sent son heure venir. Pour moi Louis XIV est le fossoyeur de la monarchie, ainsi que de la culture Française. Alors qu’il dispose... Lire la suite

Jacques Groleau (12-11-2023 17:06:11)

Période faste, pour un petit nombre de privilégiés... Mais qui prépare la Révolution : noblesse dévoyée s'accrochant à des privilèges devenus obsolètes, et libertinage scandaleux.

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