Le patrimoine archéologique est aujourd'hui relativement bien identifié, étudié et valorisé en France.
Malgré des difficultés persistantes dans la pratique des fouilles, notamment en raison de la pression immobilière, l'archéologie continue à véhiculer une image valorisante de découvertes et d'aventures. Nombreux sont les médias qui relayent son actualité et sa restitution bénéficie régulièrement des dernières avancées technologiques.
Pourtant, le patrimoine archéologique n'a pas toujours été aussi favorisé et il a dû attendre de nombreuses années avant d'être pris en compte tel quel dans les démarches de patrimonialisation. Si les vestiges de nos ancêtres sont entrés dans les collections de manière précoce, ils étaient souvent mal identifiés et interprétés de façon réductrice comme des curiosités naturelles ou des oeuvres d'art.
Mais le patrimoine archéologique est bien plus que cela. C'est un témoignage précieux des us et coutumes de nos ancêtres. L'histoire de sa valorisation récente découle de plusieurs influences, dont l'évolution de la recherche archéologique en tant que science et celle de la notion de patrimonialisation. Sa connaissance permet de comprendre comment les vestiges ont été tranférés de collections privées réservées à certaines élites à des sites aujourd'hui accessibles au plus grand nombre.
Depuis longtemps, les hommes trouvent dans le sol des objets insolites. Au XVIe siècle, on les identifie comme des résultats d'actions naturelles, comme la foudre par exemple. Ce n'est qu'en 1590 que le directeur du jardin botanique du Vatican, Michele Mercati, va identifier certains de ces objets comme des productions humaines.
Pourtant, dans les cabinets de curiosité où l'on expose de plus en plus d'objets archéologiques, les collectionneurs continuent à faire des classements esthétiques. Pour passer de simple regroupement d'objets à l'exposition scientifique de vestiges de civilisations humaines, il faudra attendre le développement de l'anthropologie au XVIIIe siècle.
L'archéologie moderne peut alors apparaître et se définir comme «l'étude de l'Histoire humaine à travers un ensemble de traces matérielles qui constituent un patrimoine marqué par la territorialité».
La recherche archéologique éclot en France à la moitié du XIXe siècle avec l'exploration de la Vallée de la Vézère en Dordogne ainsi que les travaux de Jacques Boucher de Perthes dans le Nord. L'archéologie préhistorique est donc la première à bénéficier de cette nouvelle approche. C'est alors le temps des Sociétés Savantes, qui se subsituent aux pouvoirs publics pour organiser les premières fouilles programmées et ouvrir les premiers musées d'archéologie dans lesquels sont exposées les pièces découvertes lors de ces nouvelles fouilles.
Les découvertes sont nombreuses et certaines sont érigées en «Hauts Lieux de l'Histoire Nationale», permettant ainsi aux politiques d'utiliser à leur compte le rayonnement symbolique de ces sites. Ainsi, dans les années 1860, Napoléon III va participer activement à la redécouverte des grands oppida de la période gauloise, comme Alésia, Bibracte ou Gergovie, porteurs d'une forte symbolisation de l'identité nationale.
Pourtant, le patrimoine archéologique n'est pas encore bien défini et identifié. Lorsqu'en 1840 la première liste de classement des Monuments Historique est publiée, sur 1034 sites classés un seul relève du patrimoine archéologique: les alignement de Carnac. Il faudra attendre 1930 pour que la notion de patrimoine s'étende et prenne en considération les sites à «caractère historique, scientifique, légendaire ou pittoresque».
La pratique de l'archéologie va être reprise en main par l'État à la moitié du XXe siècle, avec la division du territoire en circonscriptions archéologiques et la mise en place des premières législations.
En 1964, le gouvernement créé l'AFAN (Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales) qui doit assumer les missions de recherche, de conservation et de valorisation pour le compte de l'Etat. Aujourd'hui renommée INRAP (Institut National de Recherches en Archéologie Préventive) et suite aux difficultés liées à la pression immobilière, elle ne gère presque plus que des opérations de sauvetage, contre très peu d'opérations programmées. C'est d'ailleurs cette situation qui va engendrer des difficultés de plus en plus marquées dans les relations entre archéologues et aménageurs.
De plus, une fois l'engouement de ses débuts retombé, l'archéologie ne bénéficie plus vraiment de la faveur du grand public. Considérée comme trop élitiste, elle souffre de l'abstraction de son discours et les visiteurs commencent à déserter les salles des musées où s'enchaînent trop souvent des vitrines entières de silex et de tessons. L'archéologie est en crise et doit alors se retourner rapidement pour survivre dans le monde moderne, en améliorant sa communication et son image.
Dès les années 1980, les acteurs de l'archéologie vont travailler avec succès à sensibiliser les collectivités aux retombées territoriales positives que peut avoir leur travail: diffusion de la culture, développement touristique et économique, renforcement de l'identité territoriale...
Désormais, les chantiers sont suivis pas à pas par le grand public et les collectivités interviennent dans la valorisation de leur patrimoine local. Le nombre d'expositions consacrées à l'archéologie explose, d'une trentaine par an à la fin des années 1980 à plus d'une centaine aujourd'hui. C'est aussi dans cette décennie que se multiplient les associations à but historique et archéologique et que les opérations d'aménagement des sites gagnent en originalité et en variété.
C'est dans ce contexte que va être fixée la définition que nous utilisons aujourd'hui pour le patrimoine archéologique : «tous les vestiges, biens et autres traces de l'existence de l'humanité dans le passé, dont la sauvegarde et l'étude permettent de retracer le développement de l'histoire de l'humanité et de sa relation avec l'environnement naturel et dont les principaux moyens d'information sont constitués par des fouilles ou des découvertes...» (Convention de Lavalette -1992)
Du côté de la médiation, le développement des technologies informatiques, et notamment la représentation virtuelle, va permettre une restitution de plus en plus visuelle et concrète. Les publics se réconcilient avec leurs ancêtres auxquels il est de plus en plus facile de s'identifier. Dans cette même lignée, les opérations de reconstitution architecturale se sont également répandues sur tout le territoire. Chaque site est désormais susceptible d'être entièrement reconstruit en élévation, retrouvant même parfois ses habitants lors de journées d'Histoire Vivante.
De science élitiste et parfois obscure, l'archéologie est donc rapidement passée au rang d'élément identitaire et fédérateur auprès des populations. Les nouvelles techniques de médiation et de valorisation ont permis un formidable regain d'intérêt pour les civilisations anciennes, avec une approche pédagogique mais également ludique.
Il reste cependant à créer un véritable contrôle sur ces opérations pour garantir la qualité scientifique et historique des données. En l'absence de toute législation sur la pratique de la reconstitution de sites, il est parfois difficile pour le grand public de distinguer le bon grain de l'ivraie et cela nuit à la reconnaissance de certaines actions de la part de la communauté scientifique.
Cette analyse critique est en cours mais prend du temps. Les premiers à bénéficier d'un label qualitatif (outre le classement au titre des Monuments Historiques) sont évidement des sites d'importance nationale. À titre d'exemple, parmi les 32 sites classés «Grands Sites de France», trois d'entre eux sont des sites archéologiques : Bibracte au Mont Beuvray (71), les Roches de Solutré (71) et le Pont du Gard (30).
Tout laisse à penser que l'archéologie de demain reposera sur la territorialité, avec un fort développement des recherches et des aménagements de sites de plus en plus souvent ruraux. Moins soumis à la pression immobilière, ils bénéficient plus facilement de fouilles programmées sur du long terme. Ils apportent un renouveau important dans les connaissances historiques alors que la plupart des grands sites urbains ont été déjà bien exploités.
Souvent moins bien conservés en raison des matériaux utilisés dans les constructions modestes, ils doivent leur renaissance entre autre à cette nouvelle pratique de reconstitution et d'archéologie expérimentale. Ainsi, le bénéfice est double : pour les chercheurs qui trouvent de nouveaux moyens de tester leurs hypothèses et pour les visiteurs qui entrent en contact direct non seulement avec l'histoire mais également avec ceux qui l'interpètent.
La valorisation du patrimoine archéologique est aujourd'hui dans une période faste de renouveau et si les contacts entre la communauté scientifique et le grand public sont maintenus, ce sont tous les acteurs de la chaîne de l'archéologie qui en bénéficieront. Une sensibilisation accrue des aménageurs, une meilleure compréhension du métier d'archéologue, une plus grande diffusion de la culture et surtout un rassemblement de tous autour de racines communes indépendantes de toutes frontières, ce qui dans notre société actuelle ne peut être que source d'ouverture d'esprit et de tolérance.
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